L’économie chinoise et une éventuelle crise immobilière

Andrew Brenner & Yong Chen, EHL Hospitality Business School

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La crise immobilière risque de plonger la Chine dans une crise économique: «Le problème est grave», Pierre-Olivier Gourinchas, directeur du FMI.

Promoteurs immobiliers au bord de la crise…

Les chiffres donnent le tournis. Les entreprises immobilières chinoises China Evergrande et Country Garden font face à une crise financière majeure, cumulant une dette colossale de 500 milliards de dollars. Country Garden a récemment manqué un paiement lié à une dette d'environ 200 milliards de dollars, avec 400’000 appartements en attente de finalisation. Evergrande, fondée par Xu Jiayin lors de la belle époque de la croissance économique chinoise, avait quelque 720’000 appartements à achever avant fin-2022. Les promoteurs immobiliers chinois, dans l'ensemble, ont une dette estimée à 390 milliards de dollars envers leurs fournisseurs et sous-traitants. Country Garden, qui avait déjà raté un paiement l’été 2023, gagne du temps tandis que Evergrande risque de disparaître.

… évoquant le spectre de la déflation

L'économie chinoise a affiché une croissance du PIB de 0,5% au deuxième trimestre 2023, suivie d'une amélioration au troisième trimestre avec une augmentation de 1,3%. Malgré la baisse du taux de chômage, des inquiétudes persistent concernant le renforcement du contrôle économique par la Chine. Les exportations restent robustes, mais l'Union Européenne enquête sur les subventions chinoises des voitures électriques, suscitant des tensions commerciales. La crise immobilière a rendu les consommateurs plus prudents. Les prix des logements ont chuté de près de 18% depuis août 2021, provoquant des craintes de stagnation avec une croissance modérée et une faible inflation. Après trois décennies de croissance du PIB à 10%, la Chine connaît des baisses, tombant à 3% en 2022. L'économie chinoise cherche à s’orienter vers plus d'innovation et de consommation personnelle, s'éloignant de l'industrie et de l'immobilier. Le programme d'infrastructure Belt and Road (BRI), qui a distribué plus de 1’000 milliards de dollars, vise à remodeler l'ordre mondial et à accroître l'influence de la Chine. Mais ce programme patine depuis quelques années. Désormais, la Chine intervient pour aider de nombreux gouvernements endettés. Les prêts de secours représentent une part considérable, dépassant largement la moitié de tous les prêts accordés aux nations moins développées, par rapport à seulement 5% il y a dix ans. Selon AidData, la Chine est désormais qualifiée de «plus grand organisme mondial de recouvrement de créances».

Le terme «usine du monde» a perdu de sa pertinence en raison du découplage résultant de la guerre commerciale entre la Chine d’un côté et l'Europe et les Etats-Unis de l’autre.
Une tendance irréversible

En Chine, une crise démographique imminente menace la croissance. Le nombre de décès dépasse celui des naissances en 2020, une première depuis les années 1960, malgré les mesures gouvernementales mises en place, telles que l'assouplissement de la politique de l'enfant unique en 2016. La jeunesse chinoise, de moins en moins encline à avoir des enfants, contribue au vieillissement de la population, mettant une pression croissante sur le système de retraite. Dans une décennie, environ un tiers de la population chinoise devrait avoir plus de 60 ans.

Un véritable choc

Pilier de la croissance économique depuis des décennies, la Chine est passée d'un pays appauvri à un leader mondial en moins d'un demi-siècle. Toute décélération prolongée aura des effets profonds sur le reste du monde. Selon Yong Chen, professeur d’économie à la Lausanne Hospitality Business School, «contribuant à plus de la moitié de l'économie mondiale, tout ralentissement en Chine ou les Etats-Unis constituerait «un choc énorme». Il note que le terme «usine du monde», qui traduit depuis les années 2010 l'importance des exportations chinoises, a perdu de sa pertinence en raison du découplage résultant de la guerre commerciale entre la Chine d’un côté et l'Europe et les Etats-Unis de l’autre. Chen prévoit un avenir sombre pour la Chine, anticipant une décennie de protectionnisme et de démondialisation jusqu'en 2030. Malgré cela, il souligne l'importance de la concurrence pour offrir les meilleurs produits aux consommateurs, mais avertit que des politiques protectionnistes nuiront à tous, y compris les Etats-Unis et l'Europe.

Les leaders doivent jouer le rôle de brise-glaces

Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine atteignent un niveau sans précédent depuis les années 70. La récente rencontre entre Joe Biden et Xi Jinping est interprétée comme un signe positif malgré le pessimisme rampant. Chen souligne l'importance des dirigeants en tant que «brise-glaces» et espère que les leaders d'entreprise suivront cet exemple. Avec l'importance cruciale des deux nations dans l'économie mondiale, tout signe de dégel est considéré comme positif.

 

Ecrit par Andrew Brenner, traducteur et éditeur de contenu à EHL Hospitality Business School et Yong Chen, professeur associé à EHL Hospitality Business School.
Article original: https://hospitalityinsights.ehl.edu/chinese-economy-specter-property-crisis

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