Biden s’attaque au prix du pétrole

Axel Botte, Ostrum AM

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Le président américain puise dans les réserves stratégiques de brut et la fin de trimestre est favorable aux taux et au crédit.

©Keystone

La volatilité financière demeure forte, en partie à cause des mouvements d’allocations d’actifs à l’approche de la clôture trimestrielle. Après une dernière séance difficile le 31 mars, le S&P s’inscrit en baisse de 5% au premier trimestre avec la révision des perspectives de politique monétaire de la Fed et le renchérissement des matières premières. Le dollar américain reste la valeur refuge la plus fiable. L’Europe sous-performe du fait de sa plus grande dépendance aux énergies fossiles russes. Le règlement des importations de gaz russe, désormais exigible en rouble selon Poutine, a contribué à la volatilité. La banque centrale de Russie, dont les avoirs extérieurs sont gelés, s’assure indirectement un flux on-shore de devises afin de soutenir le rouble.

Parallèlement, la stratégie militaire russe en Ukraine reste illisible, même si les marchés financiers accueillent favorablement tout signe de détente. Un retrait russe de la région de Kyiv est évoqué, mais la concentration des forces au Donbass fait aussi craindre une nouvelle offensive. De fait, personne ne croit la parole militaire russe. En Asie, le confinement de Shanghai et Shenzhen impliquent un ralentissement significatif de l’économie chinoise au printemps.

L’inflation est élevée mais les salaires horaires (+5,6%) progressent rapidement.
La croissance américaine ne ralentit pas

La baisse du prix du pétrole est une priorité pour Joe Biden dans la perspective des mid-terms, quitte à froisser l’aile gauche démocrate. Les Etats-Unis vont puiser dans leurs réserves stratégiques à hauteur de 180 millions de barils en six mois et l’administration presse les pétroliers américains d’agir. L’Opep+ produira 432’000 barils supplémentaires à partir de mai, mais les tensions dans le Golfe rendent cet objectif incertain. Le prix de brut s’est toutefois détendu en dessous des 100 dollars.

A ce stade, la croissance américaine ne montre aucun signe de ralentissement. Le marché du travail est extrêmement tendu. Les créations d’emplois atteignent 431’000 en mars avec un taux de chômage en baisse à 3,6%. L’inflation est élevée mais les salaires horaires (+5,6%) progressent rapidement. L’ISM manufacturier s’affiche à 57 en mars conformément au message des enquêtes régionales.  Le contraste est saisissant avec l’Europe ou les indicateurs de l’Insee ou de l’IFO ont nettement faibli en mars.  La hausse des prix s’accélère encore en mars à 7,5%. Le renchérissement de l’énergie se diffuse dans l’économie de sorte que l’indice sous-jacent atteint le niveau record de 3%.

Les pressions sur les taux et le crédit s’atténuent

Malgré l’inflation, la pression haussière sur les taux s’est réduite avec les flux d’allocation de fin de trimestre favorables aux produits de taux aux Etats-Unis. Le T-note s’affichait sous 2,40% à la clôture trimestrielle avant de reprendre le chemin de la hausse vendredi, encouragé par les statistiques d’emplois. La solidité de la croissance entretient la pression à l’aplatissement de la courbe des taux à mesure que les intervenants réévaluent la possibilité de hausses de taux de 50 points de base lors des prochains FOMC. Dans ce contexte, les émissions de 2,5 et 7 ans ont rencontré un succès limité. La pente 2-10 ans est nulle. Les extensions de duration en fin de mois et les réallocations de fin de trimestre ont alimenté l’aplatissement, qui se nourrit de l’inversion de la structure par terme de l’inflation anticipée. Les rendements réels (-0,38% à 10 ans) devront remonter si la Fed entend réellement lutter contre l’inflation.

Le dollar reste la meilleure couverture face au risque géopolitique et à la volatilité financière.

En zone euro, l’emprunt allemand à 10 ans a oscillé entre 0,52% à 0,73% la semaine passée, hésitant entre les tensions inflationnistes et les incertitudes liées au cycle et à la guerre en Ukraine. Le Schatz est brièvement repassé en territoire positif pour la première fois depuis 2014 et l’introduction du taux de dépôt négatif. Le spread 2-10 ans a inversé le mouvement de pentification observé jusqu’alors en mars. Les spreads souverains ont peu évolué avec le BTP italien à 10 ans autour de 150 points de base et l’emprunt espagnol à 91 points de base.

L’augmentation de la position ouverte sur le contrat à terme italien suggère que de nouvelles positions longues ont été mises en œuvre récemment. Sur les maturités courtes, les spreads sont au plus serré de sorte que les dettes périphériques ne présentent plus de valeur par rapport aux dettes les moins risquées. La bonne tenue des spreads s’explique aussi par les remboursements nets négatifs prévus pour avril (en tenant compte de l’APP). En revanche, les swap spreads tardent à se normaliser (68 points de base sur le Bund), ce qui semble cohérent avec les montants de dettes supranationales à émettre.

La pression vendeuse sur le crédit s’est atténuée en fin de trimestre. Le spread euro IG (124 points de base contre Bund) diminue de 11 points de base en cinq séances et 15 points de base en mars. Les valorisations attrayantes attirent de nouveau les flux vers le crédit. Les sorties de fonds de février ont été effacées. Le marché primaire est resté actif cette semaine avec un total d’émissions de 9 milliards d’euros de dettes non-financières et 19,8 milliards d’euros de financières dont 6,5 milliards de covered bonds. Les maturités se concentrent sur les segments intermédiaires (3-7 ans) en réaction à la pentification des courbes de taux et de spreads de crédit. Sur le high yield, le spread moyen s’est détendu sous le seuil de 400 points de base contre Bund en fin de trimestre. Les achats de protection sont débouclés de sorte que l’iTraxx crossover traite sous les 340 points de base en clôture hebdomadaire. Le retour d’intérêt sur le high yield mondial se traduit par une première semaine de flux positifs après douze semaines de sorties ininterrompues.

Sur le marché des changes, le dollar reste la meilleure couverture face au risque géopolitique et à la volatilité financière. L’euro se renforce quelque peu notamment face à un yen japonais, toujours fragilisé par la politique expansionniste de la banque du Japon.

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