Le silence est d’or

Axel Botte, Ostrum AM

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Les taux remontent avant les réunions des banques centrales, la volatilité se réduit sur les actions avec le rebond du Nasdaq.

©Keystone

Le silence des banquiers centraux à quelques jours des réunions de la Fed, de la BCE et de la Banque d’Angleterre (BoE) s’avère plus efficace que leurs interventions régulières pour guider les marchés de taux. A l’approche des décisions, le T-note repasse le seuil de 3,50% et le Bund allemand s’oriente à la hausse vers 2,25% initiant un léger mouvement de repentification. Le 10 ans japonais recolle au plafond de 0,50%. Parallèlement, les marchés d’actions sont bien orientés aux Etats-Unis, notamment les valeurs de technologie malgré les publications trimestrielles médiocres. L’indice FANG reprend 17% depuis le début de l’année. Les marchés européens s’adjugent encore 1% cette semaine consolidant leur surperformance de janvier. Dans ce contexte, malgré les émissions obligataires record en janvier, les spreads de crédit poursuivent leur resserrement sur l’IG et, plus encore, le high yield. La remontée des swap spreads en zone euro entraine néanmoins les spreads des obligations sécurisées et des dettes d’agence à la hausse. C’est en général un signal d’alerte.

La zone euro évite la récession

La Fed puis la BCE se réuniront cette semaine alors que la remontée des prix d’actifs depuis le début du quatrième trimestre semble inhiber le resserrement monétaire mis en œuvre par les banques centrales. La perspective d’un statu quo sur les taux directeurs à partir du printemps a réduit la volatilité financière et les primes de risques de terme, de crédit ou d’inflation. Cette détente des conditions financières retarde la convergence de l’inflation vers la cible de 2%. En outre, la désinflation actuelle s’appuie essentiellement sur le reflux conjoncturel des prix de l’énergie et les interventions publiques pour en limiter le coût pour les ménages. Or l’équilibre sur le marché du pétrole n’est pas assuré pour 2023 compte tenu du redressement attendu de la demande chinoise et des perspectives de production de l’Opep+. Les banques centrales n’ont sans doute d’autre choix que de confirmer, voire d’accentuer, le scénario de taux d’intérêt rejeté aujourd’hui par les intervenants de marché.

Un rebond précoce de l’inflation forcerait les banques centrales à agir brutalement. Les dernières données d’activité attestent d’une croissance soutenue aux Etats-Unis, même si l’estimation du PIB à +2,9% au quatrième trimestre masque un coup d’arrêt dans la consommation des ménages et un fléchissement de l’investissement productif. Le premier trimestre affichera une croissance moindre. Parallèlement, la zone euro évite la récession grâce aux soutiens publics et à la bonne gestion de la question énergétique au cours de l’hiver. Après la stagnation enregistrée au dernier trimestre en Allemagne, l’Espagne annonce ainsi une croissance encourageante de 0,2%. La reprise s’appuiera ensuite sur les investissements européens en réponse à l’Inflation Reduction Act promulgué aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, malgré le contexte proche de la stagflation, la BoE ne semble plus désavouée par les marchés.

Un précurseur de volatilité

Les excès de valorisation récents (point bas à 3,32% sur le T-note) semblent se dissiper sur les marchés de taux. Les couvertures de positions spéculatives vendeuses de T-notes précipitées par la non-décision de la Banque du Japon ont laissé place à un nouveau courant vendeur dans l’attente du FOMC. Le 10 ans s’échange autour de 3,54%. Jerome Powell ne devrait pas dévier du message délivré en décembre, d’autant que les conditions financières, y compris le dollar américain, se sont allégées depuis six semaines. Une hausse de 25pb est acquise. La Fed insistera aussi sur la nécessité de maintenir un biais restrictif. L’intégration par le marché du statu quo prolongé favorisera par la suite une réévaluation des perspectives de taux en 2024. Le contexte politique tendu avec la contrainte du plafond de la dette épargne toutefois la partie longue de la courbe. Le rendement américain à 30 ans est inchangé sur la semaine à 3,66%.

En zone euro, la BCE agira conformément à la communication de décembre en relevant son taux de 50pb. Le taux de dépôt fait généralement figure de niveau plancher pour le Bund, qui devrait donc reprendre le chemin de la hausse vers 2,5% puis 3% au printemps. Les spreads souverains résistent à la remontée du rendement du Bund avec des écartements de l’ordre de 2 à 4pb sur la semaine écoulée. La dette française à 10 ans se situe à 46pb du Bund, l’Italie s’échange à 185pb. Les marchés guettent un éventuel relèvement de la notation de la Grèce qui la rapprocherait d’un statut investment grade. Malgré cette apparente stabilité sur les dettes souveraines, les swap spreads ont cessé de se diminuer. Le swap spread à 10 ans traite à 65pb désormais. C’est un élément à surveiller souvent précurseur de volatilité sur les autres marchés obligataires.

Les actions américaines ont réduit leur sous-performance vis-à-vis de l’Europe la semaine passée. La technologie, en hausse de 4% sur une semaine, semble ignorer une dynamique bénéficiaire en berne. L’Europe s’adjuge 1% grâce à la bonne tenue des bancaires soutenues par le rebond des taux d’intérêt.

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