Le rally immaculé

Axel Botte, Ostrum AM

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La hausse des marchés alimentée par la désinflation risque de se heurter à la reprise en Chine.

L’inflation américaine s’annonçait comme la publication économique phare de la semaine. L’absence de surprise sur le chiffre entretient le rebond généralisé observé en ce début d’année. Les actions s’adjugent 5% à 6% aux États-Unis, selon les indices profitant d’un dollar en baisse qui traduit un scénario idyllique de désinflation et de détente monétaire. Les actions européennes gagnent 2%. Sur les marchés de taux, les émissions obligataires totalisent un montant inédit de 100 milliards d’euro, cette semaine. Les nouveaux emprunts n’empêchent pas un resserrement généralisé des spreads. Le 10 ans américain oscille autour des 3,50%, après avoir rebondi, par deux fois, sur le point technique de 3,42%. Les spreads souverains rejoignent les points bas de l’automne, de sorte que le BTP italien tutoie de nouveau les 180pb à 10 ans. Le high yield se resserre de plus de 20pb, en Europe comme aux États-Unis.

Le réveil chinois

L’inflation américaine de décembre ressort en ligne avec les attentes à 6,5% sur douze mois. La décélération de l’inflation provient principalement du reflux des prix de l’énergie, à l’exception du gaz domestique et de l’électricité, en hausse, malgré la tendance baissière sur les marchés à terme. L’inflation sous-jacente diminue aussi à 5,7% contre 6% le mois précédent. Cela étant, les prix des services pointent toujours à la hausse. Hors énergie, l’inflation des services dépasse ainsi 7% sur un an. Le logement se renchérit aussi à hauteur de 0,8% au mois de décembre, avant une lente décélération attendue à partir du printemps. En bref, la normalisation des prix des biens se heurte encore à l’inertie de l’inflation dans les services. Parallèlement, la réouverture de la Chine risque de remettre en cause le retournement des prix des biens. Le réveil chinois provoque un allongement significatif des délais de livraison et un redressement rapide des prix des métaux industriels (cuivre, métaux ferreux). En outre, la demande de pétrole chinoise remonte en décembre à 48 millions de tonnes. La «désinflation immaculée», nouveau vocable à la mode accompagnant le tournant haussier des marchés financiers, s’avèrera peut-être «transitoire». L’amélioration des perspectives en Chine trouve un écho en Europe. La production industrielle en zone euro s’est stabilisée. En France, la production d’électricité nucléaire se redresse progressivement. Le PIB allemand a probablement stagné au quatrième trimestre, pour une croissance annuelle d’1,9% en 2022, bien loin des scénarios catastrophes évoqués l’an passé.

La réforme des retraites est un élément positif pour les finances publiques, mais la trajectoire budgétaire reste problématique à terme.

L’environnement monétaire témoigne de la difficulté des Banques centrales à ancrer leur politique restrictive. Les banquiers centraux se succèdent pour rappeler leur engagement à poursuivre le resserrement, mais un consensus se forme au sein du FOMC pour des hausses plus mesurées de 25pb désormais. Le 2 ans retombe à 4,15%, au plus bas depuis octobre. La courbe des taux reste inversée avec un spread 2-10 ans à -68pb. La mémoire des rendements à 10 ans à 2% en moyenne entre 2012 et 2021 entretient la demande de Treasuries. Cela étant, le portage d’une position acheteuse, soit le coût d’opportunité des obligations, est défavorable. Une remontée brutale des rendements à long terme constitue un risque, si la croissance se prolonge. En zone euro, la baisse de l’inflation énergétique réduit considérablement les risques liés à l’activité. Cependant, l’augmentation de l’inflation sous-jacente milite encore pour un durcissement monétaire de la BCE. Les anticipations de marché indiquent un taux de dépôt à 3,25% au printemps. Le Bund (2,15%) s’échange quasiment au niveau du dépôt. Les nombreuses syndications de janvier attirent une très forte demande des investisseurs institutionnels. Le total hebdomadaire d’émissions ressort à 100 milliards d’euros. Les obligations assimilables du trésor français se traitent sous les 50pb contre Bund. La réforme des retraites est un élément positif pour les finances publiques, mais la trajectoire budgétaire reste problématique à terme. La dette italienne est aussi recherchée. La couverture des positions spéculatives vendeuses de BTP se poursuit portant le spread vers 180pb, soit les points bas de début décembre.

Le marché du crédit connaît une embellie qui fait écho à la fois à la baisse des rendements souverains et à la hausse des actions. Le primaire fourni freine quelque peu le rétrécissement des spreads IG (-3pb depuis le 31 décembre). En l’absence de primaire, le high yield se resserre davantage, de 30pb en Europe à 50pb aux États- Unis, depuis le début de l’année. Les niveaux de rendements inconnus depuis 10 ans permettent de tourner la page de 2022. Le crédit euro offre en effet des rendements de 4%, supérieurs aux dividendes des actions et bien supérieurs aux 0,5% de janvier 2022.

Sur les marchés d’actions, le rebond des valeurs à fort bêta se poursuit. La surperformance du S&P équipondéré par rapport à l’indice pondéré par les capitalisations témoigne de l’ampleur de la vague de revalorisation. La baisse de l’euro permet au marché américain de combler son retard de performance face à l’Europe. Les premières publications bancaires sont néanmoins mitigées. Le sentiment envers les actions européennes s’est néanmoins amélioré. Les foncières et la consommation surperforment dans le sillage de la technologie.

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