Réduction du bilan de la Fed, taux longs et marchés actions

Emmanuel Kragen, Kepler Cheuvreux Solutions

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Les taux longs retrouvent leurs plus hauts niveaux post-pandémie, tant aux Etats-Unis qu’en Europe.

Les taux longs retrouvent leurs plus hauts niveaux post-pandémie, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Cette remontée s’explique très largement par la hausse des taux réels, sachant que les anticipations d’inflation commencent à se stabiliser des deux côtés de l’Atlantique, autour de 2,5% pour le point mort d’inflation 10 ans US et autour de 2% en Europe.

L’inflation devrait rester élevée en 2022 dans le monde développé. La normalisation des prix de l’énergie et des biens manufacturés ne devrait être que progressive, alors que l’offre resterait contrainte et que la demande des ménages resterait toujours forte (épargne élevée, amélioration du marché du travail, progressions salariales). Surtout, la hausse des prix des services devrait prendre le relais de celle des prix des biens. Néanmoins, ce scénario est désormais bien intégré par le consensus des économistes et les investisseurs.

En revanche, les taux réels présentent un potentiel de hausse, notamment aux Etats-Unis. Si les minutes du dernier FOMC de la Fed ont confirmé l’arrêt du QE en mars et probablement au moins 3 hausses de taux directeurs en 2022, les investisseurs ont été surpris par les discussions extensives des membres du FOMC sur une éventuelle réduction du bilan de la Fed. Cette réduction arrivera d’ailleurs beaucoup plus rapidement qu’attendu, comme l’a confirmé Powell devant le Sénat la semaine passée. Lors du dernier cycle de resserrement monétaire, il avait fallu attendre fin 2017 – soit 2 ans après la première hausse des taux directeurs – pour que la Fed réduise la taille de son bilan. Dans le cas présent, l’écart serait réduit à quelques mois avec une réduction dès 2022. Or, comme l’a montré 2018, réduction du bilan et hausse des taux réels vont souvent de pair.

2022 devrait être une année positive pour les actions, mais avec une hausse du niveau de risque par unité de rendement attendu.

Faut-il s’en inquiéter? Pas nécessairement.

D’une part la Fed entend maintenir sa flexibilité : toute décision concernant la réduction de son bilan sera «data dependent», ce qui limite les risques d’erreur de politique monétaire.

D’autre part, un certain nombre de membres du FOMC ont indiqué que privilégier la réduction du bilan (i.e. laisser remonter les taux longs) par rapport au relèvement des taux directeurs (i.e. hausse de la partie courte) pourrait contribuer à limiter l’aplatissement de la courbe des taux, usuelle dans les phases de normalisation de la politique monétaire. Pour mémoire, un aplatissement marqué / une inversion de la courbe sont usuellement perçus par les investisseurs comme un signal avancé de récession et donnent lieu à des comportement auto-réalisateurs, notamment via une chute des marchés actions. 

Ces réflexions, qui montrent l’attention que porte la Fed à la déformation de la courbe des taux, ont causé une repentification par le haut (bear steepening) de la courbe après la publication des minutes car elles réduisent significativement le risque d’inversion à court terme. 

Cette repentification a bénéficié aux thématiques Value, qui ont dans l’ensemble corrigé leur sous-performance de 2021. La surperformance du Value s’arrêtera lorsque la courbe recommencera à s’aplatir et les taux longs auront atteint leur climax (T1 022 / T2 2022). Au total, 2022 pourrait ressembler assez fortement à la seconde partie de 2021. Les taux réels avaient joué un rôle structurant dans les performances relatives du Growth versus le Value en 2021, avec une succession de mini-rotations très brutales. Au-delà du court terme, sachant que le biais sur la courbe des taux US est celui d’un aplatissement progressif, nous privilégions donc les styles Low Vol et Qualité. 2022 devrait être une année positive pour les actions, mais avec une hausse du niveau de risque par unité de rendement attendu.

Au niveau des thématiques, celle du pricing power sera certainement structurante en 2022. En effet, si la plupart des entreprises ont jusqu’à présent réussi à protéger leurs marges en répercutant la hausse de leurs coûts à leurs clients finaux, 2022 pourrait voir un début de pincement sur les marges des entreprises ayant le moins de pricing power cyclique (e.g. alimentation, construction, sous-traitants automobiles…). Le retour de la discrimination en quelque sorte.

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