Gonet: l'actualité des marchés au 10 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow +2,00%, S&P 500 +2,57%, Nasdaq +3,59%, Russell 2000 +2,71%, SOX +3,97%, Eurostoxx +7,44%, SMI +3,95%.

Wall Street réalise un superbe rebond technique dans un contexte de marché baissier. La hausse d’hier est initiée par la bonne vieille Europe, l’indice Eurostoxx se mettant en mode Space-X et décollant de 7,44%. Les «excuses» mentionnés par les commentateurs évoquent un léger espoir de voir une solution diplomatique au conflit en Ukraine, son président étant apparemment prêt à adopter une position neutre vis-à-vis de l’Otan. En parallèle, des rumeurs se mettent à circuler dans les salles de marchés sur une possible augmentation de la production de pétrole par les Emirats Arabes Unis. Ce cocktail espoir/rumeur fait office de détonateur et déterre une grande partie des taureaux, dont la capacité à revenir si vite en mode FOMO (Fear Of Missing Out) me stupéfiera toujours.

Soyons clairs, ce rallye ne constitue qu’un rebond technique, sur fonds de repli de la volatilité. S’il était encore nécessaire de le prouver, la séance d’hier met une nouvelle fois en lumière l’importance que les produits dérivés ont pris sur les marchés cash d’actions. La demande de protection a été très importante récemment, créant un environnement «short gamma», dans lequel les market makers ont amplifié les mouvements à la baisse. Il a suffi qu’un bon nombre de ces positions de couvertures en options soient débouclées hier et le phénomène inverse s’est produit, qui a forcé les market makers à acheter massivement des actions. Ne cherchez pas plus loin.

Au final, l’indice S&P500 (SPX) réalise sa plus forte hausse journalière depuis juin 2020, sa configuration technique en revanche reste faible, il faudrait qu’il repasse au-dessus de sa moyenne mobile à 200 jours pour recoller un peu les morceaux. Clôture hier à 4277 points contre la 200 dma à 4466,10 des 11 secteurs du SPX progressent et je vous laisse deviner lequel baisse, trop facile! L’énergie se replie hier, impactée par le recul du pétrole, le baril de WTI Light Crude baisse de 10% et revient à 111 dollars. Les secteurs technologique et financier mènent la danse, l’appétit au risque se propage à tous les étages de cette fusée un peu folle que l’on nomme marché. La volatilité recule, le VIX (volatilité du SPX) perd 7,7% à 32,45. Le niveau de clôture du VIX reste élevé et sa baisse d’hier limitée, ce qui nous indique que de nombreux intervenants ne baissent pas la garde après le rebond d’hier, probablement une sage approche. Le dollar est délaissé, la paire EUR/USD revient à 1,1064 tandis que les rendements obligataires décollent, on se débarrasse de ses valeurs refuges (que l’on rachètera probablement sans tarder). Le 10 ans US remonte fortement, à 1,94% (et les technologiques décollent, well…). Les volumes d’échanges reculent, on n’assiste pas à une forte participation à cette hausse donc.

On l’aura compris, tout cela reste terriblement fragile, la hausse d’hier ne se fait que sur du vent et de nombreux événements de première importance se profilent à l’horizon, tels que la réunion de la BCE aujourd’hui, la statistique des prix à la consommation aux Etats-Unis cet après-midi, le sommet de l’Union  Européenne à Versailles aujourd’hui et demain ainsi qu’une rencontre diplomatique entre les ministres des affaires étrangères ukrainien et russe, aujourd’hui en Turquie. Et la semaine prochaine ce sera au tour de la Fed de nous annoncer sa décision sur les taux d’intérêts.

Lors de leur réunion d'aujourd'hui, les responsables de la BCE aborderont l'inflation galopante et toutes sortes d'autres effets néfastes de la guerre en Ukraine. Selon l’agence Bloomberg, Christine Lagarde retardera probablement tout verdict sur la fin de l'assouplissement quantitatif, mais une surprise n'est pas à exclure. Bloomberg Economics maintient sa prévision d'une fin des achats d'actifs au dernier trimestre de l'année et d'une première hausse des taux d'intérêt de 25 points de base en décembre.

Volodymyr Zelenskiy appelle à des négociations directes avec Vladimir Poutine, déclarant à Bild que les deux parties doivent faire des compromis. Kiev est ouvert à la discussion sur la demande de neutralité de la Russie à condition qu'elle obtienne des garanties de sécurité, mais ne cédera pas «un seul pouce» de territoire, déclare l'assistant de Zelenskiy, Ihor Zhovkva. Les évacuations sont en cours, mais un couloir entre Marioupol et Zaporizhzhia n'a pas été ouvert en raison des bombardements. Les États-Unis déclinent l'offre de la Pologne d'envoyer des avions de chasse MiG-29 dans une base américaine en Allemagne.

La Chambre des représentants des États-Unis adopte un projet de loi sur les dépenses de 1'500 milliards de dollars, longtemps retardé, qui financera le gouvernement jusqu'à la fin de l'année fiscale et fournira 13,6 milliards de dollars d'aide à l'Ukraine. L'administration Biden pourrait imposer des sanctions à l'entreprise publique russe d'énergie atomique Rosatom. Kiev attend la première tranche de 300 millions d'euros d'aide européenne dès la semaine prochaine, déclare le Premier ministre Denys Shmyhal. La deuxième tranche est attendue une semaine plus tard.

Les difficultés inattendues de l'armée russe en Ukraine suscitent des appels à un nouvel examen des hypothèses concernant la machine militaire de Poutine. Une énigme: pourquoi la Russie n'a-t-elle utilisé sa puissance aérienne qu'avec parcimonie, permettant aux défenses aériennes de l'Ukraine de survivre et à ses avions de combat de continuer à voler? Plus fondamentaux sont les signes d'un moral et d'une organisation médiocres parmi les troupes russes. «Presque tout le monde s'est trompé» dans les prévisions sur le déroulement de la campagne, déclare Greg Austin de l'IISS.

Le blé prolonge ses pertes après qu'un rapport américain a montré que l'offre mondiale est en hausse, grâce à une récolte australienne plus importante et à des exportations robustes de l'Inde. L'USDA relève son estimation des stocks mondiaux de blé pour la fin de la saison 2021-22 à 281,5 millions de tonnes, contre 278,2 millions. Les contrats à terme de référence sur le blé à Chicago chutent jusqu'à 7,7% après avoir perdu le maximum possible avant limite hier.

Aujourd’hui est donc jour de BCE, avec décision à 13h45 et conférence de presse à partir de 14h30. Aux Etats-Unis, place aux inscriptions hebdomadaires au chômage et à l'inflation de février (14h30).

Julius Baer: UBS reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 75 à 67 francs. Temenos: Goldman Sachs passe de vendre à neutre en visant 90 francs. Amazon va diviser par 20 le nominal de son action et racheter 10 milliards de dollars d'actions. Le titre progresse de 7% dans les échanges après-bourse. Carlsberg suspend ses prévisions et va prendre une provision sur ses activités en Russie. Crédit Suisse était exposé à hauteur de 848 millions de francs à la Russie au 31 décembre dernier. Rio Tinto stoppe ses relations commerciales avec la Russie. Tesla relève le prix de ses Model 3 et Y aux Etats-Unis et en Chine. Twitter lance une version sur Tor pour contourner les restrictions russes.

Cette nuit et ce matin en Asie, tous les écrans sont verts, ô surprise…Tokyo progresse de 3,94% à la cloche, Hong Kong gagne 0,89%, Shanghai avance de 1,22% et Séoul monte de 2,21%. Le future SPX se replie légèrement, de 0,15% tandis que l’Europe ouvre en très légère hausse de 0,2%. Prudence et retenue sont de mise, ne pas se laisser emporter par un fol espoir surtout, la poussière n’est pas encore retombée.

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