Au tour (de vis) de la BCE

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
8,1% d’inflation

Les projections d’inflation de la BCE, certes susceptibles d’être révisées jeudi, s’élèvent à 8,1% en 2022 puis 5,5% en 2023 et 2,3% en 2024. Cette guerre contre la hausse des prix est censée être pratiquement gagnée en 2024 en ayant évité une récession (croissance à +0,9% en 2023 et +1,9% en 2024) et sans grave détérioration du taux de chômage (6,7% en 2022, 6,9% en 2023 et 7% en 2024). Ce tableau semble idéal mais sans doute improbable. La BCE va augmenter son taux Refi à 2% et son taux de dépôt à 1,5% jeudi mais cette hausse spectaculaire la maintiendra largement «behind the curve». Son spread de taux directeurs avec celui de la Fed ne tiendra vraisemblablement que huit petits jours si, comme nous l’attendons, Jay Powell annonce un taux Fed funds à 3,75%-4% le 2 novembre.

Symbole des différences profondes entre les économies des Etats-Unis et de la zone euro, la courbe allemande n’est pas inversée comme son homologue des US Treasuries.

Les incertitudes nombreuses entourant l’économie de la zone euro nous ont rajeuni de plus de dix ans : depuis quand le rendement du Bund 10 ans n’avait pas atteint 2,5%? le 8 août 2011. Symbole des différences profondes entre les économies des Etats-Unis et de la zone euro (et par ricochet, entre les politiques des banques centrales), la courbe allemande n’est pas inversée comme son homologue des US Treasuries. Si le taux américain à 2 ans s’élève à environ 4,5%, le Schatz allemand atteint péniblement 2%. Le niveau pivot de la BCE sera-t-il largement inférieur à celui de la Fed? Aurons-nous droit à un Quantitative Tightening agressif en Europe? Comme c’est devenu la règle depuis plus d’un an, ce sont les mots qui seront utilisés par Madame Lagarde jeudi qui retiendront notre attention, les jeux étant quasiment faits du côté de l’annonce de hausse de taux. Si nous émettons de sérieux doutes quant à la capacité de la Fed à juguler l’inflation sans faire plonger l’économie US en récession, que dire de la BCE? Le pari semble perdu d’avance.   

Taux longs US: et le 20 ans?

Il y a une semaine, nous affirmions notre conviction de revoir tôt ou tard les taux longs US Treasuries proches de 3,5% mais que nous devions patienter car à court terme, ils avaient plus de chances de repasser au-dessus de 4%. Nous ne pensions pas si bien dire et nous avons été servis. Le 10 ans et le 30 ans ont culminé à respectivement 4,33% et 4,38% vendredi après-midi et s’ils redescendaient légèrement hier, ils ne sont pas prêts de se stabiliser. Il est sans doute urgent de ne rien faire en attendant patiemment une éventuelle correction supplémentaire aux alentours de 4,5%. Les marchés attendent le FOMC du 2 novembre car ils commencent à se laisser influencer par les thèses qui estiment le taux pivot à un niveau bien plus élevé que celui qui est attendu par le consensus aujourd’hui. Notre conviction n’a pas changé: si la Fed joue au jeu de l’ultra-hawkish, la récession sera d’autant plus brutale et le retour des taux longs vers 3,5% d’autant plus plausible.

En imaginant le 30 ans à 4,5%, nous pourrions bien assister au rebond du 20 ans jusqu’à 4,8%.

Investir en taux longs US au-dessus de 4,5%, c’était pourtant possible au cours de la semaine dernière. Il suffisait de regarder le trop délaissé 20 ans qui a même atteint 4,63% au plus fort du bear market de vendredi. Nous avons déjà investi en 20 ans (en switch contre du 30 ans à duration constante). Nous allons poursuivre cette stratégie si la correction se poursuit. En imaginant le 30 ans à 4,5%, nous pourrions bien assister au rebond du 20 ans jusqu’à 4,8%. Toutefois, rechercher à tout prix le point haut de la courbe ne peut pas constituer une politique de gestion en soi. Elle n’est pas infaillible. Cette «bosse» observée sur la courbe aux alentours de 20 ans (regardez le Treasury 3% 15 novembre 2044, notre préféré!) est la conséquence de la nature de ces investissements: une partie de la courbe qui n’intéresse pas grand monde, qui est donc moins liquide, qui n’est pas un benchmark avec son lot de dérivés futures et options qui lui sont propres…etc… Il est donc probable que dans un futur bull market que nous attendons pour 2023, cette bosse perdurera. Nous investissons donc à la marge sur ce point de courbe en espérant simplement que le spread entre le 20 ans et les deux stars qui l’entourent, le 10 et 30 ans, se réduise sensiblement sans toutefois disparaître. Il s’agit de l’une de nos micro-stratégies censées redonner des couleurs à nos performances en début d’année prochaine. Ni plus, ni moins!

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