La confiance des banquiers centraux

Axel Botte, Ostrum AM

2 minutes de lecture

La foi de Christine Lagarde et Jerome Powell dans la poursuite de la désinflation, bien plus que les données, déterminera la date de la première baisse.

©Keystone

 

Christine Lagarde et Jerome Powell cherchent toutes les raisons pour baisser leurs taux d’intérêt. Il s’agit désormais d’être suffisamment «confiant» dans le processus de désinflation, pourtant soumis à des risques à la hausse. En zone euro, l’inertie des salaires, le retrait progressif des mesures de plafonnement du coût de la vie et les signaux de reprise semblent contredire la forte révision à la baisse de la prévision d’inflation de la Banque centrale européenne pour 2024: 2,3% contre 2,7% prévu en décembre 2023 et 3,2% en septembre 2023. Par ailleurs, la BCE dévoilera prochainement la revue de son mode opératoire.

Aux Etats-Unis, l’allègement projeté amplifiera sans doute l’inflation immobilière. La «confiance» des Banques centrales ressemble à un pari sur la stabilité des prix, auquel le marché adhère visiblement. Le reflux des taux à long terme est immédiatement salué par les indices actions et les marchés de Credit Default Swap. Les spreads souverains se resserrent, ignorant parfois les mauvaises nouvelles budgétaires. Cela dit, la réaction de l’obligataire crédit est plus mesurée. L’allègement monétaire attendu affaiblit le dollar, ce qui alimente la ruée vers les actifs risqués. Le rebond tant attendu du yen préfigure une sortie des taux négatifs rendue plus probable par les statistiques de salaires.

Alignement des vues

La croissance américaine devrait avoisiner son potentiel à 2% au premier trimestre. Le marché du travail reste bien orienté avec des créations d’emplois à 265’000 en moyenne depuis décembre. Les annonces de plans de licenciements sont nombreuses, mais les inscriptions au chômage demeurent globalement très faibles entre 200’000 et 220’000 par semaine. Le revenu et la richesse des ménages continuent de progresser, assurant un socle de croissance forte. Les dépenses en structures ou en équipement des entreprises s’améliorent en parallèle. En zone euro, les enquêtes prédisent une reprise de l’activité concentrée au sud de l’Europe. La consommation privée, encore très faible (+0,1% au quatrième trimestre), doit en être le moteur, grâce au redressement des salaires réels.

L’absence de volatilité traduit l’alignement des vues des intervenants sur le scénario de croissance sans inflation défendu par les autorités monétaires.

Le message accommodant des banques centrales continue de dicter la performance des marchés. L’absence de volatilité (actions, crédit, devises) traduit ainsi l’alignement des vues des intervenants sur le scénario de croissance sans inflation défendu par les autorités monétaires. Le 10 ans américain repasse sous 4,10%, à mesure que les points morts d’inflation se compriment. Le Bund suit une trajectoire similaire sous 2,30%. L’aplatissement est bénéfique à l’ensemble des classes d’actifs risqués. Le swap spread s’est stabilisé autour de 35pb. Les valorisations des emprunts d’Etats bien notés (DSL, RFGB, OAT) présentent sans doute un intérêt contre swap.

La surperformance du BTP italien se confirme, avec un spread à 10 ans à 130pb, soit les niveaux d’avant la crise ukrainienne. La révision de 2pp du déficit en 2023 n’a pas infléchi la confiance des investisseurs. La dette portugaise (65pb) se resserrait également à l’approche des élections du weekend. Au Royaume- Uni, le gouvernement utilise ses maigres marges de manœuvre fiscales (baisse de 2 pp des cotisations) pour tenter de réduire son retard de 20pp, en vue des élections qui devraient se tenir à l’automne. L’allègement budgétaire requiert de relever de 7 milliards de livres sterling les émissions de Gilts prévues au cours de l’exercice fiscal. Le Gilt à 10 ans oscille autour de 4%.

La tendance favorable s’estompe sur le marché du crédit. Les spreads se tendent de 5pb depuis le point bas à 82pb du 26 février, conformément aux flux vendeurs enregistrés sur les principaux ETF de la classe d’actifs. L’iTraxx Crossover a très vite plongé sous le seuil de 300pb à l’instar des contrats à terme sur les actions.

La hausse du Nasdaq masque des flux vendeurs majeurs sur la technologie américaine, selon Bank of America. Le positionnement sur les marchés d’options d’échéances courtes se substitue aux flux finaux. En outre, l’attrition régulière du marché à travers les plans de rachats d’actions entretient cependant la hausse des prix, et peut-être un effet FOMO (la peur de manquer le rallye boursier). En Europe, les rachats d’actions totaliseront 200 milliards d’euros, soit un tiers du retour à l’actionnaire. Les investisseurs finaux participent peu à la hausse.

Enfin, le dollar s’est déprécié principalement contre le yen japonais qui s’éloigne enfin du plafond de 150 contre le billet vert. L’euro renoue avec les 1,09 dollar.

A lire aussi...