Les marchés respirent

Axel Botte, Ostrum AM

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Les places financières surréagissent aux espoirs d’une détente monétaire anticipée mais les banques centrales gardent le cap.

Les marchés financiers sont souvent guidés par une croyance optimiste d’un soutien indéfectible des banques centrales. La désinflation rapide, limitée de fait au prix des biens, est sensée ouvrir la voie d’un allègement monétaire précoce aux Etats-Unis. C’est la raison essentielle de la forte appréciation des actifs risqués depuis le début de l’année. La rumeur d’une hausse du taux de dépôt réduite à 25pb dès le mois de mars, pourtant contraire aux communications de Philip Lane et Christine Lagarde, a déclenché une nette baisse du rendement du Bund sous le plancher de 2% et une hausse réflexe de l’EuroStoxx. Les banquiers centraux n’ont pas dévié de leur message restrictif.

La hausse des actifs risqués s’est logiquement modérée dans la seconde partie de la semaine. Les prises de profits traduisent l’ampleur des excès de la première quinzaine de janvier et des publications économiques médiocres aux Etats-Unis. De son côté, la BoJ s’amuse des anticipations de marché après le relèvement du plafond du 10 ans à 0,50% le mois dernier. Cette politique implique des interventions massives sur le marché des JGBs qui ne peuvent être maintenues indéfiniment. Le statu quo a engendré un surcroit de volatilité sur le yen, qui reprendra rapidement le chemin de la hausse.

Sur le plan conjoncturel, les publications américaines dépeignent un affaiblissement de l’activité en fin d’année dernière. Les ventes au détail ont de nouveau diminué de 1,1% en décembre après un mois de novembre en contraction. Certes, la baisse des prix des biens (énergétiques en particulier) amplifie le déclin de la dépense nominale mais la faiblesse de la demande est visible dans la plupart des secteurs. Les enquêtes manufacturières régionales de New York et, à un degré moindre, de Philadelphie font écho à la baisse de la production industrielle sur les deux derniers mois de l’année. La croissance au premier trimestre sera sans doute plus faible que les 2,5-3% qui devrait ressortir de la publication du PIB du quatrième trimestre cette semaine. En zone euro, l’économie a stagné en fin d’année dernière. La consommation de biens a néanmoins ralenti. L’inflation de décembre a été confirmée à 9,2% avec un indice hors énergie et alimentaire qui pointe encore à la hausse à 5,2%. En revanche, une contraction du PIB au quatrième trimestre se dessine au Royaume-Uni. Le contexte social pèse sur la consommation même si l’emploi et les salaires restent dynamiques.

La tendance à la baisse des rendements est d’autant plus étonnante que le marché primaire bat des records d’émission.

La hausse des marchés est alimentée par les espoirs d’une fin anticipée du resserrement monétaire. Cela se traduit par des rendements souverains à 10 ans déjà près de 50 pb sous les niveaux de clôture annuelle. Le Bund a fait une brève incursion sous le seuil de 2% avant de revenir vers 2,15%. L’inversion de la courbe continue de s’accentuer. Les émissions obligataires totalisent pourtant quelque 600 milliards de dollars dans le monde depuis le début de l’année. Les spreads souverains profitent de la direction des taux de sorte que les points bas de l’automne sont enfoncés. Le BTP italien s’échange sous 180 pb dans un mouvement général de rétrécissement des primes. L’OAT traite à moins de 45 pb. La syndication de 3,5 milliards d’euros de 10 ans en Grèce a toutefois freiné ce mouvement sur le marché des GGB (Greek Government Bond).

Aux Etats-Unis, le plafond de la dette est atteint, obligeant le Trésor à des contorsions habituelles pour éviter le défaut. Ce psychodrame récurrent tend à aplatir la courbe des taux. Dans ce contexte politique tendu mais aussi en raison des atermoiements de la BoJ sur sa politique de ciblage des taux, le T-note s’est échangé à 3,32% au plus bas hebdomadaire. L’écart 2-10 ans se situe en fin de semaine à -74 pb. En outre, la surperformance du 5 ans américain, qui témoigne du caractère directionnel du mouvement de taux, accentue le butterfly spread 2-5-10 ans à -54 pb. Au Japon, la BoJ retarde le relèvement du plafond ou l’abandon de la politique de contrôle du 10 ans. Elle s’oblige ainsi à acheter des montants colossaux de JGBs qui s’élevaient en décembre à l’équivalent de 6 pp de PIB.

La tendance à la baisse des rendements est d’autant plus étonnante que le marché primaire bat des records d’émission. Plus de 600 milliards de dollars ont déjà été adjugés cette année sur l’ensemble des marchés de taux et de crédit. Si les syndications de début d’année sont habituelles, les flux nets attendus au cours des prochains trimestres devraient peser. C’est la zone euro qui semble la plus vulnérable au besoin de refinancement accru des états, des financières et des entreprises non-financières. Jusqu’à présent, les spreads de crédit absorbent sans difficulté le déluge de nouvelles émissions. Les flux favorables au crédit européen et le niveau de trésorerie dans les fonds au début de l’année ne seront peut-être pas extensibles à l’infini. Le spread moyen sur l’investment grade se resserre de 9 pb en 2023 à 158 pb contre Bund. L’essoufflement du resserrement des swap spreads, autour de 60 pb sur le Bund à 10 ans, constitue peut-être un premier signe d’indigestion. Le high yield européen, épargné par le primaire, affiche un net resserrement de 40 pb en trois semaines.

Les marchés d’actions respirent après un début d’année euphorique. L’EuroStoxx 50, en baisse la semaine passée, gagne encore 8,5% en 2023 malgré la hausse de l’euro- dollar. Les bancaires, la consommation de base et la technologie sont les paris gagnants combinant croissance et valeur. Aux Etats-Unis, les chiffres d’affaires flatteurs avec la baisse du dollar (+7% sur les 55 premières publications du S&P 500) ne compensent pas totalement les pressions sur les coûts salariaux (banques, technologie).

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