Quelques pistes de réflexion à mi-janvier

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

économie US et Fed

L’inflation diminue aux Etats-Unis. Toutefois, malgré un encourageant -0,1% publié la semaine dernière, le rythme de baisse est trop lent. En 2022, nous avions résumé notre perception de la décrue du CPI à travers la formule «8-5-2». Cela signifiait qu’une diminution de 3% pour passer de 8% à 5% serait relativement «facile» à obtenir mais que les 3% restants pour redescendre de 5% à 2% serait beaucoup plus compliqués. C’est ce qui va se passer vraisemblablement au cours de la première moitié de 2023, marquée par une baisse attendue des composantes les plus volatiles compensée par la poursuite de la hausse des loyers.

Les investisseurs pourraient donc être encore surpris par la lenteur de la baisse du CPI et se retrouver déçus par une Fed qui ne va pas baisser la garde de sitôt. Les marchés (actions en premier lieu) ont sans doute mal interprété les propos de Jay Powell qui avait seulement souligné qu’il ne fallait plus s’attendre à des hausses de taux de 75bp. La Fed va poursuivre une politique monétaire hawkish, mais par petits pas. Elle peut faire valoir des arguments solides, en tout cas pour l’instant: avec un taux de chômage à 3,5% et pas de signes de fort ralentissement du côté de la croissance, les faucons ont carte blanche.

La Fed éprouve les plus grandes difficultés à évaluer le temps de retard entre ses décisions de relèvements de taux et leur effet concret dans l’économie réelle.

Nous estimons que la Fed commet deux erreurs. Premièrement, elle éprouve les plus grandes difficultés à évaluer le temps de retard (lag) entre ses décisions de relèvements de taux directeurs et leur effet concret dans l’économie réelle. Après avoir fortement monté ses taux en 2022 (dont quatre hausses consécutives de 75bp chacune), nous ne pouvons pas totalement exclure qu’elle a peut-être déjà fait le job. Dans ce cas, elle pourrait se contenter d’une politique «wait and see» pour constater dans quelques mois que cette politique agressive s’est révélée efficace et suffisante.

La seconde erreur (que les marchés commettent également) consiste à se focaliser sur les taux alors que la banque centrale utilise un second outil quasiment passé sous silence. Le Quantitative Easing (QT) est sous-estimé, son impact sur le ralentissement encore plus! La Fed reste évasive sur le sujet et on la comprend puisqu’elle ne peut pas chiffrer les effets d’une diminution significative de la taille de son bilan combinée au maintien d’une politique de hausses de taux. Nous l’avons maintes fois répété : selon nous les taux US virtuels sont déjà au-dessus de 5% si l’on additionne Fed funds et QT. Une erreur de politique monétaire de la banque centrale de Washington est donc toujours d’actualité mais nous estimons que si elle devait se matérialiser, elle proviendrait d’un QT exagéré et non d’une décision intempestive sur les taux directeurs.

Marchés obligataires

Après seulement deux semaines, nos performances prennent l’ascenseur, délivrant un peu plus de 2% en dollars. Tout cela part décidément trop fort et trop vite (voir notre chronique de mardi dernier «Démarrage en trombe»). La courbe des US Treasuries (2-10 ans) est toujours inversée mais méfiance! le 5-30 ans est flat et le danger nous guette car dès que les marchés vont estimer que la Fed arrive à la fin de son cycle haussier nous assisterons à un steepening qui peut se révéler violent. Rajouter de la duration aujourd’hui nous tente dans l’absolu mais pas avec des taux longs à 3,5%. Il est soit trop tôt soit trop tard. Attendons la prochaine correction. Les TIPS courts peuvent être une piste de réflexion intéressante. Le 2 ans US s’élève à 4,2% et le 2 ans TIPS à 2,15%. Cela nous donne un B/E à 2,05% qui semble très optimiste. En «buy and hold», il peut être tentant de parier sur le TIPS au détriment du 2 ans à taux nominal.

Même si nous sommes désormais loin des points bas, les crédits hybrides non bancaires sont encore très intéressants.

Les spreads de crédit n’ont pas été en reste dans ce bull market. Aujourd’hui nous estimons que l’Investment Grade en dollars est proche de sa fair value voire un peu cher. Son homologue en euros est légèrement à la traîne et nous semble plus attrayant. Même si nous sommes désormais loin des points bas, les crédits hybrides non bancaires sont encore très intéressants. En 2022, le marché a surévalué le risque d’extension et s’est laissé troubler par les déboires dans le secteur des REITS. En ce début d’année, il semble déterminé à séparer enfin le bon grain de l’ivraie et les premières émissions sur le marché primaire ont été abondamment sursouscrites, signe d’un retour d’appétit des investisseurs sur cette classe d’actifs.

Enfin, si de nombreuses analyses militent pour un retour sur les marchés émergents, ce sera sans nous, tout du moins au cours du premier semestre. Nous ne sommes pas tentés par la Chine et si nous avions quelques velléités de retour sur l’Amérique Latine en novembre, les récents événements au Pérou puis au Brésil nous rappellent que la stabilité politique n’est pas la qualité première du sous-continent américain. Nous réévaluerons donc notre appétit pour les émergents dans quelques mois.

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