Fed: l’étau se resserre

Axel Botte, Ostrum AM

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La Réserve fédérale annonce un resserrement quantitatif dès le mois de mai, alimentant la volatilité.

©Keystone

Les marchés financiers sont pris entre les feux du resserrement monétaire de la Fed, de l’incertitude sur la croissance économique et les marges bénéficiaires à court terme et des nouvelles en provenance d’Ukraine avant une probable offensive russe dans le Donbass. La volatilité ne faiblit pas et les marqueurs financiers de l’aversion pour le risque des investisseurs sont bien visibles. Le dollar est au zénith, l’indice de volatilité V2X indique 30% de volatilité attendue à 1 mois en Europe et les écarts de swap s’établissent toujours autour des 70 points de base en zone euro. Quant aux écarts de couvertures de défaillance, ils repartent à la hausse à mesure que des prises de profit s’observent sur le crédit après un mois de mars favorable.

L’espoir d’un resserrement quantitatif indolore

La politique monétaire de la Fed reste au centre des préoccupations des intervenants. L’institution va entamer la réduction de son bilan dès le mois de mai selon la communication de Lael Brainard en début de semaine dernière. Les minutes du dernier Comité fédéral d’open market ont permis d’affiner le message. Les banquiers centraux de la Fed semblent s’accorder sur une réduction maximum mensuelle de 60 milliards dollars pour les obligations d’état et 35 milliards dollars pour les MBS.

La hausse des taux à long terme tarit les flux de refinancement hypothécaire et ralentit l’amortissement «naturel» du portefeuille de la Fed.

La mise en œuvre du resserrement quantitatif (QT) sera progressive au cours des trois prochains mois et en fonction des conditions de marché (ce n’est pas un hasard, les maturités pour la période de mai à juillet sont particulièrement élevées à 350 milliards dollars). En 2022, les maturités sont toujours supérieures au seuil, sauf pour le mois d’octobre (52 milliards dollars). Dans ce cas, la Fed prévoit de ne pas renouveler ses lignes de T-bills pour atteindre l’objectif de 60 milliards dollars. L’excédent continuera d’être réinvesti aux adjudications mensuelles du trésor. Le retrait de la Fed implique aussi un besoin, cette année, de financement pour le trésor d’environ 50 milliards dollars, qui s’ajoutent à un déficit fédéral de l’ordre de 850 milliards dollars.

La situation sur les MBS est très différente. La hausse des taux à long terme tarit les flux de refinancement hypothécaire et ralentit l’amortissement «naturel» du portefeuille de la Fed. Il existe un conflit entre la nécessité de faire monter les taux pour réduire les pressions inflationnistes, auxquelles le logement contribue fortement et l’objectif d’un resserrement quantitatif sans heurts. Il faudra certainement vendre des MBS pour atteindre le plafond de 35 milliards dollars. Les spécialistes en valeurs du Trésor ont une exposition limitée à la classe d’actifs à ce stade, mais leur capacité d’absorption est incertaine. Leurs détentions totales de MBS n’ont pas excédé les 80 milliards dollars au cours des dernières années. En outre, l’impact sur les prêteurs non-bancaires, dont le modèle d’affaire requière des volumes importants, reste difficile à appréhender.

L’annonce du prochain QT a provoqué des débouclements de positions d’aplatissement, mises en œuvre alors que la Fed évoque de plus en plus des mouvements de taux de 50 points de base. Le QT signifie que le risque de taux assumé par la Fed va diminuer. Ce retrait annoncé justifie le rétablissement d’une prime de terme. L’écart de 2-10 ans est repassé en territoire positif à 20 points de base. Le T-note se tend de plus de 20 points de base sur la semaine, l’essentiel du mouvement reflète l’ajustement des taux réels. Les MBS s’écartent de 3 points de base seulement. La Fed n’est sans doute pas prête à vendre ses titres à brève échéance.

Le ton restrictif qui ressort du compte rendu de la réunion de la BCE du 7 mars alimente les anticipations de hausses des taux.
Politique et inflation en Europe

En zone euro, le ton restrictif qui ressort du compte rendu de la réunion de la BCE du 7 mars alimente les anticipations de hausses des taux. Les swaps de taux courts (OIS) intègrent 50 points de base d’ici fin 2022. Les anticipations d’inflation restent en effet orientées à la hausse (+15 points de base sur le swap d’inflation euro à 10 ans) compte tenu de la faiblesse de l’euro, des contraintes de production amplifiées par les confinements en Chine et des prix élevés des matières premières. Le Bund se tend au-delà de 0,70%. Outre l’inflation, le risque politique en France contribue à la défiance envers l’OAT (56 points de base à 10 ans). Les comptes spéculatifs sont vendeurs de 5 ans. Les institutionnels profitent en revanche des tensions pour se positionner à l’achat sur les maturités supérieures à 10 ans. Les écarts souverains ainsi que les swap spreads s’écartent sensiblement. L’émission de 10 ans portugais a requis une prime de 10 points de base pour lever 3 milliards d’euros.

Le marché du crédit semble subir le contrecoup des rachats significatifs observés sur la deuxième moitié de mars. Les primes à l’émission permettent toutefois de protéger la performance des titres émis depuis le début du mois, notamment pour les financières. Les spreads IG euro s’élargissent de 3 points de base sur la semaine à 132 points de base. A l’inverse, le maintien de swap spreads élevés retarde le resserrement des primes sur les covered bonds (72 points de base). Sur le marché du high yield, il n’y a aucune transaction primaire depuis 56 jours en zone euro. Le high yield est un peu «protégé» par l’absence d’émissions mais l’aversion pour le risque revient en début de trimestre. L’iTraxx XO remonte au-dessus des 360 points de base. Le spread moyen sur les dettes high yield s’est néanmoins stabilisé cette semaine autour des 390 points de base contre le Bund.

Le marché des actions continue de subir une volatilité élevée dans l’attente des premières publications du premier trimestre. L’absence de visibilité risque d’être pénalisante même si les résultats restent solides sur le premier trimestre. Les indices mondiaux ont repris le chemin de la baisse la semaine passée à l’exception du FTSE britannique (+1,75%). Le facteur qualité surperforme ainsi que les stratégies réduisant la volatilité. En Europe, les pressions sur les taux pénalisent la technologie comme attendu mais ne profitent plus aux valeurs bancaires.

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