BCE et CPI: sauve qui peut!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Whatever it takes

Christine Lagarde confond le souhaitable et le probable. Le souhaitable, c’est une politique résolument plus hawkish (ou déjà moins dovish dans un premier temps) pour combattre une inflation galopante et effrayante. Le probable, c’est que la BCE n’est pas la Fed et que, par conséquent, elle devra tenir compte des effets potentiellement catastrophiques d’une politique monétaire restrictive. Il est bon de rappeler parfois des évidences: la Fed est la banque centrale d’un seul état fédéral tandis que la BCE gère la politique monétaire de 19 pays (bientôt 20 avec la probable adhésion de la Croatie le 1er janvier prochain) très différents les uns des autres. Cela signifie que si la BCE voulait calquer sa politique sur celle de son homologue de Washington, les spreads périphériques partiraient dans le décor (c’est déjà un peu le cas).

Au début de son mandat, Madame Lagarde avait déjà mis les pieds dans le plat en affirmant que la gestion du spread Bund-BTP ne faisait pas partie de sa job description. Elle est en train de nous refaire le coup mais sera rattrapée inéluctablement par le «whatever it takes» de son prédécesseur, désormais aux commandes de l’Italie. Nous n’en sommes pas encore là! La banque centrale de la zone euro va déjà stopper son programme d’achats (ce qui est encore à des années lumières d’un Quantitative Tightening, ne mélangeons pas tout) et va remonter timidement ses taux pour passer de négatif à zéro dans un premier temps. Il s’agit d’un premier pas qui pourrait ne pas connaître de second. Il est dans l’intérêt de la BCE de rester behind the curve et de «profiter» de la politique beaucoup plus agressive de la Fed qui entraînera l’Europe en récession dans le sillage des Etats-Unis.

Les élections en France sont en train de remettre au goût du jour le concept de FRITES (FRance-ITalie-ESpagne) de notre confrère Fabrizio Quirighetti. Il est facile de critiquer la BCE mais sa tâche est beaucoup plus ardue. A quoi bon passer en mode agressivement restrictif si c’est pour organiser dans la panique d’ici trois mois un QE pour stabiliser les taux longs périphériques/FRITES?

Le CPI a de quoi inquiéter

Depuis environ deux mois, nous avons capitulé sur un point concernant l’inflation US, le fameux effet de base dans lequel nous mettions tant d’espoir jusqu’en avril. Il était censé nous aider à faire reculer significativement le CPI américain d’ici fin 2022 mais finalement, il ne va pas tellement nous aider et si nous terminons l’année à 6,5%-7% d’inflation aux Etats-Unis, nous serons déjà satisfaits. Les chiffres de vendredi dernier sont un exemple parfait: le +1% de mai 2022 a «remplacé» le +0,7% de mai 2021, faisant passer le CPI YoY de +8,3% à +8,6%. Nous aurons peut-être droit à une petite surprise le mois prochain car le CPI MoM de juin 2021 s’affichait à +0,9% mais l’été ne nous fera pas de cadeau puisque les indices CPI MoM de juillet et août 2021 avaient atteint respectivement +0,5% et +0,3%.

La Fed va devoir agir encore plus agressivement et les taux US nous avertissaient hier qu’un risque élevé de récession était désormais le scénario central. Avec un 5 ans atteignant 3,39%, un 10 ans à 3,26% et un 30 ans à 3,29%, nous nous retrouvons avec une inversion 5-10 de 13 points de base et surtout une inversion 5-30, le benchmark des gérants obligataires, de 10 bp. Dans l’environnement actuel, nous sommes partisans d’une récession franche et brutale, seule solution crédible pour terrasser l’inflation et la ramener vers 2,5%. Un timing parfait pour les Démocrates serait un passage en récession juste après les Mid-Terms, laissant au pouvoir en place une période d’environ 18 mois pour retrouver le chemin de la croissance solide sans inflation excessive.

De l’Investment Grade USD sinon rien

Avec un 5 ans Treasury proche de 3,40%, nous pouvons désormais construire des portefeuilles en crédits de haute qualité à maturité 4-5 ans offrant des rendements supérieurs à 4%. TINA a donc logiquement disparu au profit de TARA (There Are Reasonable Alternatives) et parmi les options proposées par TARA c’est bien le crédit de haute qualité à duration moyenne que nous privilégions. Compte tenu du niveau des rendements actuellement disponibles, cette classe d’actifs peut aujourd’hui s’envisager à la fois dans une optique «buy and hold» et dans une stratégie de gestion active. Dans la seconde stratégie, le 5 ans est à privilégier car les maturités plus courtes sont certes intéressantes mais offrent des perspectives de plus-values modérées compte tenu de leur faible duration. La gestion obligataire est désormais de retour pour de bon, elle représente sans contestation possible l’un des piliers majeurs de TARA.

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