Le QT a commencé et ça change tout!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
 
Accommodant, neutre ou restrictif?

Nous évoquions mardi dernier les deux phases de la stratégie de politique monétaire de la Fed avec une première période consistant à passer du mode accommodant à neutre puis une seconde plus incertaine et délicate avec le passage du mode neutre au mode restrictif. Les marchés s’accordent à penser, comme la Fed, que le mode neutre sera probablement atteint après 125bp de hausse des Fed funds (50 le 15 juin, 50 le 27 juillet et 25 le 21 septembre). Nous sommes un peu mal à l’aise avec ces théories car elles ne prennent pas en compte le QT qui a démarré le 1er juin.

Sous-estimer son impact pourrait conduire, selon nous, à commettre une erreur d’appréciation sur le timing du passage en neutre puis restrictif et sur la définition même du mode neutre. Ce point est fondamental car nous craignons un basculement plus rapide et plus violent en mode restrictif qui pourrait surprendre les marchés ainsi que la banque centrale. Est-ce que ce sujet sera au menu de l’entrevue Biden-Powell aujourd’hui? Il serait opportun qu’ils échangent leurs points de vue concernant les prémices d’un ralentissement en évoquant, parmi d’autres statistiques, la baisse significative des ventes de maisons. Ils devraient également aborder le sujet principal du reflux de l’inflation symbolisé par la baisse du Core PCE. Ils devraient ensuite se féliciter que les derniers chiffres de l’emploi publiés vendredi (390'000 emplois créés, taux de chômage stable à 3,6% et inflation salariale conforme aux attentes et sans mauvaise surprise) vont dans le bon sens et ce n’est pas anecdotique.

Récession ou soft landing?

Le QT revêt une importance considérable, sans doute beaucoup plus que ce que nous imaginons. En manipulant les niveaux de taux pendant des années à coups de QE, les banques centrales ont permis aux économies occidentales de traverser et de surmonter des crises majeures mais à quel prix? C’est maintenant que nous allons le savoir. Les taux sont l’oxygène des autres marchés et lorsqu’ils montent, l’oxygène se raréfie comme en montagne. Résultat: les autres marchés éprouvent des difficultés à respirer. Le QT, c’est passer de Genève au sommet du Salève tous les mois pendant trois mois (de juin à septembre avec 47,5 milliards) puis passer du Salève au Mont-Blanc dès septembre (95 milliards par mois). L’époque de l’argent gratuit – et l’insouciance qui va avec - c’est terminé depuis les premières hausses de taux.

Le QT qui vient de débuter met fin aux taux longs extrêmement bas soutenus par le QE. Avant même que le QT commence, les taux hypothécaires américains sont déjà montés en mai à 5,5%, responsables en grande partie de la baisse des New Home Sales. Croire au soft landing nous semble naïf et erroné. La Fed l’évoque mais sait pertinemment qu’elle n’y parviendra pas. Nous sommes même persuadés que dans son for intérieur elle ne le souhaite pas car un atterrissage en douceur ne serait pas suffisamment efficace pour faire véritablement plonger l’inflation. Seule une récession est compatible avec les objectifs ambitieux de recul de l’inflation fixés par la Fed, sans doute en étroite collaboration avec le tandem Biden-Yellen. En conclusion, nous estimons qu’une récession est finalement souhaitable car elle permettra de régler le problème de hausses de prix plus rapidement pour ensuite repartir sur des bases plus saines. En termes de timing politique, une telle stratégie s’avère plutôt bonne pour les Démocrates : une franche récession juste après les Mid-Terms permettant de jeter les bases d’un retour à la croissance vigoureuse tout en maîtrisant l’inflation pendant les deux années restantes du mandat de Joe Biden. Une stratégie un peu risquée mais tentante!

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