Le trouble-fête Omicron

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone

 

Un Thanksgiving très particulier

La semaine dernière, bien qu’écourtée par Thanksgiving, a été riche en rebondissements. Il a fallu, dans un premier temps «digérer» la reconduction de Jay Powell à la tête de la Fed. La nomination de Lael Brainard au poste de Vice-Chair nous avait incités à penser que les marchés pencheraient pour une Réserve fédérale un peu moins hawkish et que, par conséquent, nous assisterions à un mouvement de bullish steepening, tiré par une détente de la partie courte de la courbe. Tout faux! Le bail de Powell a été renouvelé, point final! Circulez, il n’y a rien à voir! Le switch Clarida-Brainard est un non-événement. Dont acte.

Les chiffres du variant Delta étaient déjà, en eux-mêmes, plutôt inquiétants mais Omicron a eu l’effet d’un wake-up call pour les marchés.

Ensuite, nous avons eu droit à une série de statistiques économiques assez peu «bond friendly» avec un marché de l’emploi qui se porte plutôt bien (jobless claims à 199'000), une inflation toujours élevée (core PCE à 4,5%) et une consommation encourageante (personal spending à 1,3%). Enfin, s’ajoutant à la vague de variant Delta en Europe, le variant Omicron s’est invité pour Thanksgiving, gâchant la fin de semaine à Wall Street. Les marchés de taux ont aussitôt réagi: forte détente de la partie courte de la courbe (oubliées les trois hausses de taux de la Fed en 2022), belle détente du 10 et du 30 ans, passant respectivement sous la barre des 1,50% et des 1,85%. Les spreads de crédit, en toute logique, ont adopté un comportement similaire à celui de leurs cousins des marchés actions en s’écartant significativement.  

Le rally de fin d’année est-il vacciné?

Depuis près d’un mois, nous avons la conviction que tant que le COVID est une menace, les grandes banques centrales conserveront des politiques monétaires ultra-accommodantes. L’OMS a publié des mises en garde à plusieurs reprises mais les marchés ont feint de l’ignorer. Dans un même registre, la Fed a toujours placé le COVID en tête de ses préoccupations, à un rang supérieur à celui de l’inflation dans la hiérarchie de ses craintes à court-terme. Les chiffres du variant Delta étaient déjà, en eux-mêmes, plutôt inquiétants mais Omicron a eu l’effet d’un wake-up call pour les marchés. La liste des pays qui ferment leurs frontières s’allonge au fil des heures mais pour l’instant, aucun cas de COVID Omicron n’est encore signalé sur le sol américain. Doit-on déjà faire une croix sur le rally de fin d’année des marchés à risque (actions et spreads de crédit)? Non, bien sûr, car il suffirait que les fabricants de vaccins ARNm annoncent dans les dix jours qui viennent que les personnes ayant reçu deux ou trois doses sont correctement protégées contre Omicron et la fin d’année pourrait se dérouler finalement comme prévu…

Les économies sont encore convalescentes et croire qu’elles sont à l’abri de rechutes est un pari risqué.
Stratégie obligataire version Omicron

Nous vivons depuis seulement cinq jours avec cette épée de Damoclès Omicron au-dessus de la tête. Tout peut arriver au gré de nouvelles inquiétantes ou encourageantes. Les spreads de crédit étaient chers. Ils le sont un peu moins mais pas suffisamment pour déployer une stratégie offensive. Nous n’allons donc pas – en tout cas pour l’instant – modifier notre allocation en corporate bonds. Si la balance penche du côté des nouvelles encourageantes, nos spreads de crédit se porteront mieux et nous en détenons suffisamment. En revanche, si le sell-off continue suite à l’annonce de mauvaises nouvelles, nous pourrons regarder de nouveau du côté des dettes hybrides corporates afin de nous préparer pour un rebond de la classe d’actif courant 2022. 

Du coté des dettes gouvernementales, nous songions augmenter sensiblement la duration de nos portefeuilles avec du 30 ans US au-dessus de 2,05%. Compte tenu des événements récents, nous allons peut-être devenir moins gourmands et commencer à reprendre du long bond vers 1,95%. Que le variant Omicron soit une menace ou simplement une énième version des variants précédents, force est de constater que nous sommes loin d’en avoir fini avec le COVID. Les économies sont encore convalescentes et croire qu’elles sont à l’abri de rechutes est un pari risqué. La prudence est de mise et cette fin d’année s’annonce compliquée, avec plus de volatilité dans des volumes de transactions restreints. Les marchés détestent par-dessus tout l’incertitude et Omicron nous oblige de composer avec elle en cette fin d’année mouvementée.

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