Secteur technologique: les menaces sont certainement exagérées

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Beaucoup de petites start-up chinoises ont suspendu leurs projets d'IPO. Elles ont peur de connaître le même sort qu'Alibaba avec sa filiale Ant Group.

© Keytone

Les valeurs technologiques internationales comptent parmi les principales bénéficiaires de la pandémie du Covid-19 en raison du confinement de la population et de la baisse des taux d'intérêt. Cette année, la hausse des taux d'intérêt et la perspective d'un déconfinement de l'économie grâce aux campagnes de vaccination ont accentué la volatilité des valeurs technologiques. A présent, ce secteur doit également composer avec la perspective d'un durcissement de la réglementation et d'une augmentation de la pression fiscale.

En Chine, l'autorité de la concurrence a infligé la semaine dernière une amende record de 2,75 milliards de dollars à Alibaba pour des pratiques anticoncurrentielles. Selon certains médias, une bonne centaine de petites start-up chinoises ont suspendu leurs projets d'introduction en Bourse. En effet, elles ont peur de connaître le même sort qu'Alibaba avec sa filiale Ant Group, dont l'introduction en Bourse a été bloquée par les autorités.

Apple et Google auditionnés

Par ailleurs, Apple a accepté l'audition de l'un de ses dirigeants par le Sénat américain pour répondre à des accusations de pratiques anticoncurrentielles liées à son magasin d'applications. Ceci quelques jours après avoir suscité un tollé en refusant d'y participer. Auparavant, Google avait déjà accepté de prendre part à de telles auditions.

Google et Apple profitent tous deux
de la fiscalité avantageuse de l'Irlande.

Dans le même temps, le président Joe Biden a proposé de relever le taux de l'impôt sur les sociétés de 21 à 28% et le taux d'imposition applicable aux revenus internationaux tirés d'actifs incorporels (régime GILTI) de 10,5 à 21%. Enfin, l'administration américaine plaide par le biais de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, pour un taux minimum de l'impôt sur les sociétés au niveau mondial.

L'appel au durcissement de la réglementation et de la fiscalité des géants technologiques devrait perdurer mais il convient de ne pas surestimer son impact sur le secteur.

Course à la modernisation

Les autorités de réglementation ne voudront certainement pas handicaper leur pays dans la course mondiale au progrès technologique, ni freiner le progrès, l'innovation et le développement. Cette course au progrès technologique est de plus en plus bipolaire: les Etats-Unis et la Chine sont en concurrence pour devenir le leader du monde digital. Dans son plan quinquennal, Pékin s'est fixé pour objectif de devenir autosuffisant dans le domaine technologique étant donné les tensions avec les Etats-Unis.

Le plan de 2250 milliards de dollars en faveur des infrastructures proposé par le président Biden vise en partie à renforcer la compétitivité des Etats-Unis face à la Chine. Sur cette enveloppe, 50 milliards de dollars seront affectés à la fabrication de semi-conducteurs sur le territoire national, ainsi qu’à la recherche et au développement. Des dizaines de milliards de dollars en crédits supplémentaires sont prévus pour la modernisation des réseaux Internet à haut débit.

Les limites de la réglementation

En 2017, la Chine a créé une plate-forme pour centraliser la compensation des paiements en ligne afin de favoriser l'émergence de nouveaux entrants sur le marché. Quatre ans plus tard, les deux acteurs historiques dominent toujours le marché. Et il est peu probable que les autorités de réglementation arrivent à faire en sorte que les utilisateurs ou les institutions délaissent les plates-formes dominantes.

Aux Etats-Unis, l'enquête antitrust sur les quatre géants technologiques menée par la Chambre des représentants pendant seize mois n'a débouché sur aucune proposition radicale telle qu'un démantèlement.

Pas d’accord en vue

Un accord au niveau mondial sur la fiscalité des entreprises n'est pas pour demain. Suivant les modalités retenues, un taux minimal d'imposition des sociétés pourrait avoir un impact sur les géants technologiques. Par exemple, Google et Apple profitent tous deux de la fiscalité avantageuse de l'Irlande.

Les investisseurs feraient bien de mettre à profit
la volatilité pour accentuer leur exposition à long terme.

Néanmoins, les négociations, qui devraient se tenir dans le cadre de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), n'ont pas encore commencé. Il s'agirait d'un très long processus dont la réussite n'est pas acquise.

Quel impact sur les bénéfices?

Les propositions de Joe Biden auront un impact limité sur les bénéfices des entreprises. Aux Etats-Unis, les entreprises tournées vers le marché intérieur seraient pénalisées par le taux d'imposition plus élevé. Et les entreprises multinationales seraient touchées par le durcissement du régime GILTI. Mais, dans l'ensemble, si un compromis est trouvé sur la base du taux de 25% qui est déjà en cours de discussion, l'impact sur les bénéfices des entreprises serait modeste.

Dans son scénario de référence, la Recherche d’UBS table sur un taux d'imposition de 25% sur les bénéfices dégagés aux Etats-Unis, qui amputerait les bénéfices 2022 de 4%. Il en a déjà été tenu compte dans la prévision de croissance du bénéfice par action, qui s'élève à 13% l'an prochain.

Tirer parti de la volatilité

Par conséquent, même si l'actualité relative au durcissement de la fiscalité et de la réglementation pourrait continuer d'alimenter la volatilité des valeurs technologiques, ces dernières continueront certainement de surfer sur la perspective d'une croissance structurelle. En outre, les investisseurs feraient bien de mettre à profit la volatilité pour accentuer leur exposition à long terme.

A moyen terme, une meilleure visibilité sur la réglementation antitrust permettrait de stabiliser la confiance. Les investisseurs peuvent également s'intéresser à des secteurs moins vulnérables à un durcissement de la réglementation, comme l'économie des services digitaux par abonnement.

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