A quand le retour du touriste chinois?

Andrew Brenner, EHL Hospitality Business School

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Le retour des touristes chinois dans le monde est très loin d’être aussi dynamique qu’espéré. Leur manière de voyager a aussi évolué.

©Keystone

 

La belle époque du tourisme chinois

L’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001 a alimenté l’espoir que la Chine allait s’ouvrir davantage économiquement, politiquement et culturellement. En effet, les taux de tourisme international et domestique ont fortement augmenté entre 2010 et 2019. Pour Yong Chen, professeur associé à l’EHL Hospitality Business School, c’était «l’âge d’or» du tourisme chinois. Selon lui, une série de facteurs freine cet optimisme depuis: la pandémie, la politique zéro-Covid de Pékin, les manifestations à Hong Kong de 2019-20, la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, et le virage plus autoritaire de la Chine qui aggrave son isolation. «Est-ce que cette hostilité affecte le tourisme?», demande Chen, «Absolument».

«Nous revenons en arrière»

Ce changement serait visible dans les rues de Pékin où il y a moins d’étrangers qu’avant. Pourquoi? Pour n’en donner qu’un exemple, on pourrait citer le fait qu’un touriste étranger a besoin d’un smartphone local afin de régler ses achats via WeChat ou Alipay, étant donné que Visa et Mastercard ne sont pas acceptées. Malgré 5’000 ans d’histoire et des paysages à couper le souffle, ces restrictions «empêchent les étrangers de visiter la Chine», a déploré Chen. «Nous, en Chine, n’avançons plus sur le chemin de la prospérité».

«L’instabilité politique et réglementaire contribue à l’incertitude, donc 2020-2030 pourrait s’avérer une période très difficile pour la Chine.»

Les Chinois voyagent moins à l’étranger à cause des délais à rallonge pour avoir un visa. Le volume de demandes de visa, selon Reuters, est à 35% de son niveau pré-Covid. Une étude de McKinsey, consultant, montre que 20% des passeports chinois ont expiré pendant la pandémie, ce qui a créé de longues attentes aux guichets, de quoi décourager les touristes. Tandis que Pékin a commencé à lever les restrictions liées à la pandémie en janvier 2023, les compagnies aériennes hésitent toujours à ajouter des vols, ce qui maintient des prix très élevés.

«Le conflit remplace la coopération»

La fondation même de la relation entre un hôte et son client est en péril. Selon Chen, «le tourisme change à cause de la situation géopolitique. Le protectionnisme et la méfiance prennent le pas sur la compréhension mutuelle entre deux individus, ce qui est pourtant la base de l’hospitalité». De Taiwan à la guerre en Ukraine, la confiance a été rompue: «l’ambiance dans les pays occidentaux n’est pas accueillante pour les Chinois. Le conflit remplace la coopération», lamente Chen.

Où nous amène donc tout cela? Le tourisme ne peut pas se développer dans un contexte aussi tendu. Et, selon Chen, un retour à la normale d’ici quatre ou même cinq ans n’est pas envisageable.

Qu’en est-il des voyages d’affaires?

Avec le recul du commerce international, la méfiance risque en effet de miner le secteur des voyages d’affaires. Par rapport aux années fastes quand les multinationales, ainsi que des PME, se ruaient vers la Chine, «mes prévisions pour le long terme ne sont pas optimistes; l’instabilité politique et réglementaire contribue à l’incertitude, donc 2020-2030 pourrait s’avérer une période très difficile pour la Chine», prévient Chen.

Un voyage en Europe bien différent

Les jeunes touristes Chinois ne voyagent plus comme leurs parents. Ayant déjà voyagé à l’étranger avec eux, les jeunes souhaitent voyager de façon plus indépendante et plus tranquille. En bref, les voyages en car à sillonner l’Europe de bas en haut sont terminés. Selon McKinsey, les touristes chinois préfèrent découvrir de nouvelles destinations. Ils effectuent des recherches sur Internet, notamment grâce à TikTok, et cherchent une véritable ‘expérience’ au détriment des visites guidées en groupe.

Le tourisme a diminué de moitié entre 2019 et 2024

Selon une étude publiée en juillet 2020 par l’Organisation mondiale de tourisme, la Chine était la plus grosse source de revenues touristiques dans le monde…et de loin! En 2019, les Chinois ont dépensé quelques 254,6 milliards de dollars, devançant les Américains (152,3 milliards). Mais c’était avant le Covid. Selon un article publié en septembre 2023, le nombre de touristes chinois qui ont visité les Etats-Unis a chuté de 2,8 millions en 2019 à 192’000 en 2021, une époque marquée par les nombreux lockdowns. Ce chiffre est attendu aux alentours de 850’000 pour 2023 et presque 1,4 million en 2024, soit la moitié du niveau de 2019.

Toujours selon Mckinsey, les «touristes chinois reviendront bientôt»…une tendance qui reste néanmoins à confirmer. Leur recherche montre que le touriste chinois moyen est plus enclin à voyager en Asie-Pacifique, mais les touristes chinois aisés continueront à privilégier l’Europe. Pas de quoi rassurer les acteurs de la filière.

 


Article original: https://hospitalityinsights.ehl.edu/return-chinese-tourist 

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