Une réponse européenne fragmentée à l’IRA

Guillaume Chieusse, ODDO BHF AM

2 minutes de lecture

Pour faire avancer la «Green Tech» en Europe, il faudrait environ 50 milliards d'euros de subventions par an.

© Keystone

L'Inflation Reduction Act (IRA) est une loi américaine promulguée en août 2022, visant à lutter contre l'inflation en investissant dans la production d'énergie domestique tout en promouvant l'énergie propre. En effet, après avoir été longuement critiqués pour leur inaction, les Etats-Unis ambitionnent de prendre la tête de la lutte contre le réchauffement climatique, en réduisant leurs émissions carbones de 40% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005. Au programme, près de 400 milliards de dollars d’incitations fiscales à la production d’énergie verte, ciblant particulièrement les véhicules électriques, les panneaux solaires et le stockage. Cependant, de telles incitations risquent de mettre à mal la compétitivité européenne des technologies vertes, provoquant une réponse immédiate de la Commission Européenne que l’on pourrait qualifier d’IRA Européenne.

L’ampleur mais aussi la rapidité de la mise en place de l’IRA aux États-Unis est à juste titre perçue comme une mesure protectionniste de la part des États-Unis par l’Europe. Face à des telles initiatives il faut s’attendre à une réaction comparable venant des autorités européennes afin que la zone reste compétitive et maintienne son avance relative. Pour faire avancer la «Green Tech» en Europe, il faudrait environ 50 milliards d'euros de subventions par an.

Quatre axes pour réponse

Le «Net-Zero Industry Act» qui vise à ce que l’Europe couvre localement 40% de ses besoins en technologies propres (panneaux solaires, électrolyseurs, turbines pour éoliennes). Ce plan, actuellement examiné par le Parlement, permettrait une simplification et une accélération des obtentions de permis industriels «verts» (solaire, éolien, géothermie, biogaz, stockage). Il vise également à faciliter leurs financements, et formalise la prise en compte de critères environnementaux au sein des appels d’offres publics.

Le «Critical Raw Materials Act» vise à sécuriser les approvisionnements en matières premières critiques (nickel, cobalt, cuivre). Le but est de s’affranchir de toute dépendance en matière première, avec pour objectif 2030: 10% d’extraction locale, 40% de production locale, et une dépendance maximale de 65% vis-à-vis des importations d’un seul pays tiers. Ce dernier seuil est significatif, quand on sait que l’Europe dépend actuellement à 97% de la Chine pour ses besoins en magnésium.

Le plan «Electricity Market Design» qui vise à réformer la conception du marché de l’électricité de l’UE, pour motiver l’utilisation des énergies renouvelables et l’abandon progressif du gaz. Il encourage notamment les contrats long terme pour garantir la stabilité des prix.

La création d’une «Banque Européenne de l’Hydrogène»: un acteur de mise en relation des producteurs et clients d’hydrogène «vert». Son principe consiste en la mise en enchère d’hydrogène, en garantissant de couvrir la différence entre le prix d’achat et le coût de production. Ce plan propose un objectif de 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable par an dans l’UE d’ici 2030.

Le secteur des énergies renouvelables est logiquement un bénéficiaire direct de ces futures directives européennes. Cette tendance sera probablement encore revue plusieurs fois à la hausse, à mesure que les états membres de l’UE déploieront leurs propres aides locales.

Un exemple d’initiative européenne

Les objectifs de l'UE en matière de batteries sont plus modestes que prévus et les subventions restent floues par rapport à celles des États-Unis. Toutefois, une aide au niveau de l'État est très probable, au moins pour les investissements dans les batteries, ce qui aidera les équipementiers nationaux à lutter contre les importations en provenance des États-Unis et de Chine. En fin de compte, la baisse des coûts se répercutera sur les prix des véhicules électriques, ce qui exercera également une pression pour les producteurs européens mais qui permettra une meilleure adoption de cette mobilité plus douce.

Comme mentionné plus tôt, un autre axe fondamental des mesures européennes concerne l’approvisionnement local, notamment en ressources minières pour batterie. Cependant, si les projets d’extraction s’en retrouvent facilités, les délais de production seraient de l’ordre de 20 ans suivant la réglementation. Le doute subsiste donc concernant une extraction européenne (objectif de 10% en 2030). Néanmoins, les industries de traitements en aval ne connaissent pas cette contrainte, ce qui laisse entrevoir de belles opportunités pour des entreprises comme Imerys qui pourrait devenir le 1er fournisseur européen de lithium (un élément dont dépend fatalement l’industrie des véhicules électriques).

A lire aussi...