BCE: flexibilité, optionalité, gradualisme... jusqu’en juin?

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

Malgré l’inflation, la Banque centrale européenne insiste sur la nécessaire flexibilité de sa politique.

Le T-note et le Bund connaissent une volatilité considérable avec une amplitude hebdomadaire des variations de taux proche de 20 pb. Cette volatilité est symptomatique de l’incertitude entourant l’ampleur du resserrement monétaire nécessaire pour assurer l’ancrage de l’inflation au niveau des cibles des banques centrales. Aux Etats-Unis, les membres de la Fed se sont succédés depuis plusieurs semaines pour annoncer le début du resserrement quantitatif et un relèvement des taux de 50 pb en mai. L’inflation est ressortie à 8,5% en mars. La fermeté du dollar réduit quelques pressions sur les prix des biens de consommation importés, de sorte que l’indice sous-jacent ralentit à 0,3% sur le mois. Les ventes au détail sont restées solides en mars (+17,7% en rythme annualisé au premier trimestre 2022) mais la hausse de l’essence oblige à des arbitrages d’autant que la consommation de biens reste anormalement élevée. Les enquêtes d’activité (Empire à +24 en avril) et le rebond de la confiance des ménages sont de bon augure.

Les enquêtes auprès des banques indiquent un durcissement des conditions de crédit au premier trimestre.
Le risque de récession est palpable en Allemagne

En zone euro, l’inflation est préoccupante à 7,5% en mars et requerrait sans doute une politique monétaire réellement restrictive. Or la BCE est confrontée à un risque conjoncturel accru par la guerre en Ukraine. La confiance des ménages et des entreprises s’infléchit. Les enquêtes auprès des banques indiquent un durcissement des conditions de crédit au premier trimestre, qui devrait se traduire par un ralentissement de la distribution de crédit. La conférence de presse du 14 avril aura été l’occasion pour Christine Lagarde de rappeler la flexibilité, le gradualisme et l’optionalité qui caractérisent les programmes d’achats d’actifs de la BCE. L’APP se réduira de 40 milliards d’euros en avril à 20 milliards en juin mais une prolongation au troisième trimestre est envisageable. Le recours à l’enveloppe restant du PEPP (environ 150 milliards d’euros) est aussi possible sous conditions.

La première hausse des taux interviendra après l’arrêt du QE, sans indication plus précise. En outre, la communication de la BCE ignore totalement la faiblesse de l’euro. La monnaie unique plongeait sous 1,08 dollars pendant le discours de Christine Lagarde. Des rumeurs faisaient pourtant état d’un consensus au sein du Conseil des gouverneurs pour un relèvement des taux dès le mois de juillet. Rien n’est moins sûr. En juin, la BCE abaissera probablement sa projection de croissance et rehaussera l’inflation prévue. Les marchés scruteront la virgule de la projection d’inflation pour 2024 qui conditionne la hausse des taux. Le risque de récession est déjà palpable en Allemagne. Christine Lagarde a aussi réfuté les spéculations quant à un nouveau dispositif de stabilisation des marchés… tout en soulignant que la BCE pourrait intervenir rapidement. Quant au risque politique en France, une intervention paraît inconcevable.

Taux, crédit et actions: des marchés en difficulté

Les marchés de taux demeurent extrêmement volatiles. Le positionnement vendeur en amont de la publication de l’IPC de mars a ensuite été débouclé. Une hausse de 50 pb semble désormais acquise en mai mais le resserrement quantitatif à venir commencer à inverser la pression à l’aplatissement qui prévalait jusqu’ici. Le T-note testera rapidement le seuil de 3%. Les taux hypothécaires ont passé le seuil de 5% à 30 ans, ce qui occasionnera un freinage de l’investissement résidentiel. Sur les marchés de taux en euro, le Bund accompagne la hausse du T-note. La résistance du spread autour de 200 pb implique aussi des flux vendeurs de Bund.

Le marché du high yield connaît un regain d’aversion pour le risque.

L’emprunt allemand à 10 ans n’a pas bénéficié du léger repli des anticipations de taux courts après la communication de la BCE (-3 pb). La pentification (79 pb sur le spread 2–10 ans) a donc repris en zone euro sous l’effet d’une nouvelle augmentation de l’inflation anticipée. Le point mort d’inflation à 10 ans s’affiche autour de 2,90%. Le 30 ans allemand s’échange au-delà d’1%. Les spreads français à 10 ans se sont stabilités autour de 50 pb avant le second tour des élections présidentielles. Le BTP italien cotait autour des 165 pb. Cette accalmie est néanmoins sans effet sur le niveau des swap spreads qui restent fragiles. Le swap spread à 10 ans remonte vers 75 pb.

Le marché du crédit est sous pression. Le spread IG en zone euro (134 pb contre Bund) s’écarte de 5 pb en avril. La concurrence des rendements souverains plus élevés et l’inflexion cyclique attendue en zone euro impliquent un risque d’élargissement supplémentaire des spreads. Le soutien de la BCE (1,8 milliard d’euros la première semaine d’avril) et des émissions nettes contenues limitent la hausse attendue des spreads à 4 pb à l’horizon d’un mois. Le marché du high yield connaît un regain d’aversion pour le risque. Les spreads ressortent en hausse de 17 pb sur une semaine à 410 pb contre Bund. L’absence d’émissions depuis six semaines est le signe de conditions de marché difficiles pour les émetteurs. Les rachats sur les fonds de high yield s’accumulent ainsi que les flux acheteurs de protection sur les indices de CDS (XO à 375 pb).

Les marchés d’actions connaissent un début de trimestre difficile. Le Nasdaq perd 6% en avril, les indices européens se replient d’1% environ. Les flux acheteurs aux Etats-Unis sont insuffisants pour compenser la décote des valorisations dans la remontée des taux, notamment sur les valeurs de croissance. Les publications des banques américaines sont sans relief. La saison des résultats est aussi marquée par quelques avertissements sur les bénéfices en Europe.

A lire aussi...