Des compteurs remis à zéro

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Dernier coup d’œil dans le rétro

L’année 2021 ne restera pas dans les annales comme un grand millésime pour les marchés de taux. Cela semble plutôt logique si l’on se base sur deux événements majeurs qui ont marqué cette année, le retour de l’inflation et des marchés actions aux performances exceptionnelles. Les marchés obligataires en dollars ont donc terminé cette année 2021 dans le rouge, avec des performances avoisinant les -2%. L’Investment Grade à -1,8%, les émergents à -2,2%, l’US Aggregate à -1,9% sont les marchés les plus emblématiques qui illustrent ce constat. Toutefois, certaines classes d’actifs ont tiré leur épingle du jeu en affichant des performances s’éloignant de ce fameux -2%. Les US Treasuries à duration longue ont souffert et ont logiquement délivré un bien médiocre -4,6%. Une performance très éloignée du +5,7% des TIPS, qui ont bénéficié de l’excellent parcours des taux réels. Ces derniers n’ont pas pris le sillage des taux nominaux, laissant les breakevens grimper à des niveaux que l’on n’avait pas vu depuis longtemps.

Il n’est pas surprenant de constater que le High Yield a très bien tiré son épingle du jeu.

Pour performer significativement en 2021, il fallait investir dans des classes d’actifs obligataires fortement corrélées aux marchés actions et il n’est pas surprenant de constater que le High Yield a très bien tiré son épingle du jeu avec un satisfaisant +3,7%. Si globalement les portefeuilles ont donc présenté des performances proches de -2%, constatons qu’il y avait matière à faire beaucoup mieux, notamment en High Yield (non chinois) et TIPS. Les compteurs sont donc remis à zéro. Quelle stratégie adopter en 2022? Faut-il laisser de côté les marchés qui ont performé en 2021 pour jouer le rebond des derniers de la classe?

Ça va être compliqué, mais…

Nous n’avons pas cru aux TIPS à partir de février 2021 car les taux réels nous semblaient trop bas et les breakevens trop élevés. Nous le regrettons mais si c’était à refaire, nous ne changerions pas de stratégie. Nous avions atteint notre objectif et déboucler une stratégie après une performance de +26%, ce n’est pas fréquent! Mais comme tout ceci est désormais de l’histoire ancienne, penchons-nous plutôt sur le potentiel des TIPS en 2022. Le taux réel du TIPS 30 ans s’affiche aujourd’hui à -0,45%, avec un B/E de 2,37%. Le rendement réel du 10 ans TIPS atteint -1,09% pour un B/E à 2,62%. 

Compte tenu des perspectives d’inflation et de la volonté manifeste de la Fed de s’attaquer à ce fléau en adoptant une politique monétaire résolument agressive, il nous semble que les TIPS risquent de souffrir en 2022, encore plus que leurs homologues à taux nominal en 2021. En tout cas, le constat établi en février dernier, rendements réels trop bas et B/E trop élevés, est encore plus flagrant en ce début d’année. Leur seule planche de salut (qui est déjà en grande partie responsable de leur bonne tenue en 2021), c’est une politique d’achats de la Fed pour «manipuler» les taux longs réels en évitant une dégringolade. Un argument bien mince pour continuer d’investir en TIPS. Nous sommes donc légitimement tentés de faire confiance aux taux longs nominaux au détriment des taux réels.

De grandes banques d’investissement préconisent le High Yield chinois.

Sur les marchés de crédits, force est de constater que c’est Wall Street qui détient les clés du problème. Un léger accident sur les marchés actions permettrait de rajouter du risque crédit à des spreads plus attrayants. Il faudra également évaluer l’impact d’éventuelles diminutions des programmes d’achats de corporate bonds par les banques centrales. Nous avouons un faible pour la dette hybride non-bancaire et attendons une possible correction pour ajouter du risque high beta (mais d’émetteurs low beta) dans nos portefeuilles. 

De grandes banques d’investissement préconisent le High Yield chinois qui devrait rebondir après un catastrophique -40% en 2021 grâce notamment à l’action de la PBoC. Cette classe d’actifs ne fait pas partie de notre univers et nous ne sommes pas les mieux placés pour juger la pertinence d’un tel raisonnement, mais sur le papier, cela paraît plutôt tentant. Toutefois, cette idée d’investissement présentera toujours à nos yeux un défaut majeur: quitte à prendre un risque actions, autant le faire avec des actions puisqu’à risque équivalent, le potentiel de performance est supérieur. En 2022, continuons à prendre les obligations pour ce qu’elles sont et non comme des ersatz d’actions. La tentation est grande: un High Yield à presque +4% contre -2% pour un Aggregate Gouvernements/Crédits en 2021. Sauf qu’un portefeuille Actions/High Yield présente un risque 100% actions! A méditer à l’aube de cette nouvelle année.

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