Un Powell inaudible

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
En attendant les Non-Farm payrolls vendredi

Nous devrions nous réjouir, comparer avec satisfaction nos performances de novembre avec les plus fortes progressions mensuelles historiques (1985, 2008 ou février-mars 2020 en ce qui nous concerne) mais ces résultats exceptionnels nous laissent un goût amer. Le plaisir est gâché par les moteurs qui ont poussé les marchés à se réveiller brutalement. Aujourd’hui, il faut être courageux ou membre de la Fed pour tirer la sonnette d’alarme. La victoire contre l’inflation semble proche mais il s’agit sans doute d’un trompe-l’œil.

La Réserve fédérale n’est pas en mesure de confirmer que le cycle de hausses de taux est terminé. Il s’agit d’un comportement responsable et justifié mais les marchés sont subitement lassés d’entendre cette musique. Résultat: plus Jerome Powell est hawkish dans ses commentaires, plus les marchés obligataires (mais également actions, or, Bitcoin) s’en moquent et repartent de plus belle à la hausse. La Fed ne voulait pas nous faire de cadeau de Noël, les marchés ont cru à un poisson d’avril avant l’heure.

Ce rally de fin d’année met du baume au cœur à ceux qui s’attendaient à une troisième année consécutive de performance négative pour les indices Treasuries et Aggregate.

Du côté de l’inflation, les signaux sont encourageants des deux côtés de l’Atlantique et le CPI suisse à 1.4% nous incite à penser que dans la course à qui va baisser ses taux en premier, ce sera peut-être la BNS qui grillera sur le poteau la BCE et la Fed. Aux Etats-Unis, les chiffres de l’emploi de vendredi revêtiront une importance primordiale. Il y a un mois, nous n’avions pas manqué de souligner que le niveau de 150'000 créations d’emplois était un indicateur avancé de récession ou tout du moins de fort ralentissement. Il faudrait que le chiffre de novembre confirme la tendance et que la révision d’octobre ne soit pas trop massive.

80bp de baisse de taux

D’après la plupart des experts, les performances du mois passé ainsi que les niveaux de taux actuels constatés sur la courbe sont à peu près équivalents à une baisse de taux de la Fed d’environ 80bp. Si les signaux avant-coureurs d’un ralentissement américain s’accumulent, force est de constater qu’aujourd’hui la croissance est encore suffisamment robuste et l’inflation pas assez proche de 2% (CPI à 3,2%, Core CPI à 4%, PCE Deflator à 3% et Core PCE à 3,5%) pour envisager des assouplissements d’une telle ampleur. On voudrait faire repartir l’inflation qu’on ne s’y prendrait pas autrement!

Les hybrides corporates européennes non-bancaires mériterait amplement de gagner définitivement leurs lettres de noblesse en 2024.

Nous n’allons tout de même pas bouder notre plaisir car ce rally de fin d’année met du baume au cœur à ceux (dont nous faisions partie) qui s’attendaient à une troisième année consécutive de performance négative pour les indices Treasuries et Aggregate. Ce ne sera pas visiblement le cas mais restons lucides et vigilants car si la tendance de fond plaide sans doute pour un retour des taux longs aux alentours de 3,5% dans le courant de l’année 2024, nous pourrions assister à un rebond en début d’année en forme de réajustement du bull market de novembre. C’est allé trop vite et trop fort, y compris pour nous qui attendions ce moment depuis quelques mois mais en ciblant plutôt le début d’année 2024.

Les hybrides vous saluent bien

Un dernier mot concernant notre marché de niche préféré, les hybrides corporates européennes non-bancaires. Leur performance depuis le début de l’année avoisine +7,4%, ce qui est déjà remarquable en soi. Elle le devient encore plus lorsque nous l’ajustons au risque. Il s’agit certes de dettes subordonnées dont le contenu equity n’est pas négligeable. Toutefois, les émetteurs comptent parmi les plus belles sociétés de notation senior A-BBB. Ainsi, leur solidité financière s’avère largement supérieure à celle de leurs homologues high yield et le véritable risque encouru se matérialise au niveau de leur subordination et aux caractéristiques propres aux hybrides. Cette classe d’actifs encore trop méconnue et sous-utilisée mériterait amplement de gagner définitivement ses lettres de noblesse en 2024.

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