Higher for... shorter!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

150'000, la règle de Sahm simplifiée

Connaissez-vous Claudia Sahm? Cette brillante économiste avait trouvé, lors de son passage à la Fed, un moyen à la fois ingénieux et relativement simple pour prédire une récession. Il fallait prendre la moyenne mobile 3 mois du taux de chômage et la comparer au taux de chômage le plus bas constaté au cours des douze derniers mois. Si le premier résultat était supérieur d’au-moins 0,5% au second, l’économie américaine était censée plonger en récession. Et ça marchait! Au sein de la communauté des gérants obligataires, nous appliquons une règle encore plus simple: lorsque les créations d’emplois passent brutalement à 150'000, il faut s’attendre à un hard landing dans les mois qui suivent. La publication des Non-Farm Payrolls de vendredi dernier a donc revêtu une importance encore plus grande qu’à l’accoutumé car nous avons atteint ce chiffre symbolique de 150'000 synonyme de bye-bye soft landing!

La duration n’est pas morte. Ou alors, elle est ressuscitée depuis dix jours.

La semaine avait déjà bien débuté et pour tout dire, depuis que le 10 ans US a franchi brièvement le niveau de 5% le 23 octobre, les taux longs volent. Est-ce un bear market rally? Un dead cat bounce? Seul l’avenir nous le dira mais pour l’instant, la progression des marchés de taux est en train d’invalider notre prédiction de performance 2024 à deux chiffres pour les Treasuries longues. Alors nous allons maintenir cette conviction forte, en ajoutant toutefois un nota bene: nous confirmons notre prévision mais nous considérons que l’année 2024 a débuté le 23 octobre! Ce n’est pas la première fois qu’un marché obligataire joue avec le calendrier. A titre d’exemple, la performance de notre portefeuille hybrides corporates s’élève à +5% depuis le début de l’année. Mais si l’on calcule cette performance sur un an, de fin octobre 2022 à fin octobre 2023, cette dernière grimpe à +10%.

Les plaisirs éphémères

C’est de cette manière que nous qualifions désormais les investissements en marchés monétaires ou en obligations très courtes en «buy and hold». Il est en effet toujours très tentant (mais déjà un peu mois depuis dix jours) de se faire plaisir en «bloquant» des rendements attrayants. Le problème qui va se poser concerne les réinvestissements de ces placements «magiques» lorsque les échéances arriveront dans six à douze mois. Premièrement, les taux seront plus bas et ne permettront pas de poursuivre une stratégie de ce type. Ensuite, et c’est de loin le pire inconvénient, c’est que le train du bull market obligataire sera déjà parti et que les investisseurs en plaisirs éphémères resteront sur le quai. Il faut savoir se faire violence et renoncer à des rendements certes attrayants à très court terme pour favoriser des stratégies plus dynamiques. La duration n’est pas morte. Ou alors, elle est ressuscitée depuis dix jours.

Le meilleur moyen de profiter du retour en grâce des taux longs, quitte à nous répéter, c’est une stratégie barbell qui continue de profiter partiellement des rendements attrayants de la partie courte de la courbe (2-3 ans) tout en mettant l’accent sur l’overlay de duration en Treasuries 10, 20 et 30 ans. La semaine dernière, nous évoquions déjà ce barbell en insistant sur le probable bullish steepening de la courbe dès que les marchés auront intégré que le prochain mouvement de la Fed sera une baisse de taux. Ce premier assouplissement n’aura pas lieu avant 2025 selon Jerome Powell mais les marchés l’anticipent pour juin 2024. Le «higher for longer» risque de connaitre le même sort que le «inflation is transitory». Il est donc temps de positionner les portefeuilles pour 2024. Si l’idée est de réinvestir en 10 ans à 5%, il est peut-être déjà trop tard!   

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