Credit Suisse: le besoin de comprendre

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Le Parlement doit tirer au clair si les règles actuelles sont insuffisantes ou n’ont pas été appliquées.

La poussière commence à retomber autour du sauvetage de Credit Suisse. Lorsqu’au soir du 15 mars, la Finma annonce que «Credit Suisse satisfait aux exigences réglementaires en matière de fonds propres et de liquidités» et que la BNS met 50 milliards de francs de liquidités à sa disposition, on aurait pu croire que le pire était passé. En réalité, il ne faisait que commencer. Et lorsque quatre jours plus tard, les autorités annoncent qu’UBS rachète Credit Suisse pour 3,25 milliards, c’est chaque citoyen suisse qui a été meurtri dans son identité.

Le Parlement va certainement décider d’instituer une commission d’enquête parlementaire pour éclaircir les faits. C’est une bonne chose, tant il est nécessaire de comprendre qui savait quoi à quel moment avant de tirer des conclusions. Mais les autorités et les deux banques concernées devraient aussi se livrer à leur propre introspection, puisque personne ne veut voir un tel scénario se répéter.

Ce que l’on sait déjà, c’est que Credit Suisse s’est vue prêter jusqu’à 250 milliards de francs de liquidités par la BNS, dont c’est le rôle en tant que «prêteur de dernier recours». Seuls les derniers 100 milliards font l’objet d’une garantie de la Confédération – c’est le fameux «Public Liquidity Backstop», qui fait l’objet d’une consultation éclair pour l’introduire plus vite que prévu dans le droit ordinaire. A noter qu’une telle garantie ne coûte rien à l’Etat tant que les liquidités sont remboursées; au contraire la Conseillère fédérale Keller-Sutter a annoncé vendredi passé que la Confédération avait déjà été payée plus de 100 millions par Credit Suisse et qu’il ne restait plus que 5 milliards de liquidités garanties à rembourser.

On ne peut pas réglementer contre une panique bancaire.

Les réactions politiques suite à la débâcle du Credit Suisse n’ont pas manqué, de la part de tous les partis – nous sommes en année électorale après tout. Les sujets qui ont été le plus discutés concernent l’augmentation des fonds propres des banques d’importance systémique et leur système de rémunération. Le Conseil national a accepté lors de sa session spéciale au début de ce mois deux motions de 2021 sur ces sujets. Même si les banques privées ne comptent pas d’institut d’importance systémique parmi leurs membres, certains points devraient quand même être rappelés.

Credit Suisse n’a pas eu de problèmes de solvabilité, elle disposait de suffisamment de fonds propres pour absorber les pertes qu’elle réalisait, en tout cas d’après ses comptes. Sa chute est venue de retraits massifs de fonds, car ses clients au vu des événements ont eu peur pour eux. C’est donc un manque de liquidités qui a provoqué la fin de Credit Suisse, car au-delà d’un certain niveau les fonds des clients sont prêtés ou investis dans des instruments qui ne peuvent pas être réalisés immédiatement. Même si elle avait eu deux fois plus de fonds propres, cela n’aurait rien changé à l’issue des événements – sauf à considérer que cela aurait suffi à rassurer les clients. Mais on ne peut pas réglementer contre une panique bancaire. En outre, exiger d’UBS des fonds propres à hauteur de 15% de son bilan reviendrait à lui faire lever plus de 100 milliards de francs de capital. Qui les fournirait?

S’agissant des rémunérations, la motion acceptée par le Conseil national – et une motion similaire est à l’ordre du jour du Conseil des Etats cette session – voudrait interdire le versement de primes aux étages supérieurs de la hiérarchie. Pour les banques privées, il paraît naturel qu’une prime ne soit versée que si un bénéfice est réalisé par l’entreprise et que les plans de participation soient bloqués plusieurs années et ne soient débloqués qu’en l’absence de pertes. Mais l’interdiction totale de primes ou leur plafonnement ne feraient que limiter la liberté économique et la capacité concurrentielle des entreprises. Les rémunérations variables doivent justement encourager la prise de conscience des risques et conduire à limiter ceux-ci. Une Circulaire de la Finma de 2010, obligatoire pour Credit Suisse et UBS, prévoit déjà une dizaine de principes qui vont dans ce sens. Il faudrait comprendre pourquoi Credit Suisse ne les a apparemment pas respectés.

Enfin, il ne faut pas oublier que selon certains articles de presse, la ministre des finances américaine aurait appelé son homologue suisse au soir du 19 mars pour lui dire: «Congratulations, you just saved the world!». En effet, le lendemain, il n’y a eu aucune panique boursière et les clients de Credit Suisse n’ont vu aucune perturbation dans leurs opérations. Il reste maintenant à ramener le calme dans le cœur des politiciens suisses, et aussi des collaborateurs de Credit Suisse comme d’UBS. A cet égard, la décision que doit prendre UBS cet été quant au sort de la banque suisse de Credit Suisse sera l’objet de toutes les attentions.

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