Les stablecoins décentralisés

Yves Longchamp, SEBA Bank

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Chronique blockchain. Vu l'intensification de la surveillance exercée par les régulateurs US, il devient de plus en plus important de comprendre les différents types de stablecoins.

Le besoin de stablecoins décentralisés augmente car le régulateur américain sévit contre les émetteurs de stablecoins centralisés. En effet, la SEC (Security Exchange Commission) réaffirme que les stablecoins sont des valeurs mobilières et que les émetteurs de stablecoins doivent respecter les sanctions américaines.

Cependant, les stablecoins décentralisés sont loin d’être pas parfaits. Par exemple, les devises numériques utilisées en collatéral sont souvent inadaptées compte tenu de leur haute volatilité, aussi le maintien de la parité peut-il s'avérer fastidieux. Malgré cela, certains grands acteurs de la crypto sont sur le point de lancer leurs propres stablecoins et c’est ce que nous vous invitons à découvrir dans cet article.

Les stablecoins sont l’une des applications les plus utilisées de la blockchain. La capitalisation boursière des stablecoins est passée de 40 milliards de dollars en mars 2021 à 135 milliards de dollars aujourd'hui.

Ces stablecoins sont similaires à des reconnaissances de dettes (IOU en anglais), permettant aux utilisateurs de créer de la liquidité à partir de leurs actifs numériques. Grâce à l'émission de stablecoins, les protocoles engrangent des revenus de différentes manières, comme les intérêts sur les emprunts, les opportunités d'arbitrage et la liquidation des positions.

L’intérêt des régulateurs a augmenté, notamment après l'effondrement de Terra/Luna et de son stablecoin algorithmique UST, qui a provoqué un krach boursier de près de 100 milliards de dollars. Près de neuf mois après la faillite de Terra, la SEC a inculpé Terraform Labs et son fondateur et CEO Do Kwon pour fraude en matière de valeurs mobilières. Le NYDFS (New York Department of Financial Services) a également inculpé Paxos pour la création de BUSD, affirmant qu'il s'agissait d'un stablecoin non garanti sur la chaîne Binance. Le NYDFS a ordonné à Paxos de cesser d’émettre des BUSD en raison de problèmes non résolus liés à la surveillance par Paxos de ses relations avec Binance. Récemment, même Coinbase a annoncé retirer les BUSD de sa plateforme.

Focus sur les stablecoins garantis par des cryptomonnaies et les algorithmiques.

Compte tenu de l'intensification de la surveillance exercée par les régulateurs américains, il devient de plus en plus important de comprendre les différents types de stablecoins. Il en existe trois principaux: ceux qui sont adossés à des monnaies fiduciaires, ceux qui sont garantis ou collatéralisés par des cryptomonnaies et ceux qui sont algorithmiques. L'article de cette semaine se concentre sur les stablecoins garantis par des cryptomonnaies et les algorithmiques et exclut les stablecoins adossés à de la monnaie fiduciaire.

  1. Le stablecoin DAI de Maker est le stablecoin cryptocollatéralisé qui connaît le plus de succès, mais sa dépendance à l'égard des stablecoins centralisés adossés à la monnaie fiduciaire en tant que garantie s'est accrue. Actuellement, plus de 60% des DAI en circulation sont garantis par des USDC, des GUSD et des USDP. On peut dire que le DAI est victime de son propre succès et que pour stabiliser sa croissance entre 2020 et 2022, il s'est de plus en plus appuyé sur des stablecoins centralisés. Cependant, MakerDAO (l’organe de gouvernance, DAO signifie organisation autonome décentralisée) poursuit des initiatives telles que l'augmentation du taux d'épargne pour renforcer sa position. Il semble être confronté à un dilemme alors qu'il cherche à équilibrer la décentralisation et la croissance. Par exemple, MakerDAO permet désormais d’émettre des DAI avec des garanties MKR tout en collatéralisant des actifs réels, car ils peuvent être plus facilement réglementés.
  2. Le GHO d'AAVE est un stablecoin qui sera bientôt lancé sur le réseau principal. La gouvernance effectuée par le DAO fixera manuellement son taux d'emprunt, donnant à AAVE un contrôle total sur le coût d’émission et d’emprunt de GHO, permettant au stablecoin d'être potentiellement moins cher que ses concurrents. En construisant GHO comme un système flexible, AAVE vise à accroître l'exposition du système financier décentralisé (DeFi) au système financier traditionnel. AAVE prévoit également d'intégrer les actifs du monde réel dans le mélange des garanties qui peuvent être mieux réglementées.
  3. Curve prévoit de lancer prochainement le crvUSD sur le réseau principal. Il sera soutenu par les «pools» de liquidité en ETH et USD de la plateforme. Le crvUSD utilise un nouveau algorithme de prêt-liquidation, abrégé LLAMA pour «lending-liquidating Automated Market Maket».
  4. Le GYD de Gyroscope vise à limiter la dépendance à l’égard d’un oracle unique pour sourcer les prix et propose d’en agréger plusieurs. Il introduit également une version mise à jour du module de stabilité des prix et a pour but d'empêcher le stablecoin Gyroscope (GYD) d'être garanti par des stablecoins centralisés. Gyroscope est en ligne sur Polygon et se prépare à un lancement sur le mainnet Ethereum.
  5. Frax (FRX) a lancé un stablecoin algorithmique partiellement collatéralisé, mais se dirige maintenant vers un modèle de collatéralisation total. Frax est un acteur de liquidité très efficace avec une gamme de fonctionnalités algorithmiques larges, incluant FraxSwap, FraxLend, FraxFerry, ainsi que ETH liquid staking, et FPI (un stablecoin indexé sur le taux d'inflation américain).
  6. Liquity, un protocole d'emprunt décentralisé, a été inspiré par la version originale de MakerDAO, qui permettait la génération de DAI uniquement par le biais de dépôts d'ETH. Son but premier est de permettre des prêts sans intérêt contre des dépôts d'ETH. Contrairement à DAI, la liquidité est émise en LUSD, le stablecoin natif du protocole indexé sur le dollar. En outre, Liquity a un taux de collatéralisation minimum de 110% pour maintenir les prêts en LUSD, ce qui est inférieur au taux de collatéralisation de 150% généralement observé dans le protocole DAI.

Ces projets de stablecoins sont prometteurs, mais il est essentiel de garder à l'esprit quelques points importants. D’abord, la capitalisation boursière de Liquity est actuellement de 230 millions de dollars, celle de Frax de 850 millions et celle de DAI de 5,2 milliards. Combinés, ces stablecoins ne représentent que 15% des stablecoins centralisés tels que USDC, et une proportion encore plus faible de USDT. La taille, et donc l’acceptabilité et la liquidité de chaque stablecoin n’est pas la même.

Ensuite, plusieurs projets explorent de nouvelles manières d’envisager des stablecoins. Chaque stablecoin est différent et leur solidité peut varier. Il revient à chaque utilisateur d’évaluer la qualité du stablecoin qu’il utilise.

Le développement des stablecoins décentralisés et stables est un défi, mais aussi une expérience passionnante pour la finance décentralisée.

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