Le cycle de la panique

Axel Botte, Ostrum AM

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La Fed et le système financier rivalisent d’initiatives pour atténuer la panique bancaire, mais la volatilité des taux reste considérable.

Il est rarissime d’observer des mouvements intra-journaliers de 60 pb sur le 2 ans allemand, et pourtant le Schatz s’est échangé à 3% mercredi matin, puis sous 2,40% quelques heures plus tard. Les années de politiques non-conventionnelles avaient longtemps masqué cette tendance naturelle à la plus forte volatilité du 2 ans par rapport aux taux longs. Le retour à cette «normalité» est brutal. Par ailleurs, la situation actuelle nous rappelle que la confiance restera toujours le principal actif d’une banque. La panique bancaire aux Etats-Unis s’atténue quelque peu grâce au recours aux dispositifs de la Fed. Comme souvent, la dynamique d’une crise bancaire apparaît imprévisible. Les liquidités injectées en urgence ont limité la correction, voire permis un sursaut boursier, comme sur le Nasdaq (+3,3% cette semaine).

Les taux à long terme concentrent la volatilité. Le 10 ans américain est globalement en baisse d’environ 30 pb sur la semaine vers 3,4%. Le Bund traite autour de 2,10% en fin de semaine. Les spreads souverains souffrent nettement moins que le crédit investment grade et le high yield. Les swap spreads, traditionnels marqueurs des tensions interbancaires, sont logiquement orientés à l’écartement. Le swap spread à 2 ans ressort au-delà des 80 pb. Le pétrole plonge, victime à la fois de l’environnement de réduction des expositions risquées et du maintien de la production russe. Le Brent cote à 72 dollars le baril. Le yen retrouve son statut de valeur refuge, d’autant que le franc suisse est pénalisé par les déboires de Crédit Suisse. L’or progresse parallèlement au-delà de 1950 dollars l’once. Les cryptomonnaies s’inscrivent en fort rebond faisant fi de la mise sous tutelle de Signature Bank.

La stabilité financière est remontée de deux crans dans le mode opératoire de la BCE.

La situation bancaire a pris le dessus sur le risque d’inflation dans les préoccupations des marchés et, à un degré moindre, des banques centrales. La politique de taux, guidée par l’inflation, est désormais conditionnée à la stabilité financière et aux «données» et prévaudra sur l’analyse de l’inflation sous-jacente et la transmission de la politique monétaire selon la communication de jeudi. Bref, la stabilité financière est remontée de deux crans dans le mode opératoire de la BCE. Cela intervient alors que la BCE relève sa projection de croissance (1%) et d’inflation sous-jacente (4,6%) pour 2023. L’inflation totale est abaissée d’1 pp à 5,3% en raison de la chute des prix du gaz. Les projections 2024 et 2025 sont fortement réduites (-0,5 pp sur 2024) et sonnent comme un signal d’allègement. La BCE ne s’engage plus sur le prochain mouvement, probablement aussi pour observer la réaction de la Réserve fédérale. Le FOMC devrait relever son taux mercredi. Cela étant, les 50 pb évoqués après l’intervention devant le Congrès et la révision de l’inflation semblent moins probables, désormais.

L’inflation sous-jacente demeure élevée et la situation conjoncturelle avec une croissance aux alentours de 2% au premier trimestre ne requiert aucun allègement immédiat. Les projections de taux du FOMC seront néanmoins scrutées par le marché. Les risques financiers sont nettement accrus, en effet. Le recours à la discount window de la Fed atteint 153 milliards dollars. Le Bank Term Funding Program (BTFP) est sollicité à hauteur de 12 milliards de dollars. Cela témoigne de l’ampleur de la fuite des dépôts vers les grandes banques américaines, mieux régulées, sur laquelle une baisse des taux n'aurait pas d’effet. Celles-ci offrent désormais une ligne de liquidité à First Republic pour 30 milliards de dollars.

Les données économiques passent au second plan. On observe pourtant une stabilisation surprenante du marché immobilier avec une augmentation des mises en chantier et une amélioration de la confiance des promoteurs. La production industrielle est en croissance sur les deux premiers mois de l’année. Les ventes au détail diminuent légèrement après leur rebond de 3,2% en janvier.

Les marchés de taux présentent une volatilité sans précédent. L’incertitude sur la trajectoire des taux directeurs alimente la nervosité du Schatz et contribue à l’écartement des swap spreads. Le risque souverain est préféré au crédit, même si les flux font essentiellement la part belle aux fonds monétaires. Les dettes souveraines bien notées surperforment aussi les swaps et la volatilité reste réduite, y compris sur les dettes périphériques. L’écartement des spreads sur le crédit se chiffre à 40 pb sur une semaine en zone euro. Le resserrement de 2023 est de l’histoire ancienne. Le high yield est 100 pb plus large que la clôture hebdomadaire précédente. Les conditions de liquidité se sont détériorées, mais l’investment grade s’échange encore au prix de cotations plus larges. Le primaire est revenu au point mort, les conditions de volatilité refroidissant les émetteurs. Sur les marchés actions, le plongeon des bancaires européennes atteint 13% dans le sillage du rally des taux. Les pétrolières subissent la baisse de 10 dollars du baril. A l’inverse, le Nasdaq et, dans son sillage, la technologie européenne profitent de la rechute des taux à long terme.

Le marché est à la recherche de valeurs refuge. Le yen (132) retrouve ce statut, aidé en cela par les atermoiements de la BoJ, dont la tendance à la procrastination n’est plus à démontrer. Le franc suisse ne peut plus jouer ce rôle à court terme. L’euro est stable autour d’1,06 dollar. Le dollar n’est plus le pari évident et le prix de l’or indique un regain d’intérêt pour la relique barbare. Les cryptomonnaies aussi traduisent l’inquiétude de certains intervenants pour le risque bancaire.

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