Les banques centrales dans le doute

Axel Botte, Ostrum AM

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La désinflation moins rapide qu’attendu laisse planer le risque d’un nouveau durcissement monétaire.

© Keystone

Les marchés financiers sont vulnérables car les prix des actifs intègrent un scénario parfait de désinflation. Cette mise en garde d’Isabel Schnabel membre du directoire de la BCE, traduit à la fois l’optimisme excessif des intervenants et les doutes des banquiers centraux confrontés à l’inertie de l’inflation. La situation est semblable aux Etats-Unis, au Mexique, en Inde ou encore en Australie. Le point haut du cycle monétaire doit être réévalué. Ce contexte ravive les tensions sur les rendements obligataires. Le rally obligataire de 2023 a brièvement été effacé par un retour rapide du Bund vers 2,57%. Les points morts d’inflation expliquent la moitié de ce rebond. Le T-note s’établit à 3,90%. Le dollar retrouve de l’allant après le dénouement des positions acheteuses de billet vert en début d’année. La parité dollar-yen revient vers 135. Cette tendance pourrait perdurer jusqu’à la prochaine réunion de la Banque du Japon, le 10 mars. Le ralentissement des flux vers le crédit ou le poids du primaire souverain en zone euro freinent désormais la réduction des spreads. L’accélération à la hausse du 10 ans freine aussi le rebond des actions de croissance. L’horizon s’assombrit pour un marché qui a sans doute cru trop vite en une pause dans le cycle monétaire.

Les positions vendeuses, rachetées dans l’urgence lors du bref retour sur 3,30% en début de mois, s’accumulent de nouveau.
Les Banques centrales revoient leurs stratégies

La consommation fait écho aux dernières statistiques d’emploi aux Etats-Unis. Les ventes au détail en janvier témoignent d’un redressement des dépenses de consommation qui efface le fléchissement des deux mois précédents. La croissance du PIB s’annonce autour de 2% (taux annualisé) entre janvier et mars. Parallèlement, l’inflation diminue légèrement à 6,4% en janvier (6,5% le mois précédent). L’amélioration est attribuable pour l’essentiel aux prix des biens importés. La récession chinoise, la normalisation des chaines logistiques mondiales voire le dollar fort ont permis cette détente. La Fed ne peut l’ignorer tant les tensions internes restent vives. L’inflation dans les services est supérieure à 7%. La tendance des prix est incompatible avec le sacro-saint 2%. En zone euro, la récession étant écartée, c’est l’inflation qui redevient la principale préoccupation des marchés et de la BCE. Le message est clair: une hausse de 50pb est actée en mars. D’autres banques centrales devront réexaminer leurs stratégies. La Banque populaire de Chine devra tenir compte des décisions de la Fed d’autant que l’emploi au Canada reste solide. La Riksbank s’est engagée à réduire son bilan en vendant des titres pour 3,5 milliards de couronnes suédoise chaque mois à partir d’avril en complément des hausses de taux. La Banque de réserve d’Australie et la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande devront aussi composer avec la persistance de l’inflation. Le cycle monétaire a peut-être trouvé son second souffle.

Les rendements obligataires s’ajustent. Le T-note est sorti de sa dérive latérale 3,30-3,75% pour tutoyer les 3,90%. Les positions vendeuses, rachetées dans l’urgence lors du bref retour sur 3,30% en début de mois, s’accumulent de nouveau. L’asymétrie à la baisse de la volatilité des taux s’est aussi accentuée. Les comptes spéculatifs visent un retour sur les sommets d’octobre proches de 4,30%. Toutefois, le scénario d’inflation anticipé par les marchés ne semble intégrer aucune prime de risque de dérapage des prix. Outre les effets techniques liés au plafond de la dette, l’inversion de la courbe reflète la convergence douteuse des prix vers la cible de 2%. En zone euro, le Bund, proche de 2,50%, réagit aux déclarations d’Isabel Schnabel annonciatrices d’un durcissement monétaire, qui tire d’ailleurs le Schatz vers 3%. François Villeroy de Galhau puis Fabio Panetta apportent un peu de nuance, ce qui préfigure des débats intenses le 16 mars prochain. Le taux de dépôt agit ainsi comme un plancher pour les rendements allemands. Les swap spreads se resserrent graduellement, avec une structure par terme inversée. Les spreads souverains sont insensibles à la forte remontée des taux mais les syndications d’emprunts à 30 ans en Italie et en Italie suscitent quelques arbitrages. Le BTP italien à 10 ans (188pb) sous-performe la dette grecque en raison du primaire. Le marché du crédit digère son très bon début d’année. Les flux sur les fonds de crédit tendent à s’estomper (ou se concentre sur le court) et le marché primaire apparait plus lourd. Les deux-tiers des obligations (financières et non-financières confondues) s’échangent à des spreads plus larges qu’au moment de l’émission en février. Le high yield bénéficie toujours de flux entrants, ce qui assure la stabilité des spreads autour de 425pb. On observe toutefois un retournement des spreads sur les indices. Le Crossover tutoie de nouveau les 400pb.

Le marché des actions européennes résiste aux tensions sur les taux d’intérêt. L’Euro Stoxx 50 se maintient au- dessus des 4200 points. La volatilité intra-journalière ne semble pas totalement reflétée dans les indices de volatilités à 1 mois qui oscillent autour de 20%. La décollecte constante au cours de 2022 s’est renversée en 2023. La saison des résultats est correcte (+5%), la croissance des ventes compensant globalement les pressions à la baisse sur les marges bénéficiaires. La technologie, les ressources de base ou les foncières sont les secteurs les plus pénalisés.

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