Rechute après la Fed

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

La hausse réflexe après les dernières annonces de la Réserve fédérale s’inverse brutalement. Le Nasdaq replonge, le dollar comme seul refuge.

©Keystone

Les précédents FOMC, pourtant ponctués de hausse des taux, s’étaient ensuivis d’un net rebond des actions sur les semaines suivantes. La réaction épidermique (hausse de 3% des actions, baisse des taux et du dollar) à l’annonce, mercredi dernier, d’une hausse de 50 points de base et de la mise en place graduelle de la réduction du bilan, s’est inversée tout aussi brutalement dès le lendemain. Ce retournement a un air de déjà-vu après le violent décrochage des marchés d’actions observé le vendredi 29 avril (-3,6% sur le S&P 500).

Les taux cassent leurs récents sommets à 3,10% sur le T-note ou proche de 1,15% sur le Bund et les indices actions replongent sous leurs niveaux pré-FOMC. Le dollar constitue le seul refuge, à ce stade. Le billet vert est au plus haut depuis 20 ans selon l’indice DXY. La faiblesse conjointe de l’euro, du yen et du yuan ne laisse aucune alternative. Le retour de flamme affecte l’ensemble des actifs risqués. L’hémorragie continue sur le crédit et le high yield, attisant la demande de protection par le biais de dérivés, malgré des niveaux de valorisations redevenus attrayants. Les spreads souverains italiens rejoignent les 200 pb. Le tournant restrictif inverse la recherche de rendement qui avait comprimé les primes de risque.

La Fed resserre les taux prudemment

La Fed a relevé son taux de 50 pb à 1% mercredi dernier. La baisse de l’inflation (8,5% en avril) est clairement la priorité de la Fed. Jerome Powell semblait ainsi s’adresser aux ménages américains, bien davantage qu’au marché qui peine à appréhender l’ampleur du resserrement à venir. Le ton de la conférence était néanmoins moins agressif que la communication régulière des banquiers centraux entre les FOMC. Jerome Powell semble exclure des hausses de 75 pb, privilégiant des hausses de 50 pb, lors des prochaines réunions.

La prudence de la Fed constitue un soutien pour les taux longs, comme la révision à la baisse des émissions du Trésor.

La décision sur les taux s’accompagne d’une politique de réduction du bilan. A partir de juin, la Fed ne réinvestira plus les tombées de son portefeuille en totalité. Entre juin et août, les montants non-réinvestis seront limités à 30 milliards de dollars de bons du Trésor et 17,5 milliards de dollars de MBS chaque mois. A partir de septembre, ces montants doubleront, de sorte que le bilan diminuera mensuellement de 95 milliards de dollars. La progressivité du resserrement quantitatif se justifie par l’importance des remboursements jusqu’en août (près de 550 milliards de dollars) et la perspective des hausses de taux de 50 pb.

La prudence de la Fed constitue un soutien pour les taux longs, comme la révision à la baisse des émissions du Trésor. Le refinancement trimestriel fait état d’émissions nettes négatives entre avril et juin (-26 milliards de dollars) soit 92 milliards de dollars de moins qu’escompté en janvier, grâce à une position de trésorerie favorable. Entre juillet et septembre, l’Etat fédéral empruntera 182 milliards de dollars. Les tailles émises sont réduites sur toutes les maturités, mais les prochaines adjudications des obligations du trésor américain protégés de l’inflation augmenteront d’1 milliards de dollars pour profiter de la forte demande de protection contre l’inflation.

De son côté, la Banque d’Angleterre remonte son taux de 25 pb, malgré trois votes sur neuf en faveur d’un relèvement de 50 pb. L’inflation dépassera 10% au cours des prochains mois engendrant un ralentissement brutal, voire une récession, en 2023. Le sterling corrige vers 1,23 dollars, à mesure que les taux anticipés rebaissent.

La BCE sous pression

La volatilité des marchés de taux reste considérable. Les mouvements intra-journaliers sont fréquemment supérieurs à 10 points de base. La dynamique présente toujours une forte asymétrie à la hausse, conformément au biais affiché par les banquiers centraux en amont des FOMC. Le resserrement monétaire relève graduellement le plancher des taux avec une nette surréaction des rendements réels.  Les points morts se compriment. Une repentification de la courbe des taux se dessine avec l’avènement du resserrement quantitatif. Le spread 2-10 ans s’accroît de 13 pb à 34 pb.

La concurrence des taux souverains induit des arbitrages défavorables au crédit par les institutionnels.

L’accélération haussière sur le T-note, en fin de semaine, se nourrit de nouveaux flux vendeurs, en particulier des ventes de la part de comptes spéculatifs, qui avaient sensiblement réduit leurs positions vendeuses de contrats fin avril (rachats estimés de l’ordre de 200’000 contrats T-note). Le rendement du Bund surréagit également, approchant désormais 1,15%. Le marché est clairement en train de tester le seuil de douleur de la BCE. Les banquiers centraux évoquent une hausse des taux en juillet, mais la pression du marché pourrait la faire craquer dès juin. Les spreads souverains se tendent également.

Christine Lagarde souligne l’importance d’assurer la bonne transmission de la politique monétaire, ce que le marché interprète comme la promesse d’un mécanisme d’intervention pour éviter une hausse asymétrique des coûts d’emprunts. Un tel instrument a déjà existé avec le programme de rachat de titres de la dette publique en 2011, lorsque l’Italie avait pratiquement perdu l’accès au marché après deux hausses de taux de la BCE. Dans ce contexte, le BTP italien s’est dégradé vers 200 pb à 10 ans. La dette italienne tend à surréagir par rapport aux dettes ibériques.

Sur le crédit, l’écartement des spreads continue, à hauteur de 5 pb sur une semaine. La concurrence des taux souverains induit des arbitrages défavorables au crédit par les institutionnels. Les dettes hybrides subissent leur bêta élevé. Le secteur immobilier est pénalisé par les taux en hausse. Le high yield (397 pb contre swap) subit les rachats. L’iTraxx XO casse allègrement le seuil de 450 pb, traitant jusqu’à 474 pb au plus large.

Malgré la volatilité extrême, les indices américains terminent la semaine presque inchangés. Cependant, près de la moitié des titres du Nasdaq traitent 50% au-dessous de leurs sommets. La performance boursière reste très concentrée. En Europe, la chute hebdomadaire atteint 4,5%. Le risque de stagflation et le sentiment dégradé pèsent sur les cours. Les résultats agrégés sont en croissance et révisés en hausse, grâce aux secteurs liés aux matières premières. L’assurance rend une partie de sa surperformance de 2022.

A lire aussi...