Tension sur les hybrides corporates

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Emploi US: la douche froide

Vendredi, les chiffres de l’emploi, pas si mauvais que cela dans l’absolu mais tellement éloignés des attentes de marché, nous ont remis les pieds sur terre. L’économie US est certes sur les bons rails mais toujours en convalescence. Avec 266’000 créations d’emplois (contre 1 million attendues) et avec un chiffre de mars révisé de +916'000 à +770'000 nous sommes tombés de haut. Du coup, le taux de chômage, censé passer de 6% à 5,8% est remonté à 6,1%. Soyons clairs: si on nous avait dit il y a un an que nous atteindrions ces niveaux aujourd’hui, nous aurions été ravis. Mais, comme le soulignait Jay Powell, la route est encore longue pour retrouver les niveaux d’avant-COVID. 

Pourtant, mais cela ne surprend plus personne, Wall Street a eu l’air d’apprécier: plus les nouvelles sont mauvaises, plus la Fed restera dovish et les marchés peuvent continuer de monter jusqu’au ciel. Les taux longs n’ont guère bougé si l’on exclut les quelques minutes de stupéfaction à la publication des chiffres. Le 10 ans a plongé de 10 points de base sur la nouvelle, de 1,57% à 1,47% mais hier matin il se traitait de nouveau à 1,60%. 

L’objectif de la Fed peut se résumer en quelques mots:
un tapering mais sans taper tantrum!

On aurait pu imaginer un peu plus d’enthousiasme sur la pente de la courbe US car de tels chiffres (attendons tout de même la confirmation dans un mois) devraient logiquement repousser de quelques semaines l’annonce d’un futur tapering. Cette déception sur le front de l’emploi nous incite donc à privilégier le meeting de Jackson Hole cet été comme tribune adéquate pour Jerome Powell dans sa stratégie de communication sur ce délicat sujet. L’objectif de la Fed peut se résumer en quelques mots: un tapering mais sans taper tantrum! 

Ce que nous avions évoqué mardi dernier s’est également confirmé: les taux longs réels sont de plus en plus illisibles et le 30 ans TIPS à -0,06% hier peut dire merci à la Fed et à ses achats massifs. Avec un breakeven d’inflation à 30 ans proche de 2,30%, il n’y a rien à espérer sur ce marché. Les TIPS sont très chers mais vouloir jouer une remontée des taux réels s’apparente à provoquer la Fed dans un affrontement dont le vainqueur est connu d’avance. Sur les taux nominaux, le bref passage vendredi à 1,47% pourrait ouvrir la voie vers une détente au-dessous de 1,5% dans les jours qui viennent. Ce serait une occasion pour nous de réduire notre risque de duration.

Spreads de crédits sous pression

Les obligations hybrides n’ont pas passé une bonne semaine. Nous sommes loin du sell-off mais il s’agit de bien étudier ce phénomène afin d’en dégager des opportunités d’investissement. Certains titres ont baissé en ce début de mois et leur dette hybride a réagi. Par exemple, si l’action Volkswagen a corrigé de -2,20% sur six jours, le rendement de son hybride (call juin 2028) est passé de 2,24% à 2,38% (+14bp). Dans le même temps, les taux allemands à 7 ans n’ont pratiquement pas bougé: pour être précis, ils ont même baissé de -0,36% à -0,38%. Il s’agit donc bien d’un écartement de spread. Nous pourrions multiplier les exemples comme Veolia (-3,1% en bourse et 7 bp de hausse de rendement sur l’hybride call janvier 2029). 

A l’intérieur de la poche hybride,
nous allons sans doute augmenter le risque de crédit.

Notre portefeuille hybride en euros a corrigé de -0,38% sur la semaine. S’agit-il d’un début de retournement de ce marché? Il était devenu cher et la plupart des recherches crédits des grandes banques d’investissement corroboraient notre analyse: le spread moyen du marché était passé récemment de «fair value» à «unattractive». Nous allons désormais regarder dans deux directions: petit à petit, en accompagnant le mouvement de repricing de la classe d’actifs, nous allons songer à augmenter le poids des hybrides dans nos portefeuilles globaux. Ensuite, à l’intérieur de la poche hybride, nous allons sans doute augmenter le risque de crédit en réduisant le poids de certains low-beta au profit de profils plus agressifs ayant plus souffert. 

Sentant le vent tourner, nous avions également légèrement diminué la part des hybrides au profit de ce que nous avions nommé les «rising stars 2022» (voir notre chronique de mardi dernier). Nous n’abandonnons pas cette idée et l’augmentation de notre poche hybride se fera au détriment de l’Investment Grade classique. Enfin, mais ce n’est pas la première fois que nous le mentionnons, nous sommes toujours déçus et frustrés par la pauvreté de l’offre en marché primaire: rien d’intéressant à se mettre sous la dent. Espérons que d’ici fin juin nous trouverons de nouvelles émissions intéressantes susceptibles de nous faire changer d’avis.

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