CPI et PPI: qui a raison?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Des doutes sur l’inflation  

En début de semaine, le 10 ans s’est maintenu à 4% alors que les débats autour de l’inflation redoublaient d’intensité. Va-t-on finalement se rapprocher lentement mais sûrement de ce fameux niveau de 2%? Allons-nous assister à un «second round effect» du taux d’inflation? Par conséquent, les marchés de taux et la Fed continuent de se quereller: les premiers anticipent cinq ou six baisses de taux en 2024 lorsque la banque centrale n’en indique que trois. Des membres éminents du FOMC nous préparent à un statuquo pour le 20 mars mais 92% des intervenants attendent un premier assouplissement.

Durant toute l’année 2023, nous nous sommes demandés pourquoi tout le monde parle de taux Fed funds et personne du Quantitative Tightening (QT). C’est chose faite! De nombreuses voix s’élèvent pour connaitre les intentions de la Fed. Ce serait un bon moyen de réconcilier deux visions pour l’instant incompatibles (six baisses de taux contre trois) et la Fed serait bien inspirée de communiquer sur le sujet QT dès le prochain FOMC le 31 janvier. En effet, les marchés pourraient tout à fait modérer leurs anticipations de détente des taux «en échange» d’un ralentissement du QT. Au 10 janvier, la taille du bilan de la Fed s’établissait à 7'687 milliards de dollars, contre 8'508 milliards début janvier 2023. La décrue est donc faible et lente, très loin des 4'000 milliards de la période pré-covid. Ce que les marchés attendent, c’est un peu plus de visibilité.

Magnifique! Nous nous rapprochons de 2% d’inflation, les taux peuvent se détendre et la Fed pourra enfin conduire une politique réellement dovish.

Ce ne sont pas les chiffres de jeudi et vendredi qui ont pu nous aider à y voir plus clair. Le CPI de jeudi était plus élevé qu’attendu, avec un +0,3% pour le mois de décembre soit +3,4% YoY (on attendait +3,2%). Ce n’était pas mieux du côté du core CPI avec +0,3% également MoM soit +3,9% YoY. Autant dire que ces chiffres étaient décevants car plutôt loin de l’objectif de 2%. Jeudi après-midi, le 2 ans US s’est donc rapproché de 4,40% tandis que le 10 ans franchissait 4,06% et le 30 ans flirtait avec 4,25%. Vingt-quatre heures plus tard, virage à 180 degrés! Le PPI était très bien orienté, avec un -0,1% MoM, +1% YoY ainsi qu’un core s’élevant à 0% MoM et +1,8% YoY. Magnifique! Nous nous rapprochons de 2% d’inflation, les taux peuvent se détendre et la Fed pourra enfin conduire une politique réellement dovish. Avant un long week-end de trois jours, le 2 ans a donc pu terminer la semaine à 4,15%, le 10 ans à 3,93% et le 30 ans à 4,17%, ce qui est un vrai soulagement pour ce dernier car les marchés craignaient un mauvais déroulement de la première adjudication de l’année jeudi soir, ce qui n’a pas du tout été le cas!

Un marché primaire très bien entouré.

Un seul exemple suffit à résumer l’ambiance sur les marchés de crédits. Iberdrola est venu sur le marché primaire hybride avec une nouvelle émission dont nous estimions le rendement à environ 5,5%. Dans un premier temps, le coupon a été envisagé à 5%, ce qui correspondait à un spread de seulement 190 points de base au-dessus de la dette senior, un strict minimum afin de rémunérer correctement le niveau de subordination de l’hybride! Compte tenu de la demande, 3,4 milliards d’euros pour une émission de 700 millions, le coupon final a été fixé à 4,875%. La tendance est donc excellente sur ce marché, ce qui peut paraître surprenant au premier abord car en général, il y a souvent moins d’appétit pour une classe d’actifs obligataire lorsqu’elle a délivré une performance proche des deux chiffres l’année précédente. Mais l’appétit est là, le cash est abondant et les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux hybrides (une manière d’avoir une légère exposition en actions sans acheter des actions). Les investisseurs spécialisés en hybrides savent également que l’offre en primaire cette année ne sera pas abondante et compte tenu des remboursements prévus, le solde net sera mince. Toute occasion sera donc bonne à saisir.

Un dernier mot concernant les REITS hybrides dont nous avons évoqué le rebond mardi dernier: ce n’est plus un rebond mais un envol vers la stratosphère. Trois exemples illustrent ce rally exceptionnel: 

  • Heimstaden Bostad 3,248% call 2025 cotait 52 en fin d’année, 65 hier soir.
  • CPI Property 4,875% call 2025 valait 29 fin 2023 (23 en novembre), 44 hier.
  • Grand City Properties 1,5% call 2026: de 45 à 52 depuis le début de l’année.

Ces rebonds spectaculaires doivent maintenant être confirmés par une politique monétaire accommodante hyper agressive de la part de la BCE (et de la Riksbank pour les émetteurs suédois). Il s’agit donc d’un pari très risqué basé sur une récession marquée en Europe, forçant les banques centrales à agir rapidement et fortement, «sauvant la vie» de ces émetteurs en situation plus que délicate. Avis aux amateurs…éclairés! 

A lire aussi...