L’hiver crypto et la quatrième vague

Yves Longchamp, SEBA Bank

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Chronique blockchain. Le bitcoin a perdu environ trois quarts de sa valeur en un an, passant de plus 67'000 dollars à moins de 16'000. Une chute phénoménale mais pas unique.

C’est la troisième fois qu’une dégringolade d’une telle ampleur se produit. La question que tout le monde se pose est de savoir s’il y aura une nouvelle vague?

Avant d’envisager cette éventuelle nouvelle vague, il est crucial de comprendre l’origine de la déferlante qui vient de s’abattre sur le petit monde de la crypto. Soyons clair, ni la blockchain, ni la crypto n’ont failli, mais certains acteurs sont en cause.

Tout a commencé il y a un an, presque jour pour jour. En novembre 2021, les chiffres de l’inflation américaine dépassaient 6% pour la première fois depuis une génération, sonnant le glas de la politique monétaire ultra-expansionniste à laquelle nous nous étions confortablement habitués.

Avec ce changement de paramètre, la liquidité globale a été réduite et le prix des actifs a chuté. Les obligations et les actifs risqués comme le Nasdaq ont été particulièrement impactés. Les cryptomonnaies ont été les premières à réagir au changement de cap et ceci pour plusieurs raisons. Ce sont des investissements risqués, à la frontière de l’univers des actifs, et elles ne génèrent pas de cash flows.

Cette première correction de prix a été suivie d’une chute plus dramatique et dont l’origine est, cette fois, l’univers crypto et non pas la macroéconomie. D’abord il y a eu la chute de Terra Luna et de son stablecoin algorithmique UST. Cette onde de choc a ensuite touché les bourses centralisées et non régulées comme FTX. Elle a mis en lumière, entre autres, l’amateurisme de leur gestion des risques, au travers d’une dégradation des bilans semblable à celle observée avec Lehman Brothers en 2008.

Il s’agit donc bien d’une crise financière, non pas d’une crise de la technologie blockchain ou des cryptomonnaies.

Pour prendre l’exemple du bitcoin, la blockchain a continué et continue encore de produire toutes les 600 secondes en moyenne un bloc, tout comme une montre suisse produit toutes les 60 secondes une minute, indépendamment de son prix et des facteurs externes comme la météo, la température et le niveau des taux de la Fed.

Chaque vague s’est terminée de manière dramatique comme l’illustre le graphique ci-dessous. La première vague, la vague originelle des cypher punk, s’est fracassée fin 2013, lorsque Mt-Gox, la bourse qui traitait 70% des transactions en bitcoin, a été hackée. Le prix du bitcoin s’est alors effondré de 84% en un peu plus d’une année avant de former une deuxième vague nourrie par l’espoir de liberté que la blockchain crée.

Chacun peut accéder à une monde financier libre, indépendant des banques centrales. Toutefois, fin 2017, la deuxième vague se brise avec les rumeurs persistantes que la Chine est sur le point d’interdire le bitcoin, mettant un terme à l’idéal de liberté. En une année, le prix du bitcoin chute de 83% pour se relever lors de la troisième vague, celle de la spéculation. De nouvelles applications comme celle de la finance décentralisée (DeFi) et des NFT (jetons non-fongibles) sont créés et popularisés grâce à des performances astronomiques. Cette vague a été stoppée net lorsque la Fed a modifié sa politique monétaire comme nous l’avons mentionné précédemment. Aujourd’hui, le bitcoin a perdu 76% de sa valeur.


 

L’histoire rime mais ne se répète pas dit l’adage. S’il y a rime, alors nous pourrions bientôt être au creux de la vague et l’éventualité d’une quatrième vague est envisageable.

Cette vague sera différente des autres, comme à chaque fois. Elle pourrait bien porter le nom de vague institutionnelle car plusieurs lames de fonds semblent converger. D’abord, les grands investisseurs institutionnels comme le plus grand asset manager du monde et les banques d’affaires globales ont toutes investi dans l’infrastructure blockchain afin de créer des ponts entre leurs système et cette nouvelle technologie.

Pourquoi? Parce que ces institutions ne veulent pas rater l’opportunité d’offrir des solutions crypto à leurs clients afin de maintenir ou d’augmenter leurs actifs sous gestions et leur revenu. Ensuite, elles voient dans la blockchain une technologie potentiellement révolutionnaire qui pourrait remettre en question les systèmes actuels de paiement et de dépôt de valeurs.

Ensuite, les grandes juridictions financières travaillent depuis des années à l’élaboration de cadres réglementaires pour les cryptos et ces derniers sont sur le point d’être implémenté.

Suite à la débâcle des acteurs non-régulés comme FTX et le risque que cela représente tant pour les investisseurs que pour la stabilité financière, il est clair que des réglementations seront bientôt appliquées. Or, un cadre réglementaire clair est ce dont les institutions ont besoin pour s’épanouir.

L’hiver crypto est bien avancé, certains parlent d’âge de glace. Il y a une année, personne n’aurait crû que le bitcoin serait à moins de 20'000 dollars!

Pourquoi les cryptomonnaies ne se relèveraient-elles pas une quatrième fois ? La technologie est solide, la régulation se met en place let les institutions sont prêtes.

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