Gonet: l'actualité des marchés au 7 mars

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -0,53%, S&P 500 -0,79%, Nasdaq -1,66%, Russell 2000 -1,55%, SOX -2,42%, Eurostoxx -4,96%, SMI -3,22%.

Wall Street se replie face à la multitude d’incertitudes engendrées par la guerre en Ukraine. Ceci dit, le marché américain fait nettement moins mal que son alter ego européen. Les Etats-Unis sont éloignés du théâtre des opérations et leur approvisionnement en énergie ne dépend pas de la Russie. Les tensions persistent durant le weekend, Vladimir Poutine ne semble pas disposé à relâcher la pression, ni à réellement négocier. On sent dans les salles de marchés que la peur gagne du terrain. L’inflation fait de même, bien aidée par le pétrole, qui atteint un niveau critique de 125 dollars par baril de WTI Light Crude, considéré par de nombreux traders comme le point à ne pas dépasser pour ne pas impacter la croissance globale. La chaîne d’approvisionnement souffre également du conflit alors qu’elle était déjà plutôt mal en point. On recherche activement les valeurs défensives, les rendements obligataires reculent fortement, le spread 2 – 10 ans US se réduit comme peau de chagrin et revient à son niveau de mars 2020. Ce matin le 10 ans US rend 1,72% alors que le 10 ans allemand Bund est de retour en territoire négatif, de 6 points de base.

Les prix des matières premières restent demandés. L’or progresse à 1985 dollars par once. Le dollar est en forme olympique, la paire EUR/USD traite ce matin à 1,0876, après être allée à 1,0822 un peu plus tôt dans la nuit. Le support référence se situe à 1,0636, c’est le plus bas en séance du 23 mars 2020. Le franc suisse s’affaiblit contre le dollar mais reste très fort contre euro, malgré la spéculation croissante dans le marché que la BNS va intervenir pour affaiblir sa monnaie. Ce matin la paire EUR/CHF traite à l’équilibre, cela illustre bien la différence abyssale actuelle entre le billet vert et la monnaie unique européenne, dans le contexte du conflit en Ukraine.

Sur le front des marchés actions, les titres dits de croissance sont littéralement bazardés et l’indice S&P500 (SPX) se replie pour la 4e fois en 5 séances. Sur la semaine, le SPX perd 1,27% tandis que le Nasdaq rend 2,78%. Scénario tout autre en Europe, ou l’indice Eurostoxx50 chute de 10,44% sur 5 séances et son sous-indice des banques plonge de 18,69%. Le SMI se replie de 5,73% pour sa part. Le marché est clairement en mode «distress», la pression vendeuse ne faiblit pas. Cela dit, dans le pataquès boursier actuel, le marché des actions semble une fois de plus le seul endroit où patienter, partant que l’on ait une approche à moyen/long terme bien évidemment.

Petit détour par la case macro-économie avec la publication vendredi du très important rapport américain sur l’emploi, dont tout le monde se fiche, mais alors pas qu’un peu. Et pourtant, lorsque la poussière retombera, on se souviendra que l’économie américaine a créé 678'000 emplois en février alors que les économistes attendaient un chiffre de 422'000. On se rappellera aussi que la croissance des salaires a stagné le mois passé.

L'administration Biden pourrait faire cavalier seul en interdisant les importations de pétrole russe, du moins dans un premier temps, selon l’agence Bloomberg. Le Japon est en pourparlers avec les États-Unis et l'Europe au sujet d'un éventuel embargo, rapporte Kyodo. Antony Blinken déclare que les États-Unis sont en discussion avec leurs alliés européens. Les États-Unis s'efforcent de trouver des solutions de rechange pour réduire l'offre russe et contenir la flambée des prix. Deux hauts fonctionnaires se sont entretenus avec le Venezuela pour discuter de l'approvisionnement en brut. Selon Axios, les conseillers de Joe Biden envisagent de se rendre en Arabie saoudite au printemps pour convaincre le royaume de pomper davantage.

Une deuxième tentative de créer un passage sûr pour quelque 200’000 civils piégés à Mariupol a échoué. Les forces russes n'ont pas lancé d'offensives majeures pendant la majeure partie du week-end, tandis que l'armée ukrainienne a lancé une contre-attaque près de Kharkiv, selon l'Institute for the Study of War. Les assauts russes sur Kiev et Kharkiv pourraient reprendre dans les 48 heures, ainsi que les attaques sur Mykolayiv et peut-être Odessa. Vladimir Poutine réaffirme que la guerre se poursuivra tant que l'Ukraine n'accepte pas ses exigences et ne met pas fin à sa résistance, réduisant ainsi les espoirs de progrès lors d'une troisième série de pourparlers qui pourrait avoir lieu aujourd'hui.

La Russie et les entreprises russes seront autorisées à payer leurs créanciers étrangers en roubles, décrète le président russe, dans une tentative d'éviter les défauts de paiement alors que les contrôles des capitaux restent en place. Rosneft avait une obligation de 2 milliards de dollars arrivant à échéance hier et Gazprom a un emprunt de 1,3 milliard de dollars arrivant à échéance aujourd'hui. La Banque Centrale de Russie va temporairement réduire la quantité d'informations que les banques commerciales sont tenues de publier afin de limiter les risques liés aux sanctions. L'agence de notation Moody's réduit encore la note de crédit de la Russie, la faisant passer en territoire «junk».

Près de 4500 manifestants contre la guerre ont été arrêtés hier en Russie, selon le groupe de défense des droits OVD-Info. Anthony Blinken rencontrera le ministre israélien des affaires étrangères, Yair Lapid, aujourd'hui à Riga. Selon les Nations unies, plus de 1,5 million de personnes ont fui l'Ukraine depuis le début de la guerre. Une partie du personnel russe de Goldman Sachs est en train de se relocaliser à Dubaï, selon l’agence Bloomberg. PwC et KPMG quittent la Russie. Netflix ferme tous ses services en Russie, et TikTok y suspend la diffusion ses contenus. Après la suspension des activités de Visa et Mastercard, Sberbank envisage d'émettre des cartes en utilisant le système de paiement domestique Mir et le système chinois UnionPay. AmEx interrompt également ses activités en Russie et en Biélorussie. La banque russe VTB va réduire ses activités en Europe, selon le FT. Les médias américains CNN et Bloomberg et la britannique BBC suspendent leurs activités journalistiques depuis la Russie. Standard & Poor's Dow Jones retire les actions russes, dont les ADR/GDR, de ses indices. Facebook (Meta Platforms) a été bloqué en Russie par le régulateur. Vetropack annonce que son usine ukrainienne, qui pèse 10% de ses revenus et de ses résultats, a été gravement endommagée lors des combats. Hermès a annoncé vendredi la fermeture "temporaire" de ses trois boutiques en Russie, suivi par les autres grands groupes français du luxe, Chanel, LVMH et Kering. Danone suspend ses projets d'investissement en Russie, mais maintient ses activités.

L'Iran franchit une étape clé vers un accord nucléaire en acceptant de contribuer à la résolution d'une enquête de l'AIEA sur des traces d'uranium trouvées en plusieurs endroits du pays. L'accord, annoncé samedi à Téhéran, pourrait ouvrir la voie au retour du pétrole iranien sur les marchés d'ici le troisième trimestre. Des négociations plus larges se poursuivent à Vienne sur les questions en suspens, notamment les demandes iraniennes de garanties que les États-Unis ne torpilleront pas à nouveau l'accord.

La Chine fixe un objectif de croissance économique d'environ 5,5% pour 2022 lors du congrès national du peuple, son niveau de croissance le plus faible depuis 1991. Les économistes pense qu'il sera difficile de l'atteindre. Les dépenses augmenteront de 8,4%, dont une hausse de 7% pour la défense, mais le déficit budgétaire devrait se réduire à 2,8% du PIB. Le pays va mettre en place un fonds de stabilité financière et chercher à maintenir la stabilité des prix du logement, déclare le Premier ministre Li Keqiang. Il s'est également engagé à lutter contre la discrimination de genres, l'accès à l'éducation et la corruption.

Cette semaine, les effets imprévisibles de l'invasion de l'Ukraine par la Russie sur le marché des matières premières domineront probablement à nouveau les discussions dans le marché, alors même que les opérateurs commencent à se préparer pour la réunion de la Réserve fédérale du 16 mars. Les membres du FOMC entrent en période de blackout (bouche cousue), les spéculations sur l'ampleur et le rythme des hausses de taux vont donc momentanément se poursuivre sans eux. Le rapport économique le plus important de la semaine sera la lecture mensuelle des prix à la consommation prévue jeudi 10 mars. Les économistes s'attendent à une hausse de 0,5% du CPI cœur d'un mois sur l'autre et à une augmentation de 7,5% des prix à la consommation d'une année sur l'autre. Sur le calendrier des entreprises, des «events» sont prévus pour AT&T (T), General Electric (GE), Apple (AAPL) et Kohl's (KSS).

BNP Paribas: Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 79 à 77 euros. Crédit Agricole Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 17,50 à 14,80 euros. Société Générale: Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 48 à 31 euros. Berenberg reprend le suivi à conserver en visant 25,50 euros. Stellantis: AlphaValue reste à l'achat avec un objectif réduit de 22,10 à 20,250 euros. Swiss Life: Credit Suisse reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 640 à 630 francs. Zalando: Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 80 à 52 euros.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices débutent la semaine sous forte pression. Tokyo chute de 2,94% à la cloche, Hong Kong baisse de 3,42%, Shanghai rend 2,17% et Séoul se replie de 2,29%. Le future SPX recule de 1,5% et l’Europe ouvre en baisse de 3,5%. La volatilité reste élevée aux Etats-Unis, le VIX traite aux alentours de 32, en revanche en Europe elle est nettement plus montée, on avait pas vu une telle décorrélation depuis deux ans, à suivre de près. La pression vendeuse ne se relâche pas ce matin car les Etats-Unis envisagent d’imposer un boycott du pétrole russe, en solo s’il le faut. Un tel geste augmenterait la pression sur Poutine d’un cran et pénaliserait probablement de plein fouet l’Europe. Il est impossible de prévoir toutes les conséquences à venir dans un tel contexte. Ceci dit, le véritable point d’interrogation pour les marchés reste encore et toujours de savoir où en est l’inflation, c’est une information primordiale dont les banques centrales. Fed en tête, ont grand besoin afin de tenter d’achever leur mission, qui semble de plus en plus compliquée.

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