Minutes du FOMC, même pas mal!

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
 
Tapering en vue?

On va essayer de faire simple pour y voir plus clair: les semaines paires, on dira que les marchés se focalisent sur les craintes d’inflation et les semaines impaires sur les craintes de tapering! Plus sérieusement, alors que les débats (parfois enflammés) sur l’inflation redoublaient d’intensité à la suite de la publication d’un CPI au-dessus des attentes de marché, voilà que les minutes du dernier FOMC nous apprennent que certains membres de la Fed désirent ouvrir rapidement le débat sur la diminution des achats d’actifs de la banque centrale. La politique monétaire actuelle n’est pas remise en cause mais le sujet du tapering revient sur le devant de la scène. Résultat sur les taux longs? Même pas mal! une petite réaction épidermique a eu lieu au lendemain de la publication de ces minutes mais tout est rapidement rentré dans l’ordre. 

Les taux longs US devraient poursuivre leur mouvement haussier
mais attention à ne pas vendre la peau de l’ours trop vite.

On a clairement l’impression que tout le monde s’attend à ce que les taux longs US montent mais que ces derniers rechignent à amorcer une correction et prennent même un malin plaisir à nous défier. Comme par exemple quand le Bitcoin entraîne les cryptos dans son revers spectaculaire et provoque une détente inattendue du 10 ans US. Alors oui, les taux longs US devraient probablement poursuivre leur mouvement haussier mais attention à ne pas vendre la peau de l’ours trop vite. Un ours qui se dit bear en anglais: la transition est un peu facile mais nous saisissons l’occasion pour constater que l’on sent un essoufflement sur le marché des actions. Cela pourrait nous jouer des tours sur les marchés de taux si l’on a shorté trop rapidement. Cela dit, pour tempérer ce propos, une éventuelle correction à Wall Street ne serait pas forcément bonne pour les obligations du Trésor US car la corrélation taux long-actions est inhabituellement élevée aujourd’hui. Ce phénomène n’est d’ailleurs pas nouveau et il est tout à fait classique dans un scénario où le sujet central est l’inflation que les deux marchés évoluent de concert.

Hybride Lufthansa «zéro coupon»

«Mayday, maday» serait-on tenté de dire pour le coupon de l’hybride Lufthansa (4.382% tout de même) qui ne sera pas payé cette année. Certes, comme les coupons d’hybrides sont cumulatifs, ce paiement d’intérêts n’est que différé mais cet événement fait figure de bonne piqûre de rappel. Que s’est-il passé? Tout simplement, le Board de la compagnie aérienne a décidé de suspendre le paiement du coupon de son hybride tant que les aides gouvernementales perçues en 2020 pour soutenir Lufthansa n’ont pas été remboursées. Cette décision logique était inévitable car la Commission européenne est très claire sur le sujet: tant que les mesures de recapitalisation dans le cadre du COVID-19 n’ont pas été remboursées, les sociétés bénéficiaires ne pourront pas verser de dividendes ni payer des coupons «non-mandatory» ni procéder à des share-buybacks. 

Plus que jamais, la dette hybride est une affaire de spécialistes.

Les coupons d’hybrides pouvant être différés, ils sont considérés comme «non-mandatory». Avis aux détenteurs d’hybrides Air France-KLM! Il n’y a donc rien de choquant ou d’exceptionnel dans cette affaire somme toute banale. Nous y voyons surtout une formidable occasion pour rappeler les trois critères fondamentaux qui sont la clé de voûte de notre gestion en crédits hybrides:

  • Premièrement, exclure toutes les obligations qui ne sont pas notées par Standard & Poor’s
  • Ensuite, investir exclusivement en dette hybride de sociétés dont la dette senior est en catégorie Investment Grade
  • Enfin, troisième critère, le plus difficile: avoir la conviction, après une analyse crédit approfondie, que la dette senior de la société sera toujours Investment Grade à la date du premier call (et en cas de doute une fois l’obligation achetée, la vendre immédiatement)

La dette senior de Lufthansa est notée BB- par S&P et Ba2 par Moody’s qui est légèrement moins sévère. En 2019, c’était l’inverse puisque S&P attribuait un BBB à la compagnie aérienne allemande tandis que Moody’s lui donnait un Baa3, dernière note avant un basculement dans la catégorie junk. Par conséquent, tout investisseur qui aurait suivi nos trois piliers d’investissement n’aurait jamais pu acheter ce titre et s’il l’avait tout de même fait dans un moment d’égarement, il l’aurait revendu en 2019. Nous n’avons pas la prétention de détenir un savoir-faire exceptionnel: tous nos confrères utilisent plus ou moins ces trois critères et les différences entre nous se nichent dans les détails. Plus que jamais, la dette hybride est une affaire de spécialistes et il est préférable de faire confiance à un gérant plutôt que de tenter de faire soi-même son bond picking… sous peine de se retrouver avec zéro coupon!

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