Russie – Une économie sur le fil

Arthur Jurus, ODDO BHF

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Les restrictions d'importation, la fuite des entreprises et des capitaux ainsi que l'émigration d’un demi de million de Russes bien formés réduiront les capacités de production.

©Keystone

L'efficacité des sanctions imposées par l'Occident à la Russie anime les débats. Au premier semestre 2022, les fondamentaux économiques ont résisté au-delà des attentes. Néanmoins, l’efficacité des sanctions sera surtout observée à long-terme avec une réduction durable du potentiel de croissance de l’économie russe.

Quelle est donc l'efficacité des sanctions contre la Russie?

A court-terme, un effondrement économique a été évité en Russie. Alors que l’Ukraine enregistrera une baisse de 35% de son PIB en 2022 selon le FMI, la contraction n’est que de 6% en Russie. Trois facteurs expliquent cette situation. (i) Des injections de liquidités illimitées de la banque centrale russe. (ii) Un contrôle efficace des capitaux. L’obligation de changer les devises pour les exportateurs d'énergie et les achats limités de devises étrangères pour les particuliers et les entreprises ont permis à la rouble de coter actuellement plus haut qu'au début de l'année et de prévenir une fuite massive des capitaux. Cela a rendu possible la baisse récente du taux directeur de 20% à 8%. (iii) Une hausse des dépenses publiques d'infrastructure et les versements de soutien aux personnes socialement démunies, aux familles et aux entreprises afin d'amortir l'effondrement de la consommation en baisse de 20% sur un an. L'excédent public prévu pour 2022 se transforme ainsi en un déficit d'environ 2% du PIB.

Depuis mars dernier, les réserves de change ont diminué de 12% à 575 milliards de dollars.

A moyen terme, les difficultés d’accès aux marchés des capitaux rendront le financement de la dette difficile. Une première solution de secours a été d'utiliser un tiers des fonds de l'Etat soit l’équivalent de 60 milliards de dollars. La seconde est de piocher dans les réserves de change. Depuis mars dernier, celles-ci ont diminué de 12% à 575 milliards de dollars. En considérant une baisse linéaire et le gel de 300 milliards lié aux sanctions occidentales, alors les réserves disponibles seront épuisées fin 2023.

A long-terme, les dommages économiques sur la Russie pourraient être plus significatifs. Les restrictions d'importation, la fuite des entreprises et des capitaux ainsi que l'émigration d’un demi de million de Russes bien formés réduiront les capacités de production. La moindre disponibilité de produits intermédiaires et composants high-tech, dont l'industrie a besoin pour la transformation, pèsera lourdement sur la production. Les effets négatifs sont déjà dramatiques dans la production automobile (-75% sur un an), le secteur de la construction (-62%) et l'agriculture (-55%). Enfin, la dépendance du secteur énergétique aux technologiques occidentales pèsera sur la moitié des revenus budgétaire et sur plus de 15% du PIB russe. Pour l’industrie pétrolière, la baisse des réserves des champs conventionnels et l’impossibilité d’entretenir les installations d’extraction existantes conduiront à une diminution de 34 % de la production de pétrole d’ici 2030, soit une baisse de la production quotidienne de 3,8 millions de barils d’ici 2030! Pour l’industrie gazière, la volonté de Vladimir Poutine de détourner l’approvisionnement du gaz en Europe (170 milliards de m3) vers la Chine (16 milliards de m3) sera coûteuse et difficile. La stratégie du pivot vers l’Est et l’isolement économique et technologique de la Russie vis-à-vis de l’Occident reste donc un pari risqué à long-terme.

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