Fed: les faucons n’ont pas dit leur dernier mot

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Un FOMC frustrant

Une question du «quick poll» de Goldman Sachs a tout particulièrement retenu notre attention: d’après vous, quel sera le premier FOMC sans hausse de taux? Nous avons répondu sans grande conviction le 22 mars 2023 mais nous pouvons tout à fait avoir droit à quatre hausses supplémentaires de 25 points de base chacune et dans ce cas, la bonne réponse serait le 14 juin! Jerome Powell ne nous a pas beaucoup aidés mercredi dernier mais il a sans doute fait de son mieux. Une certitude: la Fed ne sait pas trop où elle va et devra naviguer à vue en constatant, mois après mois, la décrue des chiffres d’inflation.

Le cycle de hausses de taux est loin d’être terminé mais le rythme effréné de 75bp à chaque meeting sera sans doute revu à la baisse. Faut-il en déduire que nous sommes proches du pivot? Pas du tout! Les principaux messages délivrés par la Fed sont les suivants: l’inflation est encore très élevée, l’économie tient le coup, les chiffres de l’emploi sont bons et par conséquent rien ne va freiner la banque centrale dans sa lutte contre la hausse des prix.

Le président de la Fed a mentionné sa volonté toujours farouche de diminuer la taille de son bilan mais il a omis de quantifier de manière précise l’impact du Quantitative Tightening.

Jay Powell a souligné que les membres du FOMC étaient conscients de l’effet retard de ces hausses de taux en termes d’impact dans l’économie réelle et que ce «lag», difficile à évaluer, doit être pris en compte. Il a également mentionné sa volonté toujours farouche de diminuer la taille de son bilan mais il a omis de quantifier de manière précise l’impact du Quantitative Tightening. A la fin de la séance avec les journalistes, Jay Powell a répondu par l’affirmative à deux courtes questions. Le risque de récession est-il plus grand aujourd’hui? Oui. L’espoir d’assister à un soft landing est-il toujours possible? Oui mais ce sera plus compliqué.

Selon nous, à partir du moment où rien de concret n’est annoncé du côté du QT, la solution la plus souhaitable serait un +50bp le 14 décembre et +25bp le 1er février avant une pause pour évaluer les premiers effets du tightening un peu moins d’un an après la première hausse de 25bp du 16 mars 2022. Au risque de paraître pour de vieux radoteurs, nous réaffirmons que le jour où la Fed stoppera sa politique de hausse de taux, elle ne restera pas inactive pour autant car continuer de réduire la taille de son bilan à hauteur de 95 milliards par mois est tout sauf anodin.

NFP, mid-terms et CPI

Cette semaine va être plutôt chargée et elle a déjà commencé vendredi dernier avec les chiffres de l’emploi, les NFP, qui ont surpris par leur vigueur. Nous n’allons pas nous attarder trop longtemps sur le taux de chômage qui passe de 3,5% à 3,7%, tout le monde connait son mode de calcul et sa fiabilité toute relative. Ce qui a le plus étonné, c’est le chiffre de créations d’emplois, 261'000, alors que les marchés s’attendaient à passer sous la barre des 200'000. Mais ce n’est pas tout puisque les 263'000 créations du mois précédent ont été révisées à +315'000! Nous sommes donc encore très loin des 150'000, considérés généralement comme un signe avant-coureur d’un retournement du marché du travail.

Désormais, tous les yeux seront rivés sur le CPI d’après-demain pour savoir si (enfin) le CPI passe sous la barre des 8% et le CPI hors alimentation et énergie sous les 6,5%. Si les chiffres d’inflation déplaisent aux marchés, ils réagiront sur le coup mais se rassureront en se disant que ce n’est pas si grave puisque la Fed regarde le PCE Deflator.

Avec quatre hausses consécutives de 75bp chacune, la banque centrale américaine ne pouvait guère être plus hawkish.

Personne n’aura oublié que nous sommes aujourd’hui le 8 novembre et qu’entre les NFP de vendredi et le CPI d’après-demain, une élection majeure va se dérouler. Les Démocrates auront tout fait pour minimiser l’impact de l’inflation dans l’opinion et ce serait faire preuve de mauvaise foi de leur part d’accuser la Fed de ne pas les avoir aidés. Avec quatre hausses consécutives de 75bp chacune, la banque centrale ne pouvait guère être plus hawkish. Une fois «débarrassée» de cette échéance politique, la Réserve fédérale pourra faire un peu plus de fine tuning.

Sur les marchés obligataires, cela signifie que la partie courte de la courbe (2-5 ans) peut encore être chahutée mais que sur les taux longs, il va sans doute falloir bientôt passer à l’action. Les crédits de bonne qualité à duration courte ont toujours notre préférence mais si les Treasuries 3-4 ans n’ont pas encore atteint leur point culminant, nous pourrons emmagasiner de meilleurs rendements dans notre gestion corporate bonds. Le dire c’est bien mais le faire c’est mieux: il reste un obstacle de taille dans ces marchés de gré à gré car une fois la bonne cible identifiée, il faut non seulement la trouver (nous refusons systématiquement de traiter les short offers) mais de surcroît au prix indiqué sur nos écrans. Ce n’est pas une mince affaire. A cette époque de l’année, nous avons coutume de dire que les marchés de crédits se mettent en trêve de fin d’année dès Thanksgiving mais en 2022, cela pourrait nous arriver bien plus tôt.

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