Est-ce vraiment le retour des obligations?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Performances éblouissantes

L’actualité est riche en événements favorables à une embellie des marchés obligataires. L’inflation donne quelques signes de ralentissement, la Fed va continuer de monter ses taux mais à un rythme moins soutenu, les Républicains sont majoritaires à la Chambre des représentants, le COVID fait son retour en Chine et les mesures drastiques déclenchent des émeutes, le scandale FTX jette un froid sur le monde des cryptos...etc…etc… Il y aurait beaucoup à dire sur tous ces sujets, notamment sur le décalage entre ce que va faire la Fed et ce que croient les marchés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: depuis le 20 octobre, qui correspond plus ou moins au retournement de la plupart des classes d’actifs obligataires, les indices ont flambé:

  • Bloomberg Barclays US Treasuries: +3,24%
  • Bloomberg Barclays US Investment Grade Intermediate: +4,11%
  • Bloomberg Barclays EUR Investment Grade: +3,94%
  • Credit Suisse EUR Hybrid Corporates: +7,10%

Pour se faire une meilleure idée du rebond du marché des taux longs US, le célèbre ETF TLT iShares 20+ Treasuries a rebondi de +8,45% sur la même période.

Nous sommes donc en droit de nous poser la question. A-t-on affaire à un bear market rally ou au véritable retour dans le vert des marchés de taux pour 2023 (dont le 20 octobre 2022 serait le point bas)?

Bonds were (and will be) back

Nous sommes raisonnablement positifs sur les marches de taux pour les années 2023-2024 mais cette dégringolade fulgurante des rendements gouvernementaux et crédits nous semble bien trop ample et rapide. Le fameux slogan utilisé par presque tous les Asset Managers, «bonds are back» mérite selon nous d’être plus précis. «Bonds were back» aux alentours du 20 octobre mais sur les niveaux de taux actuels nous serions beaucoup plus prudents. En revanche, à la moindre correction, nous pourrons réaffirmer que les obligations sont de retour pour 2023.

Les commentaires concernant le souhait de certains banquiers centraux d’abandonner les hausses de taux de 75bp au profit de hausses de 50bp ne nous ont pas convaincus.

Les marchés, qui baignent dans une euphorie difficile à expliquer, pourraient se réveiller dès le 14 décembre lorsque la Fed leur expliquera que le job est loin d’être terminé. Les commentaires (avant et après la publication des minutes du dernier FOMC) concernant le souhait de certains banquiers centraux d’abandonner les hausses de taux de 75bp au profit de hausses de 50bp ne nous ont pas convaincus. Jusqu’à preuve du contraire, deux hausses de taux de 50bp chacune sont supérieures à une hausse unique de 75bp. En d’autres termes, si l’ampleur de la hausse diminue mais que le nombre de hausses augmente, nous ne sommes pas proches du point haut sur les Fed funds. Cela signifie que l’inversion record de la courbe US pourrait persister et s’amplifier. En revanche, attention! Dès que nous serons proches de la fin des hausses de taux, nous pourrions assister à un steepening potentiellement violent.

Faut-il revenir sur les TIPS?

Un message a priori anodin de Jim Perry (Arbor Research) nous a sortis de notre torpeur «Thanksgivinienne». Il nous suggérait de comparer deux emprunts du Trésor US, le TIPS 0,125% octobre 2024 qui offre aujourd’hui un rendement réel de 2,02% et le Treasury 4,25% septembre 2024 dont le yield s’élève à 4,51%. Ainsi, le breakeven est relativement peu cher puisqu’il s’élève à 249 points de base contre 500 en mars dernier. La question que nous nous posons aujourd’hui est la suivante: dans une optique «excess cash / buy and hold», est-il judicieux de revenir sur le marché des TIPS en investissant sur cet emprunt à 2 ans? Seriez-vous également séduits par cette idée d’arbitrage qui vous propose «inflation +2%» en lieu et place d’un rendement nominal de 4,5%? Lequel des deux bonds aura été le meilleur investissement dans 24 mois? Que perd-on à acheter ce TIPS, sinon un manque à gagner par rapport aux taux nominaux? Croyez-vous que l’inflation va redescendre rapidement à 2% ou cela va-t-il prendre plus de temps que prévu?

Tout au long de cette année 2022 exceptionnelle à tous points de vue, nous avons régulièrement mis en garde les investisseurs contre la fausse bonne idée des TIPS qui ne protègent pas contre l’inflation lorsque les taux réels augmentent. La chute des B/E à court terme offre potentiellement de bonnes opportunités en cette fin d’année. Nous n’avons pas encore franchi le pas mais d’ores et déjà, nous avons banni de notre langage l’expression «tout sauf les TIPS» qui nous a bien aidés en 2022 mais qui commence à devenir obsolète.

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