Le spectre de l'inflation a peu de chances d'enrayer le rebond des actions

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Les fluctuations sectorielles reflètent la préoccupation des investisseurs face au regain d'inflation et à la hausse des rendements obligataires.

Après un récent sommet historique, l'indice S&P 500 a baissé de 1,4% il y a une dizaine de jours, plombé par la crainte d'un resserrement monétaire de la Réserve fédérale américaine face au regain de l'inflation. En avril, l'indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis est ressorti en hausse de 4,2% en glissement annuel (un taux supérieur à celui de 3,6% prévu par le consensus), contre 2,6% en mars.

Les anticipations d'inflation des participants au marché ont également augmenté: le point mort d'inflation à dix ans aux Etats-Unis implique désormais un taux moyen d'inflation de 2,5%, non loin de son plus haut niveau depuis 2013, contre 2% en début d'année.  

Craintes liées à l’inflation

Les fluctuations sectorielles reflètent la préoccupation des investisseurs face au regain d'inflation et à la hausse des rendements obligataires, comme en témoigne la surperformance des paris sur la relance et des valeurs décotées par rapport aux valeurs technologiques et de croissance.

Le regain d'inflation devrait rester au cœur de toutes les attentions car la reprise économique post-pandémie s'accélère.

Les titres américains du secteur de l'énergie ont surperformé le marché de 0,6 point de pourcentage sur une semaine, tandis que les valeurs financières ont surperformé de 1,7 point. L'indice Nasdaq Composite, qui fait la part belle aux valeurs technologiques, a cédé 2,3% dans la foulée.  

La publication de l'IPC aux États-Unis a accentué la peur de l'inflation alimentée par les chiffres de l'emploi salarié non agricole au mois d'avril, qui suggéraient l'existence d'une pénurie de main d'œuvre et d'une inflation salariale (le taux horaire moyen a grimpé de 0,7% alors que le consensus tablait sur une stabilité).

Des «prix payés» record

D'autres indicateurs alimentent cette peur de l'inflation. La composante «prix payés» de l'enquête de l'ISM en avril est à son plus haut niveau depuis 2008, aussi bien dans le secteur manufacturier que dans celui des services.

Les prix à la sortie des usines chinoises sont ressortis en hausse de 6,8% en glissement annuel en avril – il faut remonter trois ans en arrière pour retrouver un taux aussi élevé – et les prix de plusieurs matières premières (notamment le cuivre, le bois d'œuvre et le maïs) sont à des sommets pluriannuels, voire historiques.  

Et la reprise s’accélère

Le regain d'inflation devrait rester au cœur de toutes les attentions car la reprise économique post-pandémie s'accélère. Toutefois, même si la peur de l'inflation devrait occasionner des accès de volatilité, il convient de continuer à se positionner dans l'optique de la relance. Car ces fluctuations sont aussi une occasion de s'exposer aux gagnants structurels.

Le récent rapport de la Recherche d’UBS intitulé «How are we thinking about fears in the market», a examiné plusieurs sources potentielles de volatilité des marchés, dont la peur de l'inflation. A cet égard, le dernier accès de volatilité n'est guère surprenant. Pour autant, il ne présage pas d'une fin du marché haussier.  

Le pari d’une inflation éphémère

Au contraire, il est fort probable que le regain d'inflation s'avère éphémère. Son augmentation reflète des comparaisons en glissement annuel (avec un effet de base qui ira en s'atténuant), mais aussi le rebond des cours des matières premières à partir des plus bas artificiels liés à la pandémie. Sa hausse répercute aussi la flambée de la demande dans certains marchés tels que l'hôtellerie, le transport aérien et les voitures d'occasion avec le déconfinement.

Les grandes banques centrales ont indiqué qu'elles n'envisageaient pas un resserrement monétaire en réaction à une hausse temporaire des prix.

Les cours des matières premières pourraient encore grimper mais l'essentiel de la hausse est probablement déjà derrière. En outre, la pénurie de main-d'œuvre devrait se résorber dans les mois à venir avec la réouverture totale des établissements scolaires, la poursuite de la campagne de vaccination et l'atténuation des frictions sur le marché de l'emploi.  

Trois conseils à retenir

A noter que les grandes banques centrales ont aussi indiqué qu'elles n'envisageaient pas un resserrement monétaire en réaction à une hausse temporaire des prix. Les responsables de la Fed ont véhiculé ce message il y a dix jours. Par exemple, Lael Brainard, qui siège au conseil des gouverneurs, a estimé que la patience était de mise le temps que les distorsions créées par la pandémie se résorbent. Voici, pour l’immédiat, trois conseils:  

  1. Se positionner dans l'optique de la reflation
    Depuis quelques mois, UBS a préconisé de se positionner dans l'optique de la relance en pariant sur des secteurs tels que l'énergie et la finance qui, par le passé, ont profité de la remontée de l'inflation ou des rendements obligataires. La surperformance de ces secteurs ces dernières semaines montre que ce schéma est en train de se vérifier.
    Alors que l'incertitude quant à l'évolution de l'inflation perdure et que le déconfinement de l'économie reste d'actualité, tout porte à croire que le pari sur la relance est appelé à se poursuivre. Il convient dès lors de privilégier les valeurs financières et celles de l'énergie, les matières premières et les marchés émergents.
  2. Rechercher la croissance structurelle
    La hausse des rendements obligataires pèse notamment sur les valeurs de croissance, ce qui permet aux investisseurs de long terme de se positionner à bon compte sur des gagnants structurels.
    Même si les géants technologiques présentent un potentiel de hausse limité à court terme, il vaut sans doute toujours la peine de préférer les entreprises exposées à des tendances telles que la 5G ou les technologies financières («fintech»), vertes («greentech») et médicales («healthtech»).
  3. Se servir de la volatilité pour investir et se protéger
    Dans la mesure où l’on estime que le regain d'inflation s'avérera transitoire et que les actions ont encore une marge de progression, les investisseurs peuvent tirer parti de la volatilité pour constituer une exposition à long terme aux actions. Ils peuvent engager progressivement des capitaux tous les mois et accélérer le rythme si les marchés baissent davantage.
    Il est possible d'obtenir des résultats similaires au moyen de stratégies sur produits structurés. Pour les investisseurs qui peuvent recourir aux options, la vente de puts hors du cours (out-of-the-money) est une stratégie susceptible de générer des revenus. Autre avantage: le vendeur s'engage en amont à acheter à des niveaux plus bas.

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