Prises de risques sur les marchés

Axel Botte, Ostrum AM

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Les banques centrales ont perdu le contrôle des marchés; les taux réels s’effondrent au bénéfice des actifs risqués.

La semaine des banques centrales semblait s’échelonner de la façon suivante: une Fed moins restrictive, une Banque centrale européenne (BCE) plus agressive et une Banque d’Angleterre (BoE) magnanime à la remorque des anticipations de marché. En réalité, quelle que soit la posture des banquiers centraux, la réaction des marchés est unanime: la chasse aux shorts est ouverte. Le resserrement monétaire annoncé a provoqué un plongeon des rendements réels (les points morts d’inflation sont quasiment inchangés) et une nouvelle forte hausse des actifs risqués. Le Nasdaq, pourtant sujet aux annonces de restructurations de valeurs phares de la cote, gagne désormais 17% en 2023. L’Euro Stoxx 50 s’adjuge 11%.

Jerome Powell ne s’inquiète plus

Le T-note décroche, renouant avec ses points bas récents autour de 3,32% après la Fed, puis la BCE, avant une remontée rapide vers 3,5%, consécutive à la publication de l’emploi et de l’ISM des services. Le Bund s’est également effondré de 20pb passant brièvement sous le seuil de 2,10%. C’est pourtant le Gilt qui affiche la meilleure performance, avec une chute de 30pb qui s’établit autour de 3 %. Les spreads de crédit, et du high yield en particulier, se sont nettement resserrés. L’iTraxx Crossover casse ainsi son plancher de 400pb. Le dollar évolue dans une fourchette large d’1,5%, mais sans réelle tendance, avant que la publication de l’emploi ne lui donne une direction. L’euro-dollar plafonne à 1,10 dollars, au gré des interprétations des communications des Banques centrales. Le dollar-yen tombe sous 130 dans le sillage du raffermissement du Renminbi chinois, motivé par l’amélioration des enquêtes conjoncturelles.

Le FOMC a relevé le taux des Fed funds de 25pb à 4,50%- 4,75%. Cette hausse conforme aux attentes s’inscrit en cohérence avec les projections de décembre. Le pluriel utilisé pour décrire les prochains mouvements indique deux hausses similaires en mars et en mai avant un statu quo jusqu’à la fin de l’année. Cependant, les marchés financiers doutent de la fermeté de la Fed, qui prend acte de la désinflation naissante. Ainsi, Jerome Powell ne semble pas s’inquiéter de la détente des conditions financières depuis le début du quatrième trimestre. La hausse des marchés risque pourtant de stimuler la demande et de retarder le retour à la stabilité des prix. La publication de l’emploi (+517k en janvier, chômage à 3,4%), beaucoup plus fort qu’attendu, viendra toutefois inverser le courant acheteur. Le coût du travail à 5,1% reste objectivement incompatible avec une inflation à 2% de façon pérenne.

La BCE augmente ses taux de 50pb et projette une hausse similaire en mars pour porter le taux de dépôt à 3% dès mars. Lagarde n’exclut pas de poursuivre le relèvement des taux, mais d’autres instruments contribueront au resserrement monétaire. L’inflation sous-jacente est à 5,2% en janvier. La résilience de l’économie soutenue par les transferts publics, le pouvoir de marché des entreprises et l’impact du redémarrage chinois sur les prix des matières premières sont autant de facteurs inflationnistes à surveiller pour la BCE. La BoE semble avoir retrouvé la confiance des marchés et agit en conséquence. Le repo est à 4% désormais et s’approche de son sommet. La Banque est aussi plus confiante sur la dynamique de désinflation et a réduit l’ampleur de la récession attendue. Les tensions salariales persistantes seront déterminantes pour la stabilité des prix.

Renversements de marché

La hausse des marchés de 2023 est impressionnante. Les valeurs les plus vendues à découvert sont aujourd’hui les plus performantes. Au lendemain du FOMC, les actions les plus vendues gagnaient 7% à New York. Les volumes sans précédents d’options à expirations journalières sont le carburant de renversements de marché parfois violents. La faiblesse de la volatilité implicite à 1 mois (VIX, V2X) est un paradoxe et reflète probablement la moindre incertitude perçue sur les taux terminaux des cycles monétaires. La courbe américaine reste inversée (2-10 ans à -70 pb) et l’ajustement des taux réels à long terme laisse perplexe. Les marchés agissent comme si l’inflation avait déjà disparu. Cette baisse de la volatilité (et des primes de risque) compense le recul des profits du S&P 500 (-4% sur un an, sur la première moitié des publications).

La croissance légèrement positive en zone euro valide l’optimisme entrevu en début d’année, tout comme les nouveaux investissements européens répondant à l’Inflation Reduction Act de Biden. Cela favorisera la prise de risques tant que la BCE ne voit pas les dépenses publiques comme vecteurs d’inflation. Les transferts devront être réduits, sous peine de voir se durcir la politique monétaire. Les rendements obligataires ont ignoré la hausse des taux et rechuté sous 2,10% sur le 10 ans allemand. L’appétence pour la duration n’est justifiable qu’en cas de récession ou de retour immédiat à la stabilité des prix. Nourris à l’opium de la «désinflation immaculée», les marchés en oublieraient presque le portage fortement négatif des obligations à long terme. Le primaire reste aussi extrêmement actif. Toutefois, la vitesse de l’ajustement des 10 ans provoque un élargissement des spreads 10 ans-30 ans aux Etats-Unis comme en zone euro.

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