5 partout!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Cash is king… Pour l’instant

Les placements monétaires et à très court terme sont actuellement privilégiés par les investisseurs. Ces derniers se demandent pourquoi s’aventurer sur des marchés volatils et à performances aléatoires lorsque le taux sans risque présente un attrayant rendement de 5,5%. Pendant ce temps, les taux longs poursuivent leur progression, à peine freinée par une brève détente immédiatement après le retour du risque géopolitique au Moyen-Orient. Le safe haven n’a pas résisté au rebond du baril de brut à 90 dollars.

Aujourd’hui, les marchés ont totalement intégré le concept «higher for longer» de la Fed et les taux longs se sont réajustés. Cette correction s’est facilement mise en place puisque c’est au moment où le supply augmente que la demande s’effondre. Aujourd’hui, la courbe se «désinverse» à toute allure et nous allons très bientôt nous retrouver en présence d’une courbe totalement plate à 5%, hors marché monétaire, ce qui justifie le titre de cette chronique. Un tel comportement est classique lorsque l’on entre dans une phase terminale de cycle de hausses de taux. Il est juste exacerbé par les circonstances que nous venons d’évoquer.

Il ne faut pas enterrer la gestion active trop rapidement sous peine de déconvenues dans les deux ou trois années qui viennent.

Les taux réels longs à 2,5% sont bien plus importants à nos yeux que le franchissement du niveau historique de 5% par les taux nominaux. Cette tendance va se poursuivre sur les marchés de taux longs et tant qu’il ne survient aucun accident, il n’y a aucune raison pour qu’elle s’inverse. En revanche, il suffirait qu’un problème surgisse et les taux pourraient repartir dans l’autre sens sous la forme d’un bullish steepening. Tout d’abord grâce à un mouvement de fuite vers la qualité mais surtout, l’apparition du moindre accident remettrait immédiatement en cause le «higher for longer». Dans la foulée, les anticipations de baisses de taux des grandes banques centrales réapparaitraient comme par enchantement. Et si jamais l’accident devait revêtir une importance considérable, c’est le Quantitative Tightening lui-même qui serait sur la sellette. Aujourd’hui, il ne faut pas trop enterrer les Treasuries trop rapidement, a fortiori sur de tels niveaux.   

«Buy and hold»: en user sans en abuser

Les stratégies «buy and hold», sous la forme de portefeuilles investis en lignes directes ou de fonds datés, ont le vent en poupe. A juste titre, les investisseurs frustrés par plus d’une décennie de taux proches de zéro ont enfin une occasion de redonner à cette stratégie ses lettres de noblesse. Ils doivent en profiter absolument car les rendements actuels sont extrêmement attrayants. Par exemple, notre portefeuille Investment Grade en dollars à maturité octobre 2025 offre un rendement actuariel de 5,8%.

Toutefois, nous les mettons en garde car une stratégie obligataire équilibrée ne peut pas tenir debout sur une seule jambe. Il n’est pas raisonnable de tout miser sur le «buy and hold» malgré ses nombreux avantages car le problème du réinvestissement va se poser de manière de plus en plus aigüe. Pour reprendre notre exemple du portefeuille octobre 2025, investir massivement dans un produit délivrant 5,8% sur deux ans est certes intéressant mais quelle stratégie d’investissement obligataire adopter dans 24 mois si les taux sont significativement plus bas?   

Il reste encore deux mois pour clôturer ce millésime 2023 mais selon toute vraisemblance, les indices US Treasuries vont terminer en territoire négatif pour la troisième année consécutive. Du jamais vu! Par conséquent, il ne faut pas enterrer la gestion active trop rapidement sous peine de déconvenues dans les deux ou trois années qui viennent. Notre portefeuille en dollars, principalement investi en Treasuries à taux nominaux et en TIPS, affiche un décevant -2,6% depuis le début de l’année, venant après un -9,3% en 2022 (ce qui, au passage, était remarquable en termes relatifs par rapport aux indices). De qui dégoûter les plus fervents partisans de cette classe d’actifs!

Alors, même si la saison des perspectives 2024 n’est pas encore lancée, nous nous jetons à l’eau en prévoyant une performance positive à deux chiffres l’année prochaine. Nous restons persuadés que l’on tient mieux debout sur les deux jambes, surtout sur un sol mouvant. Par conséquent, malgré toutes ses qualités et les nombreux avantages qu’il procure, le «buy and hold» doit être considéré comme l’alcool: à déguster, mais avec modération!  

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