Politique de placement: un ralentissement progressif

Erik Fruytier, Gonet & Cie

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Peu s’attendaient à ce que la hausse des taux d’intérêt soit à l’origine d’une crise de confiance dans le secteur bancaire.

Les investisseurs ont bénéficié d’un mois de janvier record, les marchés s’étant redressés après une année 2022 bien difficile. Le discours dominant narrait que l’inflation avait atteint son pic au quatrième trimestre et que, par conséquent, les investisseurs pouvaient commencer à anticiper des statistiques d’inflation progressivement plus basse. La principale question était de savoir si les banques centrales seraient en mesure d’ajuster correctement leur politique monétaire afin d’orchestrer un «atterrissage en douceur» de l’économie. Les premières statistiques économiques de 2023 ont révélé des surprises positives en Europe, tandis que les données sur l’inflation aux États-Unis ont commencé à se détendre comme prévu. En conséquence, la Fed a modifié le rythme des hausses de taux de 50 à 25 points de base. Progressivement, le scénario de l’atterrissage en douceur est devenu plus consensuel. Cette impression a été confirmée par des chiffres toujours robustes sur le marché du travail, en particulier aux États-Unis, mais aussi en Europe. Dans l’ensemble, ce résultat serait considéré comme positif. Cependant, les investisseurs ont rapidement commencé à s’inquiéter, constatant que les hausses de taux n’avaient pas l’effet escompté ou étaient insuffisantes pour ralentir l’économie à un rythme qui ramènerait l’inflation aux niveaux souhaités. Comme les investisseurs essaient le plus souvent d’extrapoler les tendances existantes, il n’a pas fallu longtemps pour qu’un nouveau discours domine la pensée du marché: «pas d’atterrissage». Ce scénario nécessiterait un retour à des hausses de 50 points de base de la part de la Fed et un maintien de l’attitude optimiste de la part de la BCE. La volatilité du marché obligataire a fortement augmenté, avec des fluctuations importantes des rendements à deux ans pour refléter les taux directeurs anticipés, tandis que les taux longs avaient fortement augmenté pour refléter une croissance et une inflation «cœur» plus élevées.

Dans ce contexte d’évolution rapide des anticipations économiques, il convient de noter que de surcroît la saison des bénéfices des entreprises a été meilleure que prévu. Alors que la croissance des bénéfices était devenue négative et que les marges maximales semblaient avoir été atteintes dans ce cycle, les investisseurs avaient craint des prévisions plus mauvaises de la part des dirigeants. Le secteur manufacturier commençait à connaître un ralentissement, tandis que le secteur des services continuait de bénéficier d’une forte demande de la part des consommateurs. Étonnamment, malgré tous les discours sur le ralentissement à venir, peu de signes indiquaient que les consommateurs avaient l’intention de réduire leurs dépenses. Les experts estiment que tant que le chômage est faible, les gens restent largement positifs et prêts à consommer.

Alors que le marché s’installait dans le scénario d’un «atterrissage en douceur» ou d’une «absence d’atterrissage», un nouvel élément est apparu: la plupart des investisseurs s’attendaient à ce que la hausse des taux d’intérêt ralentisse l’économie en raison de la baisse des investissements des entreprises et du ralentissement de la consommation; cependant, peu d’entre eux s’attendaient à ce qu’elle soit à l’origine d’une crise de confiance dans le secteur bancaire. La surprise est en effet venue d’une perte soudaine de confiance dans la Silicon Valley Bank (SVB), une banque régionale californienne, mise à mal par la mauvaise gestion de ses actifs et de ses passifs, la forte hausse des taux d’intérêt ayant fait baisser la valeur de ses investissements. La banque a été obligée d’en vendre certains à perte pour faire face aux retraits des clients. Lorsque ces derniers ont commencé à craindre de ne plus pouvoir accéder à leurs dépôts, ils ont accéléré leurs retraits et le cercle vicieux fatal s’est mis en marche. Les autorités américaines ont dû intervenir et garantir tous les dépôts afin d’enrayer la panique.

Les conséquences de la crise de confiance émergente se sont étendues à l’ensemble du secteur financier. Les autorités suisses ont dû faire usage de leurs pouvoirs pour organiser le sauvetage du Credit Suisse par le biais d’une fusion avec UBS, tandis que les autorités américaines cherchent des solutions pour une série de banques régionales. La crise de confiance dans certaines parties du secteur financier aura des conséquences importantes sur les actions des banquiers centraux. Ces derniers devront continuer de monter les taux pour lutter contre l’inflation tout en proposant des solutions spécifiques visant à restaurer la confiance dans le secteur bancaire. Le marché commence maintenant, une fois de plus, à évaluer un ralentissement économique en conséquence de la crise de confiance.

Si nous prenons à présent un peu de recul, nous continuons d’observer un ralentissement progressif, mais aussi une économie globalement résiliente et des chiffres d’inflation plus bas. Les taux d’intérêt ont été relevés de manière agressive et finiront par ralentir l’économie. Nous sommes restés diversifiés en sous-pondérant les actions et en équipondérant les titres à revenu fixe. Contrairement à 2022, les obligations et les actions sont moins corrélées cette année, ce qui confère une plus grande stabilité aux portefeuilles équilibrés. Nous resterons prudents tout en observant l’évolution de la crise de confiance actuelle. Nous devrons en comprendre correctement les implications économiques et financières. Heureusement, les autorités financières ont tiré les leçons de la grande crise financière de 2008. Dans l’ensemble, les banques sont dans une position beaucoup plus solide et les autorités disposent des outils et du cadre juridique nécessaires pour prendre des mesures immédiates.

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