COVID en Europe, Powell-Brainard aux US

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Nouvelle vague

Nous le pressentions depuis une dizaine de jours. L’OMS multipliait les mises en garde, certaines banques centrales osaient placer le COVID devant l’inflation dans la hiérarchie des risques majeurs à court-terme et l’Autriche a franchi le pas en fin de semaine dernière en reconfinant sa population. La vague de COVID déferlant sur l’Europe est donc de nouveau au centre des préoccupations, y compris sur le continent américain. 

Le 30 ans US qui était remonté au-dessus de 2,04% mercredi, à notre grand dam puisque nous étions prêts à en racheter s’il franchissait 2,05% à la hausse, est retombé sous la barre des 2% et a même atteint 1,90% dans l’après-midi de vendredi. Les marchés de taux ont donc passé une semaine «pour rien» et coupée en deux avec une première moitié dominée par les craintes inflationnistes puis une seconde par le retour sur le devant de la scène du coronavirus. Nous sommes convaincus qu’entre ces deux maux, c’est le COVID qui, du moins à court-terme, va le plus perturber les marchés. Tout d’abord parce que nous ne sommes pas à l’abri du risque que les mesures sanitaires s’intensifient à la veille des fêtes de fin d’année (et des ventes qui vont avec) et ensuite parce que plus la vague est forte, plus l’inflation reculera d’elle-même pour éventuellement repartir à la hausse une fois ce rebond de la pandémie maîtrisé. 

Tant que Wall Street ne voit pas rouge, les corporate bonds auront encore de beaux jours devant eux.

Les marchés actions n’ont pas l’air d’estimer aujourd’hui que ce retour du COVID va gâcher le rally de fin d’année, ce qui permet aux spreads de crédit en dollars de se maintenir sur des niveaux raisonnables. Tant que Wall Street ne voit pas rouge, les corporate bonds auront encore de beaux jours devant eux. Certes, il faudra compter sur le portage pour gagner un peu d’argent et les semaines qui viennent ne seront pas forcément favorables aux noms high-beta les plus volatils. Comme chaque année, nous allons commencer à nous méfier de la liquidité. Le vieil adage qui veut que les marchés de crédits tournent au ralenti à partir de Thanksgiving doit être respecté même si depuis une dizaine d’années les choses ont légèrement évolué. 

En Europe, les investisseurs qui attendaient que le rendement du Bund repasse en territoire positif devront patienter. Par rapport à leurs homologues américains, les crédits européens n’ont aucune raison de se comporter différemment. La prudence nous conduira à privilégier la qualité, quitte à sacrifier quelques points de base de spread, en concentrant nos investissements sur les CSPP. La BCE ne les laissera pas tomber de sitôt.

2022 avec Powell… et Brainard

Il y a une semaine, nous nous posions la question: et si les grandes banques centrales, surprises par ce come-back et inquiètes de ses conséquences sur l’économie disaient tout simplement qu’il n’y aura aucune hausse de taux tant que le COVID est une menace? Aujourd’hui, cette question revêt une importance capitale car les marchés sont peut-être allés trop vite en besogne avec deux hausses de taux de la Fed en 2022. 

Le tandem Powell/Brainard à la tête de la Fed sera sans doute perçu comme un peu plus dovish.

Jay Powell a été reconduit à la tête de la banque centrale américaine mais sous l’étroite surveillance de Lael Brainard, promue Vice-Chair. Ce tandem sera sans doute perçu comme un peu plus dovish et la partie courte de la courbe (jusqu’à 5 ans) devrait se détendre légèrement sous la forme d’un bullish steepening. Ça, c’est pour le très court-terme. A moyen terme, nous sommes toujours convaincus que le 30 ans est stratégiquement le meilleur endroit de la courbe pour bâtir une stratégie 2022. Nous avons heureusement commencé à accumuler du long bond depuis deux mois. Nous songions à augmenter significativement la position sur des niveaux-clés: au-dessus de 2,05%, puis 2,15% voire plus haut en cas de panique inflationniste. Nous n’avons pas eu l’occasion d’atteindre ces fameux niveaux. 

Comme nous allons vraisemblablement être en semi-trêve des confiseurs sur les crédits d’ici quelques jours, nous allons reconsidérer notre stratégie long bond car le 30 ans n’atteindra pas forcément les objectifs que nous lui avions fixé initialement. Plus globalement, même si nous restons pragmatiques et prêts à changer notre fusil d’épaule en fonction de l’évolution de la situation, nous allons aborder cette fin d’année et le début de l’année 2022 en étant plus prudents sur le risque crédit, en compensant par une gestion plus dynamique de la duration.

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