QE en hiver, QT au printemps

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
 
Des minutes indigestes

Les chiffres de l’emploi de vendredi sont quasiment passés pour un non-événement. Tout juste si l’on continue à parler d’Omicron... Un seul sujet préoccupe les marchés: la Fed avait bien dévoilé un biais hawkish le 15 décembre mais les minutes du FOMC ont révélé que nous étions encore loin de la vérité. Il apparaît qu’une fois le tapering terminé fin mars, la Fed envisage de procéder dans la foulée à un QT, Quantitative Tightening, autrement dit une réduction de la taille de son bilan. Evidemment, les marchés sont un peu pris au dépourvu car ils avaient intégré, sans trop de difficultés, l’accélération du tapering de 15 à 30 milliards de dollars par mois, assortie de trois hausses de taux possibles en 2022 une fois ce tapering terminé fin mars au lieu de fin juin. Mais un QT par-dessus le marché! Cela commence à faire beaucoup. Les marchés de taux n’ont pas aimé, c’est tout à fait classique dans un premier temps. Il faut également composer dorénavant avec les programmes automatiques. Visiblement, de nombreux algos jouant la hausse des taux longs avaient fixé la moyenne mobile à 200 jours du 30 ans à 2,05% pour déclencher des shorts. Le mouvement semble bien être parti de là.

Un mini bear market taux en ce début d’année est probable.

Nous restons convaincus que ce bear market ne peut pas aller très loin. Mais nous pouvons toutefois aller tester des niveaux un peu plus élevés. Les investisseurs qui privilégient le 10 ans estimaient qu’au-dessus de 1,75%, nous serions dans un changement de tendance. Nous y sommes. Un mini bear market taux en ce début d’année est donc probable mais des taux longs significativement plus élevés sont difficiles à imaginer tant ils ne plairaient pas à tout le monde. Les taux mortgages US vont suivre la tendance et si la semaine dernière, les grands indices actions US restaient dans le vert tandis que le Nasdaq baissait sous l’effet du bear market Treasuries, c’est le marché actions tout entier qui prendrait un sacré coup de froid avec un sell-off sur les taux.

Conséquences sur les taux (nominaux et…réels)

Les rendements des US Treasuries vont donc monter, sans aucun doute. Ils ne vont pas exploser mais les taux courts et longs vont souffrir, ayant du mal à encaisser le choc. Nous avons remis un peu de 30 ans à 2,07% et attendons une vague baissière aux alentours de 2,16%-2,17% pour poursuivre cette politique des petits pas. Dans le même temps, nous allégeons les crédits les plus volatils, y compris les hybrides. Il sera bien temps, plus tard dans l’année, de revenir dessus lorsqu’ils offriront des spreads plus attrayants.

Profitons des tensions actuelles sur les taux longs pour accumuler des positions afin d’être bien armés le jour du flattening de courbe.

Fin 2021, nous mettions en garde les investisseurs à propos des taux réels: nous estimions que les TIPS devenaient dangereux, une fausse bonne idée par excellence avec des rendements trop bas couplés à des breakevens trop élevés. Ce début d’année corrobore ces craintes. Depuis la clôture du 31 décembre, le rendement du 30 ans Treasury est passé de 1,90% à 2,13% (+23 points de base) mais dans le même temps, le rendement réel du 30y TIPS est monté de -0,46% à -0,13% (+33 bp). Dix points de base d’écart, pour des animaux à duration proche de 25, ce n’est pas négligeable. Les craintes inflationnistes ont atteint leur sommet fin 2021, la Fed s’attaque à l’inflation, les taux réels sont à risque. 

Nous allons entendre de plus en plus de stratèges nous mettre en garde contre le risque d’erreur de politique monétaire de la Fed qui a la main trop lourde après avoir trop tardé (et campé sur son fameux «transitoire» que nous élisons mot de l’année 2021!). Nous ne pouvons pas être en désaccord avec cette théorie puisque nous avons été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme, ce qui semble encore plus justifié après cet invraisemblable QT. Profitons donc des tensions actuelles sur les taux longs pour accumuler des positions afin d’être bien armés le jour du flattening de courbe. Souvenons-nous du célèbre adage «markets are junkies, the drug is cheap money, the dealer is the Fed». Si la Fed met fin brutalement au «cheap money», comment croyez-vous que le sevrage des marchés va se dérouler?

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