La BCE attendue au tournant

Axel Botte, Ostrum AM

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Les remboursements de TLTRO accélèrent avant la communication de la BCE sur le resserrement quantitatif.

L’heure est à l’habillage des bilans pour la clôture annuelle. La profondeur du marché se dégrade toujours à l’approche de la trêve des confiseurs. Néanmoins, les réunions des Banques centrales mi-décembre ne manqueront pas de raviver la volatilité une dernière fois en 2022. La banque centrale européenne (BCE) devrait dévoiler sa stratégie de resserrement quantitatif (QT) et son articulation avec la politique de taux et l’amortissement des targeted longer term refinancing operations (TLTRO). La Fed dessinera une nouvelle trajectoire pour les Fed funds en 2023 et au-delà, alors que les conditions financières se sont largement détendues depuis un mois et demi. L’inflation reflue plus rapidement que prévu grâce à la forte baisse du pétrole qui s’échange autour de 71 dollars sur le WTI. Les points morts d’inflation pointent logiquement à la baisse. Les rendements à long terme restent sous pression avec des courbes de taux d’autant plus inversées. Le T-note plafonne ainsi à 3,50% avec un écart 2-10 ans sous -80 pb. Le Bund 10 ans s’échange autour d’1,85% en fin de semaine. Les spreads souverains se maintiennent à des niveaux relativement serrés et les spreads de crédit restent bien orientés. La nouvelle détente des swap spreads profite enfin aux obligations sécurisées en retard de performance depuis un mois. Les spreads du high yield s’écartent en revanche en Europe comme aux États-Unis de près de 10pb.

L’inversion de la courbe des taux américains reste très significative.
Powell peine à convaincre

La BCE se réunit jeudi 15 décembre. Une hausse des taux de 50pb portant le taux de dépôt à 2% semble acquise. L’incertitude porte davantage sur la politique bilancielle et l’articulation des différents instruments de politique monétaire. Le remboursement des TLTRO s’est accéléré la semaine passée. Le total remboursé par anticipation atteint 447 milliards d’euro qui s’ajoutent au premier flux de 296 milliards d’euros. L’encours résiduel a fondu de 2217 milliards d’euros au plus haut en juin 2021 à 1373 milliards d’euros désormais. Les colombes de la BCE verront dans cette contraction du bilan (certes à l’initiative des banques) un argument pour retarder l’amortissement de l’APP. À l’instar de la politique de la Fed, le QT de la BCE sera limité à un montant fixe chaque mois. Les tombées de 2023 représentent environ 1% du programme d’achats d’actifs (APP). En outre, la flexibilité du Programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP) sera maintenue pour encadrer les risques financiers. Les données de PEPP des mois d’octobre et novembre montrent que la BCE a racheté le Bund au détriment des dettes périphériques, effaçant le soutien mis en œuvre au début de l’été. Étonnamment, le même mouvement favorable au Bund s’observe sur les flux de novembre sur l’APP. Le non-réinvestissement de lignes d’Autriche a sans doute joué un rôle dans l’élargissement des dette core. Compte tenu du calendrier d’émissions de janvier et des hausses de taux prévues jusqu’au printemps, le QT de l’APP pourrait débuter en avril. La tâche de la Fed semble plus simple à première vue, mais Powell peine à convaincre les marchés de la nécessité de resserrer davantage. L’inflation va baisser, mais le retour à 2% reste hypothétique, compte tenu de l’inertie des prix des services, du risque alimentaire (+3,7%m en novembre dans l’IPP alimentaire) et du déséquilibre persistant sur le marché du travail. Les projections de taux seront probablement relevées à l’issue du prochain FOMC qui devrait valider la hausse de 50pb attendue. Parallèlement, la Banque de Chine a relevé son taux de 50pb, tout en communiquant son intention d’étudier la nécessité de nouveaux ajustements. Une dernière hausse de 25pb devrait intervenir en janvier.

Des opportunités de valeur relative.

L’inversion de la courbe des taux américains reste très significative. Le spread 2-10 ans à -80pb traduit la demande de sensibilité aux taux longs, conformément aux attentes de diminution de l’inflation. La stratégie de refinancement du Trésor influe également sur la forme de la courbe. Si l’essentiel du financement 2023 provient d’une hausse de l’encours des bills, le besoin de financement à long terme en serait réduit, principalement fonction du QT de la Fed, et donc facilement prévisible. Cela diminuerait le risque associé à une position longue. En zone euro, les taux longs sont également inférieurs au 2 ans. La hausse du taux de dépôt devrait constituer un plancher. Le Bund s’échange pourtant sous 2%, malgré l’imminence de la hausse du taux du dépôt. Les remboursements anticipés de TLTRO et le QT attendu faciliteront probablement une normalisation graduelle de cette situation de portage négatif. Les spreads souverains semblent insensibles aux rallonges budgétaires annoncées. Les marchés liquides sont privilégiés, de sorte que les petits souverains core se sont rapprochés des spreads français. La dette belge s’élargit aussi. Cela offre des opportunités de valeur relative à terme.

Sur les marchés du crédit, le rétrécissement des spreads continue. Les valorisations se sont normalisées avec un spread moyen euro IG de l’ordre de 174pb contre Bund. Le marché primaire s’est ralenti après une activité élevée en novembre. Les émetteurs ont mis à profit la détente des spreads et les flux entrants sur les fonds pour placer leurs nouveaux emprunts. Le high yield est en revanche orienté à l’élargissement. Une dynamique de décompression semble être à l’œuvre. Le marché souffle.

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