UE: le Conseil fédéral procrastine

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Le dossier européen s’enlise jusqu’aux élections – il faudra ensuite aller de l’avant sans retard ni crainte!

Comme annoncé il y a trois mois, le Conseil fédéral a approuvé le 21 juin 2023 les grands axes d’un mandat de négociation avec l’Union européenne (UE). Mais toutes les questions ne sont pas encore réglées, loin de là! C’est pourquoi la phrase suivante du communiqué officiel n’est pas des plus réjouissantes: «Si les discussions avec l’Union européenne et les travaux internes continuent d’avancer de manière satisfaisante, le Conseil fédéral se préparera d’ici la fin de l’année à l’adoption d’un mandat de négociation.»

Tout d’abord, rien ne dit que les discussions techniques avec l’UE «avanceront de manière satisfaisante», même si c’est peut-être la partie la plus facile. L’UE veut être sûre que la Suisse ira cette fois jusqu’au bout des négociations si celles-ci sont rouvertes. Les «travaux internes» sont au moins aussi exigeants: autant le signal positif et unanime de tous les cantons en faveur des accords bilatéraux était réjouissant en mars dernier, autant il est déprimant de voir que les syndicats continuent leur obstruction infondée. Le départ de la Secrétaire d’Etat Livia Leu à fin août confirme que rien ne se passera avant les élections fédérales, même si les aspects de droit du travail dépendent aussi du Seco.

Quant à se «préparer à l’adoption d’un mandat de négociation», cela signifie rédiger un projet, suffisamment précis, qui doit être approuvé par les Commissions compétentes du Parlement fédéral, avant d’être adopté par le Conseil fédéral. Les négociations avec l’UE commenceront donc au plus tôt en 2024. Or au printemps prochain ont lieu des élections européennes, qui aboutiront à la mise en place d’une nouvelle Commission européenne. L’objectif annoncé en mars dernier par M. Šefčovič de conclure les négociations avant l’été 2024 paraît ainsi déjà compromis.

Les banques privées aussi soutiennent, et depuis le début, une clarification rapide des relations de la Suisse avec l’UE.

Pourtant, comme l’écrit économiesuisse, «le temps presse. Sans une normalisation et sans sécurité juridique dans nos relations avec notre principal partenaire commercial, la voie bilatérale menace de s’éroder davantage.» Et cette érosion a bel et bien commencé il y a deux ans, après la rupture des négociations sur l’accord cadre, comme continue de l’analyser Avenir Suisse. Seulement, «l’érosion insidieuse génère trop peu de pression pour inciter la politique à prendre résolument le dossier européen en main.»

Les banques privées aussi soutiennent, et depuis le début, une clarification rapide des relations de la Suisse avec l’UE. Certains dossiers comme un nouvel accord sur l’électricité ou la participation de la Suisse aux programmes de recherche et d’éducation de l’UE sont d’une importance cruciale pour notre pays. Les banques estiment aussi que leur demande relative à l’accès aux clients privés de l’UE pourrait tout à fait être discutée dans le cadre des futures négociations, puisqu’elles sont d’accord de régler les questions institutionnelles dans le sens de l’UE.

Il ne faut d’ailleurs pas avoir peur de la reprise dynamique du droit et du règlement des différends demandés par l’UE. La Suisse le fait déjà depuis plus de vingt ans, ayant mené une politique d’adaptation autonome au droit de l’UE, sans provoquer plus que quelques votations populaires. Et celles-ci ont toujours été favorables aux règles de l’UE! Par son comportement, la Suisse, et en réalité les syndicats, font penser à une mariée qui voudrait s’assurer dans son contrat de mariage qu’il n’y aura pas de divorce… Pourtant, dans son rapport du 9 courant sur les relations avec l’UE, le Conseil fédéral précise bien en page 51: «Les deux parties reconnaissent en outre la nécessité de conserver toutes les exceptions prévues dans les actuels accords sur le marché intérieur.»

En prenant encore plus de recul, il faut se rendre compte que de par sa situation géographique, la Suisse a tout intérêt à une relation harmonieuse avec l’UE, même si elle ne souhaite pas en faire partie. Celle-ci défend en effet les mêmes valeurs, partage la même histoire et la même vision démocratique que notre pays. A l’heure où les tensions se cristallisent et où les blocs géopolitiques se multiplient, la Suisse serait bien inspirée de ne pas faire cavalier seul. Comme l’écrit le Conseil fédéral à la fin de son rapport: «il faut être prêt à faire des compromis, faire preuve de pragmatisme et rechercher activement des solutions».

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