Ecoblanchiment: définir avant de réprimer

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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Le greenwashing est une forme de tromperie, qui doit contrevenir à une obligation de transparence.

En 2022, on a beaucoup parlé d’écoblanchiment (ou «greenwashing») et certains cas ont défrayé la chronique, surtout en Allemagne. En Suisse, le Conseil fédéral a publié le 16 décembre 2022 sa position sur la prévention de l’écoblanchiment. Un groupe de travail interdépartemental doit examiner d’ici fin septembre 2023 comment mettre en œuvre cette position et proposer d’éventuelles mesures à prendre.

On peut être d’accord avec le Conseil fédéral lorsqu’il définit l'écoblanchiment comme le fait d’induire en erreur les clients quant au caractère durable de produits et de services financiers. En ce sens, cette fausse présentation de caractéristiques de durabilité n’est pas différente de l’indication volontairement erronée de critères de risques ou de performance. Elle est déjà réprimée par les dispositions sur la tromperie (art. 28 CO), les méthodes déloyales de vente (art. 3 LCD) et la dénomination des placements collectifs (art. 12 LPCC).

Là où les difficultés surgissent, c’est dans la définition de ce qu’est une caractéristique de durabilité. Pour le Conseil fédéral, cela signifie vouloir être compatible avec un objectif de durabilité spécifique ou contribuer à la réalisation d’un tel objectif. Mais il ne précise pas ce qui peut être – ou ne pas être – un objectif de durabilité. Dans son rapport du même jour sur la finance durable (cf. p. 16), il renonce, à juste titre, à créer une taxonomie suisse, c’est-à-dire une classification étatique des activités économiques, pour laisser leur chance aux mécanismes du marché.

Les différentes approches d’investissement durables définies en annexe de l’autorégulation de l’AMAS du 26 septembre 2022 pourraient servir de référence.

Une analogie avec les denrées alimentaires peut se révéler utile à ce stade. Les fabricants doivent entre autres indiquer si un produit contient de l’huile de palme. Il n’est cependant pas interdit de vendre un tel produit, et c’est au client de décider, en connaissance de cause, s’il souhaite l’acheter. A l’inverse, il n’existe pas de définition de ce qu’est un produit «local». Chaque distributeur met donc en avant des labels différents, qui font tous référence à une certaine proximité, mais qui peut aller d’un bout à l’autre de la Suisse…

Si l’on en revient aux produits financiers, il faudrait effectivement s’entendre sur certaines définitions que tout le monde comprendrait de la même façon. Les différentes approches d’investissement durables définies en annexe de l’autorégulation de l’AMAS du 26 septembre 2022 pourraient servir de référence. Parmi celles-ci, on pourrait ne pas reconnaître comme spécialement durables l’exclusion et l’intégration ESG, qui visent surtout à éliminer des risques plutôt qu’à favoriser des améliorations au sein des entreprises.

En plus d’une définition commune de ce qui peut être appelé, dans les grandes lignes, «durable» ou «vert», il faudrait aussi une obligation d’annoncer pourquoi l’on donne cette appellation. Il y aurait alors écoblanchiment lorsque cette indication manque ou qu’elle est intentionnellement erronée (c’est-à-dire que l’approche annoncée n’est en réalité pas mise en pratique). En revanche, il n’y aurait pas d’écoblanchiment du seul fait qu’un client est par la suite déçu par les activités des sociétés dans lesquelles il a investi.

En pratique, de nombreux instituts financiers n’ont pas les ressources nécessaires pour analyser eux-mêmes les différents aspects ESG des sociétés dans lesquelles ils proposent d’investir. Ils utilisent à la place les données compilées par des fournisseurs externes, le plus souvent rémunérés pour cela. Quid si les données fournies se révèlent fausses? Selon l’article 28 alinéa 2 du code des obligations, dans ce cas, une banque ne serait responsable que si elle connaissait ou aurait dû connaître cette erreur au moment de l’investissement.

Il faut aussi rappeler que l’écoblanchiment ne concerne pas que le secteur financier. Les entreprises de l’économie dite réelle peuvent aussi émettre des déclarations sur leur durabilité tout en sachant qu’elles ne correspondent pas à la réalité. C’est pourquoi la transparence des sociétés et leurs rapports sur les questions non-financières sont si importants, pour donner aux investisseurs et aux intermédiaires financiers une visibilité à long terme. Celles qui resteront opaques s’exposent à une hausse du coût de leur capital et de leurs crédits.

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