The Merge, la grande mise à jour d'Ethereum

Charles-Henry Monchau, Syz

5 minutes de lecture

Outre le regain d’appétence au risque, l’important changement de fonctionnement de la blockchain prévu le 19 septembre est aussi à l’origine du rebond de l’Ether.

D’Ethereum à Ethereum 2.0

Lancé le 30 juillet 2015, Ethereum est un protocole d’échange décentralisé qui permet aux utilisateurs de mettre en place des contrats intelligents («smart contracts»). Il s’agit en fait de contrats préétablis, des applications qui s’auto-exécutent sans l‘intervention d’une tierce partie pour en assurer l’authenticité. Par exemple, grâce à Ethereum vous pouvez établir un contrat futur selon lequel vous décidez d’acheter un bien seulement lorsque certaines conditions seront remplies. Le protocole de l’Ethereum permet la vérification ainsi que la mise en application d’un contrat mutuel entre les parties sur la blockchain. Ce protocole permet aux développeurs de créer des applications, de stocker des registres et de transférer des fonds conformément à des instructions passées, etc.

Depuis 2017, des milliers d’entreprises diverses ont développé leurs «smart contracts» et utilisent le plus souvent le protocole Ethereum ainsi que les jetons Ether (ETH) comme moyen de règlement.

Le succès grandissant de l’Ethereum provient notamment de sa position de blockchain de choix pour de nombreux produits et services qui utilisent des applications DeFi – ou finance décentralisée. Ces nouvelles applications visent à remplacer les produits financiers traditionnels – comme les prêts, l’épargne, les produits dérivés, etc. – par l’utilisation d’une technologie décentralisée, plutôt que de s’appuyer sur une entreprise ou une banque. Autre développement favorable pour le protocole Ethereum: la croissance exponentielle des NFT (Non-Fungible Tokens). De nombreux projets NFT tels que CryptoPunks ou Decentraland ont leur «smart contracts» sur la blockchain Ethereum. Et comme de plus en plus d’utilisateurs affluent pour interagir avec ces applications, ils ont besoin d’ETH pour effectuer leurs transactions.

La blockchain d’Ethereum reprend plusieurs principes introduits par le Bitcoin, notamment le «minage». Le succès grandissant de l’Ethereum auprès du public a attiré un nombre croissant de nouveaux mineurs. La répercussion de cet engouement est un accroissement de la difficulté du minage qui peut à terme décourager les mineurs indépendants pour qui l’Ether ne sera alors plus une cryptomonnaie rentable. Pour éviter une envolée de la difficulté de minage, des mises à jour ont dû être planifiées.

Ce fut le cas en 2018 avec une nouvelle version nommée Serenity. La transition vers une l’Ethereum 2.0 se déroule en plusieurs étapes et engendre un changement du mode de validation, de type Proof-of-Work (preuve de travail) à un procédé de validation appelé Proof-of-Stake (preuve d’enjeu).

«Proof-of-Work» versus «Proof-of-Stake»

Le modèle actuel de «Proof of Work» (PoW) est le procédé d’origine des blockchains. Il s’agit d’un système dans lequel les ordinateurs sont en compétition avec pour objectif d’être les premiers à résoudre des équations complexes. Ce processus est communément appelé «minage», car l’énergie et les ressources nécessaires pour résoudre l’équation sont souvent considérées comme l’équivalent numérique du processus réel d’extraction de métaux précieux. Lorsqu’un mineur résout cette équation avant les autres mineurs, il est autorisé à créer un nouveau bloc. Si tout se vérifie, le nouveau bloc est «enchaîné» au bloc précédent, créant ainsi une chaîne chronologique de transactions. Le mineur est alors récompensé par des cryptomonnaies pour avoir fourni ses ressources (source: finance-mag.com).

Dans le système «Proof-of-Stake» (PoS), les validateurs (l’équivalent des mineurs) sont choisis pour générer un nouveau bloc en fonction du nombre de jetons qu’ils détiennent plutôt que de laisser une compétition arbitraire entre mineurs déterminer qui peut ajouter un bloc. Ceux qui sont choisis récupèrent en échange des récompenses de la part de cette blockchain. Dans ce système («staking»), le montant de la «mise» (stake), c’est-à-dire la quantité de cryptomonnaie immobilisée par un utilisateur, remplace le travail effectué par les mineurs. Cette structure de preuve d’enjeu sécurise le réseau car un participant potentiel doit acheter la cryptomonnaie et la détenir afin d’être choisi pour créer un bloc.

Source: cryptovore.fr

 

The Merge

Comme mentionné ci-avant, le réseau Ethereum s’apprête à transitionner du «proof-of-work» (PoW) au «proof-of-stake» (PoS). Ce processus implique les étapes suivantes:

  • Etape 1: la création et le lancement de la «Beacon chain» ont eu lieu le 1er décembre 2020. C’est cette mise à jour qui a permis d’introduire le PoS sur Ethereum. Pour cette raison, elle est appelée la «couche de consensus» (consensus layer).
  • Etape 2: remplacer le mécanisme de consensus PoW par PoS. La chaîne existante, le Mainnet, agira alors comme la «couche d'exécution», car le système de PoW actuel sera remplacé par la chaîne Beacon.

La couche de consensus s'occupera de la sécurité du réseau. La couche d'exécution est l'endroit où les contrats intelligents sont exécutés et où les transactions sont créées.

The Merge est donc la mise à jour qui permettra de relier ces deux chaînes pour qu'elles n'en forment plus qu'une. C’est cette étape qui va permettre le passage à Ethereum 2.0.

Cette fusion mettra fin à la pratique du minage de l'ETH et la remplacera par un processus dans lequel les détenteurs d’ETH pourront mettre en gage leurs jetons existants afin d'en créer d'autres. Selon la Fondation Ethereum, le modèle de preuve d'enjeu rendra le réseau Ethereum 99% plus respectueux de l'environnement.

Source: CryptoPotato

 

Cette étape très importante a cependant été différée à de multiples reprises. Elle est désormais prévue pour le 19 septembre de cette année et a déjà été testée à de multiples reprises.

Mais cette mise à jour n’est pas la dernière. En effet, selon le cofondateur d’Ethereum, la blockchain n’est finalisée qu’à hauteur de 40%. Après la fusion, ce chiffre atteindra 55%. A titre de comparaison, il estime que Bitcoin est abouti à 80%. Pour la blockchain Ethereum, toute une série de mises à jour d’importance reste à mener. Après The Merge, les étapes Surge, Verge, Purge et Splurge suivront afin de rendre le réseau plus puissant et robuste.

Ce qui va changer pour Ethereum et ETH

Le staking

Le changement du mode de validation implique un mode de récompense différent. Avec le PoS, les validateurs immobilisant leurs tokens ETH en «garantie» sont récompensés. Plutôt que de recevoir une récompense de bloc, les validateurs reçoivent directement les frais dépensés par les utilisateurs du réseau. Les récompenses dépendent du montant total d’Ethereum investi sur le réseau. Elles peuvent aller de 18% par an pour moins d’1 million de mises, à 1,8% pour plus de 100 millions. Ce processus - le staking - est déjà en place sur la Beacon Chain.

Les investisseurs devront déposer un minimum de 32 ETH (d'une valeur d'environ 50 000 dollars) pour participer au staking, bien que certains services proposent le staking pour les investisseurs avec seulement 0,01 ETH. Les rendements offerts pourraient attirer un grand nombre d'investisseurs institutionnels et privés.

Le minage ne sera plus possible

Lorsqu’Ethereum sera passé au PoS, il ne sera plus possible de vérifier les transactions sur le Mainnet par le biais du minage. Au lieu de cela, les validateurs de la chaîne Beacon confirmeront alors toutes les nouvelles transactions. Le taux de mise en circulation de nouveaux jetons diminuera d'environ 90%, car les récompenses du minage, qui sont plus importantes que celles du staking, cesseront.

La consommation d'énergie devrait baisser de 99%

L'un des effets de la transition vers une blockchain plus durable pourrait être que les investisseurs et les projets seront plus disposés à adopter la blockchain Ethereum.

Coûts réduits et sécurité accrue

Le mode actuel de consensus par le PoW est extrêmement énergivore. Avec le PoS, les coûts globaux devraient baisser de manière significative et continuer à diminuer à mesure que le nombre d’'utilisateurs augmente.

Les mises à jour prévues améliorent la sécurité d'Ethereum, car les validateurs doivent mettre en gage des montants importants d'ETH. En cas de tentative de fraude, le protocole peut automatiquement détruire leurs ETH.

Enfin, PoS, qui est moins coûteux que le minage, devrait encourager davantage de personnes à devenir des validateurs, augmentant ainsi la décentralisation du réseau.

Le sharding

Il s’agit d’un processus qui divise le travail de validation en plus petites quantités et qui devrait permettre au réseau de gérer davantage de transactions. Il pourrait également augmenter le nombre de participants au réseau en permettant de valider les transactions sur de petits appareils, comme les téléphones. Le sharding ne fait pas partie de la fusion, mais sera déployé lors des prochaines mises à jour et permettra d’améliorer les performances de la blokchain.

Un actif déflationniste

Avec la première version de l’Ethereum, la perception du marché était la suivante: l’offre de Bitcoin est limitée dans le temps alors que celle de l’Ethereum est illimitée. Mais la transition vers Ethereum 2.0 implique une évolution fondamentale: l’ETH pourrait devenir une cryptomonnaie déflationniste, et ce pour les raisons suivantes:

  1. Avec le passage au PoS, il n'y aura plus de récompenses de minage. Par conséquent, les émissions de nouveaux jetons ETH vont chuter de manière significative.
  2. Le staking réduit de facto le nombre de jetons en circulation. En effet, la Beacon chain (PoS) fonctionne déjà depuis décembre 2020 et une partie de l'offre d'ETH (12 millions de jetons, soit environ 10% de l'offre actuelle) est déjà en staking.
  3. Une mise à jour ayant eu lieu en 2021 – l’EIP 1559 (baptisée «London») - a introduit le «coin burn» (combustion des jetons) dans la blockchain. Selon cette pratique, lors de chaque transaction sur le réseau, des ETH sont désormais brulés. Le processus a déjà commencé puisque on estime que 3.10 ETH sont en moyenne détruits chaque minute depuis la mise en place de l’«upgrade».

Sur un plan comptable, l’augmentation de l’offre d’ETH générés via les récompenses de staking ne sera pas suffisante pour compenser la disparition des récompenses de bloc (minage) et la combustion d’ETH ayant lieu à chaque transaction. En d’autres termes, l'offre nette d'ETH devrait diminuer.

Il pourrait s’agir d’une équation très attrayante pour les investisseurs: le succès grandissant du protocole Ethereum pourrait non seulement faire augmenter la demande d’ETH mais il va également réduire l’offre – le parfait «effet ciseau». Une évolution qui devrait encourager davantage d’investisseurs à «hodler» l’ETH.

Source: Monnos

 

Implications pour l’ETH

Alors que le Bitcoin a attiré la plupart des regards ces dernières années, l’intérêt pour l’Ethereum est grandissant. Malgré la chute vertigineuse (-55%) de l’Ether en 2022, la blockchain Ethereum continue d’innover. Evoqué depuis plusieurs mois, The Merge permettra à Ethereum de passer de la preuve de travail à la preuve d’enjeu. L’émission de nouveau jetons va fortement baisser alors que la consommation d’énergie connaitra une baisse considérable, permettant de faire d’Ethereum une blockchain moins énergivore. Même si l’Ether reste un actif hautement spéculatif, la mise à jour du 19 septembre pourrait constituer un catalyseur favorable pour l’ETH que cela soit en tant qu’investissement à long-terme ou comme actif de rendement via le staking.

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