Le 10 ans à 1,60% malgré le PCE Deflator

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Inflation encore et toujours

Nous avions titré il y a une semaine «Minutes du FOMC, même pas mal!» et il était très tentant de garder le même titre pour la chronique d’aujourd’hui en changeant juste le terme FOMC par le PCE Deflator. Lorsque le sujet de l’inflation revient sur la table, l’occasion est toute trouvée pour répéter - à juste titre - que l’indicateur préféré de la Fed est le Core PCE Deflator et qu’il faut attendre un rebond significatif de cet indice pour envisager un changement de ton de la banque centrale américaine. Vendredi après-midi, les marchés ont eu droit à une surprise: ils s’attendaient à une hausse de 2,9% en glissement annuel et ils ont eu droit à un magnifique +3,1%, soit la plus forte hausse enregistrée depuis 1992, franchissant de surcroît la barre symbolique des 3%. Résultat sur le marché des taux longs US: rien! Le 10 ans, qui oscillait entre 1,61% et 1,62% dans la matinée a même atteint 1,58% dans l’après-midi. 

Le taux réel à 30 ans, passé récemment
en territoire positif, s’affichait à -0,07% vendredi soir!

Certes, pour cause de Memorial Day, nous n’avons pas pu constater un quelconque effet «gueule de bois» hier. La plupart des commentateurs y ont vu une preuve de maturité et de sagesse des intervenants qui souscrivent au scénario de la Fed d’inflation temporaire. C’est sans doute vrai en grande partie mais nous ne pouvons pas nous ôter de l’esprit que la main de la Fed est derrière tout cela. A l’occasion de nombreuses conversations avec des clients, prospects, confrères (qu’ils soient gérants obligataires ou CIO, stratégistes, économistes), nous n’avons pas encore rencontré un seul interlocuteur qui pense que la hausse des taux longs américains est terminée. Tous se positionnent dans un scénario de poursuite du steepening. Ce Core PCE Deflator offrait une occasion en or pour valider une telle stratégie. 

Mais il y a pire (ou mieux suivant de quel côté nous nous plaçons): le taux réel à 30 ans, passé récemment en territoire positif, s’affichait à -0,07% vendredi soir! Dans ce cas précis, c’est plus clair et le conditionnel n’est plus de mise, il y a des achats de la Fed là-dessous. Nous avions mentionné depuis quelques semaines déjà que ceux qui s’amusaient à parier sur une hausse des taux longs réels allaient peut-être s’en mordre les doigts. Une fausse bonne idée par excellence: sur le plan économique et «intellectuel», les partisans d’une telle stratégie ont parfaitement raison mais en pratique, cela revient à affronter la Fed, un combat David contre Goliath perdu d’avance. Cela dit, si l’économie US poursuit son redressement sur un rythme élevé, la banque centrale pourrait lâcher du lest et laisser filer légèrement les taux longs réels mais à court terme, il y a sûrement beaucoup à perdre. Et pour qu’une telle stratégie fonctionne, il faudrait d’abord que ceux qui se sont positionnés pour une remontée des taux nominaux commencent à engranger des gains substantiels!

Des crédits toujours en mode TINA

Nous avons l’impression de répéter la même chose à chaque fin de mois: quel ennui sur le marché primaire! Nous avons tout de même apprécié la nouvelle émission TenneT mais c’est bien maigre, surtout par rapport à nos attentes de début d’année. Nous sommes toujours en mode TINA obligataire et dans ces conditions, nous poursuivons notre stratégie axée sur les crédits BBB-BB et sur la dette hybride (hors financières) que nous trouvons appropriée dans l’environnement actuel. Il s’agit d’investir dans des crédits à maturité 7-10 ans afin d’engranger des spreads plus rémunérateurs que sur le 3-5 ans et dans le même temps vendre des contrats futures 10 ans US Treasury. Ainsi, nous maintenons une duration entre 3,5 et 4 tout en achetant des dettes corporates 7-10 ans. 

Le proche dénouement de l’élection présidentielle au Pérou
sera un bon test pour la volatilité de certaines obligations sud-américaines.

Sur le marché des emprunts d’Etats, il n’y a toujours rien à faire et sur les marchés émergents, nous ne sommes toujours pas convaincus par les arguments qui poussent à revenir dès maintenant. Nous estimons que le risque est encore trop élevé, qu’il soit sanitaire, économique ou politique. Dans une semaine, nous saurons enfin qui est le nouveau président du Pérou. Ce sera un bon test pour la volatilité de certaines obligations sud-américaines. La victoire probable de Pedro Castillo, perçu comme un fils spirituel de Chavez bien qu’il s’en défende, ne devrait pas inciter les investisseurs à se ruer sur les dettes de cette partie du monde. Nous allons donc suivre avec intérêt le résultat de l’élection mais surtout la politique menée par le nouveau président, pas forcément identique à celle de son programme d’ultragauche. On nous promet souvent le pire mais rappelez-vous de l’accession au pouvoir de Lula au Brésil (élu le 27 octobre 2002 pour une prise de fonction le 1er janvier 2003): la fin du monde tant redoutée n’a pas eu lieu et les corporates brésiliens ont survécu. Et plutôt bien pour certains d’entre eux!

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