L’emploi ne faiblit pas, la Fed non plus

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

263'000 créations d’emplois

Les chiffres de l’emploi publiés vendredi ont été, une fois de plus, impressionnants de robustesse. Non seulement les 263'000 créations d’emplois ont largement dépassé les estimations du consensus à 200'000 mais les données du mois précédent ont été révisées à la hausse, passant de 261'000 à 284'000. Avec un taux de chômage stable à 3,7%, la Fed ne va pas se priver de poursuivre sa politique de resserrement monétaire. Certes, le rythme risque de diminuer légèrement, passant de +75 à +50bp, mais la pause tant attendue n’est sûrement pas pour le 14 décembre. Les craintes de franche récession, toujours très élevées en zone euro, sont en train de diminuer aux Etats-Unis et bon nombre d’experts entrevoient désormais un scénario à mi-chemin entre atterrissage en douceur et «mild recession».

L’inflation est en léger recul mais les craintes d’un rebond des prix des matières énergétiques début 2023 refont surface. Le PCE Deflator, particulièrement scruté par la Fed, a été publié jeudi. Il est passé de 6,3% (révisé) à 6% tandis que le PCE Core a diminué, comme attendu, de 5,2% à 5%. S’il faut se réjouir d’un tel parcours (-1% depuis juin pour le PCE mais quasi stabilité pour le Core), la décrue est lente et décevante après un resserrement monétaire d’une telle ampleur marquée notamment par quatre hausses de taux de 75bp consécutives. Emploi et inflation vont donc inciter la Fed à maintenir une politique plus hawkish qu’anticipée par les marchés. Gare à la gueule de bois des lendemains de fêtes.

Les taux longs à 3,5%, et après?

Nous persistons à penser que les marchés, obnubilés par les hausses de taux et par le pivot, négligent le Quantitative Tightening ainsi que sont fort impact sur l’économie. Peut-être plus encore que pour les hausses de taux, les effets du QT nécessitent un certain temps avant d’apparaître. Le défi de la Fed en cette fin d’année est sans nul doute de se prêter au difficile exercice qui consiste à tenter de mesurer ce «lag effect» afin d’éviter une erreur de politique monétaire avec la hausse de trop. Est-ce pour cela que les taux longs US ont entamé une vertigineuse chute depuis fin octobre? Le 30 ans s’affichait à 3,52% vendredi, soit pile 90bp de moins que le 24 octobre lorsqu’il culminait à 4,42%.

Sans correction sur les taux, notamment le 14 décembre à l’issue du FOMC, nous allons rester sur notre faim.

En termes de performance, nous côtoyons un +16% aussi impressionnant qu’incroyable. Sur de tels niveaux, nous réaffirmons notre conviction exprimée dans la chronique de mardi dernier: nous sommes allés un peu trop loin, un peu trop vite. Et le constat est identique dans l’univers des spreads de crédit. Nous avouons être incapables de donner des estimations de performances attendues pour 2023 sur nos classes d’actifs car il faudra connaître les niveaux sur lesquels elles vont clôturer l’année le 31 décembre. Une (très) grande partie de nos expected returns 2023 a déjà été délivrée entre le 20 octobre et aujourd’hui. Alors sans correction sur les taux, notamment le 14 décembre à l’issue du FOMC, nous allons rester sur notre faim. Nos espoirs pour l’an prochain seront peut-être un peu douchés mais en contrepartie, les performances 2022 seront sans doute finalement (beaucoup?) moins catastrophiques. Ce qui est clair, c’est qu’à 3,5%, les taux longs US font beaucoup moins envie.

Bonus duration

Terminons par un petit point technique concernant la duration. La longue période de taux très faibles, proches de zéro, a eu pour conséquence des émissions d’emprunts du Trésor US à très faibles coupons (ne parlons pas des Bunds allemands zéro coupon). Ainsi, de nombreux Treasuries à 30 ans présentaient une duration supérieure à 20 et parfois proche de 23 pour les titres à coupons les plus faibles. Le dernier US Treasury à 30 ans, émis le 15 novembre dernier, est assorti d’un coupon de 4%. Par conséquent, sa duration (modified duration, à ne pas confondre avec la Macaulay duration) s’élève «seulement» à 17.8. A prendre en compte dans nos calculs d’estimations de performances 2023. Autres solution: acheter des T-Strips dont la duration est pratiquement identique à leur maturité. Par exemple, le nouveau 30 ans émis le 15 novembre (en même temps que le 4%) affiche une duration de 29,4. C’est plus facile à retenir et plus simple à calculer mais dans ce cas précis, mieux vaut être dans le bon sens sinon l’addition risque d’être salée!

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