2022: COVID, inflation et banques centrales

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Pandémie et hausse des prix

La pandémie de COVID est toujours un sujet d’inquiétude et les caractéristiques du nouveau variant Omicron ne sont pas encore totalement connues. Pour l’instant, c’est toujours le variant Delta qui inquiète les autorités de santé et il est impossible de spéculer sur l’apparition de nouveaux variants, plus ou moins contagieux ou plus ou moins dangereux, en 2022. Depuis octobre, l’OMS nous met en garde contre les excès d’optimisme et n’oublions pas que la Fed a placé le COVID au-dessus de l’inflation dans la hiérarchie de ses craintes pour 2022. Nous sommes toujours persuadés que les grandes banques centrales, à l’exception peut-être de la Fed, appliquent une stratégie sans la nommer: elles vont être réticentes à modifier profondément leurs politiques monétaires tant que la situation sanitaire est une menace pour l’économie mondiale.

Les marchés accordent trop d’importance à l’inflation et pas assez au ralentissement économique.

L’inflation est évidemment le sujet principal qui anime les débats et les marchés. Cela ne changera pas en ce début d’année. Selon nous, l’inflation redescendra graduellement en 2022. La Fed a participé à la confusion en utilisant le terme «transitoire» (désormais mot tabou) sans en donner une définition précise. Rappelons-nous le volte-face récent de la BoE. Une hausse des taux était unanimement attendue mais les banquiers centraux britanniques ont pris tout le monde de court en repoussant cette décision, estimant que la menace à court terme d’un ralentissement était plus élevée que celle de l’inflation. Cette décision inattendue corrobore notre conviction: les marchés accordent trop d’importance à l’inflation et pas assez au ralentissement économique. Un risque de ralentissement généralisé, dominé par une menace de récession en Chine, figure parmi nos sources d’inquiétude majeures pour 2022.

Powell déclare la guerre à l’inflation

Dans cet environnement, le risque d’une erreur de politique monétaire de la Fed est de plus en plus probable. Jay Powell a été confirmé à son poste par le tandem Biden-Yellen (cette dernière sur un siège éjectable d’après les dernières rumeurs à Washington), à condition d’être plus agressif vis-à-vis de l’inflation. Sa mission va être de tenter de juguler l’inflation par tous les moyens avant les élections de mi-mandat qui se profilent. Cela signifie que, contrairement à ce que nous pouvions croire à l’automne, la Fed va changer de discours et d’attitude en devenant de plus en plus hawkish, en accélérant éventuellement le tapering pour procéder à au moins deux hausses de taux Fed funds en 2022.  

En Europe, la BCE devrait rester ultra-accommodante malgré des poussées d’inflation qui hérissent le poil des Allemands. Les acronymes risquent de changer mais au total, le montant global du Quantitative Easing de la BCE ne devrait pas beaucoup varier. Il n’y aura pas de tapering européen. 

La courbe des taux US va s’aplatir sous l’effet du risque grandissant d’erreur de politique monétaire de la Fed.

Nous avons toujours considéré les politiques d’achats d’actifs des banques centrales sur le plan mondial. En Chine, afin de contrer une possible récession et pour gérer les problèmes de faillites d’entreprises, la PBoC va ouvrir à fond le robinet. Elle en a largement les moyens. Cela signifie que les montants totaux d’achats d’actifs par les banques centrales ne vont pas diminuer en 2022, ils risquent même d’augmenter. Compte tenu des sommes astronomiques qui seront mises sur la table par la PBoC, le tapering de la Fed ne sera finalement pas un sujet d’inquiétude majeur.

Stratégie obligataire 2022

En termes de stratégie d’investissement pour 2022, nous allons appliquer une politique qui va à l’encontre du consensus. Nous pensons en effet que la courbe des taux US va s’aplatir sous l’effet du risque grandissant d’erreur de politique monétaire de la Fed. Pour simplifier, plus la partie courte montera, plus la partie longue se détendra. Les taux longs américains sont déjà bien revenus, puisque le 30 ans s’affiche aux alentours de 1,8% alors que c’était plutôt le 10 ans qui était attendu à ce niveau-là par les marchés. Nous sommes actuellement à la recherche de nouveaux points d’entrée sur le 30 ans afin de rallonger notre duration. 

Sur les marchés émergents, quelques émetteurs de qualité pourraient offrir de belles opportunités mais pour l’instant, cette classe d’actifs nous paraît encore risquée et source d’incertitudes (Chine et Amérique Latine notamment). La dette corporate hybride est un peu chère, mais déjà moins qu’à l’automne. Nous conservons nos hybrides dans une optique de «carry» mais le moindre accident à Wall Street aura des répercussions sur les spreads et offrira des fenêtres de tir pour renforcer les positions. Nous resterons positionnés sur l’Investment Grade en dollars qui reste une valeur sûre. Nous commencerons donc l’année avec un peu moins de risque de crédit à la faveur de la duration pure. 

Nous ne pouvons pas terminer ce tour d’horizon sans évoquer l’incontournable ESG. Dans ce domaine, nous avons déjà beaucoup amélioré la qualité de nos portefeuilles. Nous poursuivrons dans cette voie mais d’une manière graduelle pour ne pas brutalement exploser le coûteux turnover de portefeuilles qui sont déjà bien positionnés. Cela veut peut-être dire également qu’à court terme, les émergents seront structurellement sous-pondérés car il devient difficile de trouver des crédits émergents qui respectent à la fois nos critères d’investissement d’un point de vue analyse crédit et les critères définis par notre politique en matière d’ESG. 

Bonnes fêtes à tous et rendez-vous en janvier pour une année 2022 qui s’annonce passionnante!

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