Un effet «gueule de bois» en janvier?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Après les Non-Farm Payrolls, place au CPI et au FOMC  

Certes, 199'000 emplois ont été créés en novembre alors que le consensus n’en attendait que 185'000 mais nous préférons retenir que le chiffre du mois précédent, 150'000, n’a pas été révisé. Dans le secteur privé, le chiffre de 150'000 emplois créés est inférieur aux 159'000 attendus et le chiffre d’octobre a été révisé de 99'000 à 85'000. Si nous avons vu dans ces chiffres un verre à moitié vide, les marchés ont retenu dans ces statistiques de l’emploi un scénario un peu plus proche de celui de la Fed. Le retour du 10 ans vers 4,25% vendredi après être descendu à 4,10% mercredi et jeudi est logique. Il témoigne d’une saine réaction.

C’est cet après-midi et demain soir que se joue en grande partie la fin d’année sur les marchés obligataires. Il suffirait que les chiffres d’inflation nous réservent une surprise, bonne ou mauvaise, pour que les marchés de taux poursuivent leur mouvement de détente ou repartent dans l’autre sens. Demain, soir, le dernier FOMC de l’année pourrait également faire bouger les marchés. En termes de taux et de Quantitative Tightening, il n’y aura aucun scoop à attendre. En revanche, la teneur des propos de Jerome Powell pourrait mettre un terme provisoire au rally quasi-ininterrompu des taux depuis ce fameux 23 octobre lorsque le 10 ans était brièvement passé à 5%.

Nous avons récemment observé une accumulation de performances hallucinantes, dominée par des marchés de crédits en ébullition et un 10 ans US passant de 5% à 4,1%.

La Fed va sans doute tenter de calmer les ardeurs des partisans de baisses de taux en réaffirmant son «higher for longer» et en maintenant (explicitement ou implicitement) sa prévision de zéro baisse de taux en 2024. En revanche, si dans le choix subtil des mots retenus par le patron de la Fed les marchés entrevoient une esquisse de confirmation de leurs prévisions de baisses de taux, le 10 ans ira à 4%, ce qui n’est pas scandaleux puisque ce niveau correspond à seulement 10 points de base de moins que celui atteint mercredi et jeudi derniers. Enfin, quel que soit le ton employé par Jay Powell demain, les marchés obligataires accorderont toujours une importance majeure aux succès ou aux échecs des prochaines adjudications du Trésor.

Le 10 ans à 4,5% en janvier, c’est possible!

L’effet «gueule de bois» des lendemains de fêtes pourrait bien s’inviter sur les marchés de taux en début d’année. Nous avons récemment observé une accumulation de performances hallucinantes, dominée par des marchés de crédits en ébullition et un 10 ans US passant de 5% à 4,1%. Rappelons-nous que mi-octobre, nous nous attendions à connaître la troisième année consécutive de performances négatives sur les indices Treasuries et Aggregate. Ce ne sera pas le cas mais ce rebond exceptionnel doit nous inciter à la prudence. Sauf si Jay Powell devient subitement dovish demain soir et remet du carburant dans cette machine à performances qu’est devenue le marché obligataire, il ne serait pas surprenant de constater un rebond des taux longs en tout début d’année.

Ce rebond de taux ne remettrait pas en cause notre scénario central au cours duquel le rendement du 10 ans devrait redescendre aux alentours de 3,5% dans le courant de l’année. Toutefois nous restons vigilants et pragmatiques. Nous sommes prêts à changer notre fusil d’épaule si les prévisions bearish de certains experts se révèlent justes. Un courant de pensée grandissant aux Etats-Unis, dont l’une des figures de proue est Jim Bianco, estime qu’il n’y aura pas de soft landing car il n’y aura pas de landing du tout! Par conséquent, nous devrions nous attendre à ce que l’inflation reparte de plus belle et dans ces conditions, il n’y aurait aucune raison pour que le 10 ans n’atteigne pas 5,5% l’année prochaine. Il s’agit d’un scénario que nous écartons pour l’instant mais que nous ne pouvons pas tout à fait exclure. A l’autre bout de la planète taux, les partisans du soft landing, largement majoritaires actuellement, peuvent basculer à tout moment vers le scénario de récession. Cette dernière peut s’inviter au dernier moment sans avoir prévenu de son arrivée. Nous vous donnons donc rendez-vous début janvier pour repartir ensemble dans l’univers des marchés obligataires toujours aussi passionnant mais tellement surprenant et incertain. Passez de bonnes fêtes!

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