Pourquoi vendre en mai pourrait ne pas s'avérer payant

James Mazeau, UBS Global Wealth Management

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Même s'il faut s'attendre à de nouveaux accès de volatilité dans les mois à venir, les investisseurs feraient bien de rester exposés en diversifiant leur portefeuille.

©Keystone

Depuis qu'ils ont touché le fond en mars 2020, les marchés des actions ont enregistré un rebond impressionnant. Après avoir dévissé de 34% en l'espace de seulement 24 séances – ce qui en fait le marché baissier le plus rapide de l'histoire – le S&P 500 a progressé de 88% depuis son point bas de 2020 et tutoie aujourd'hui des sommets historiques à plus de 4’200 points. 

La période de l'année qui débute est, historiquement, moins favorable à la hausse des cours. Alors que de nombreux indices boursiers enchaînent les nouveaux sommets, que certains indicateurs de confiance se situent à des niveaux très élevés et que la propagation de nouveaux variants du coronavirus continue de hanter les investisseurs, ces derniers pourraient être tentés de suivre le vieil adage «Sell in May and go away». 

En Europe, lors des quinze dernières années,
le mois de juin s'est achevé dans le rouge dans 80% des cas.
Les raisons d’un dicton

Ce dernier repose sur le postulat que les actions ont tendance à sous-performer entre mai et octobre. Les données historiques lui confèrent un certain crédit. En Europe, par exemple, lors des quinze dernières années, le mois de juin s'est achevé dans le rouge dans 80% des cas. Ces années-là, la stratégie inspirée du vieil adage consistant à prendre ses bénéfices début mai pour investir dans des liquidités, puis revenir sur les marchés à la fin de l'automne a surperformé celle consistant à rester exposé. 

Toutefois, même s'il faut s'attendre à de nouveaux accès de volatilité dans les mois à venir, il vaut mieux rester exposé en veillant tout de même à diversifier son portefeuille, et ce pour trois bonnes raisons:  

1. La stratégie consistant à prendre ses bénéfices en mai ne porte pas ses fruits sur tous les marchés

Elle s'est avérée payante en Europe mais, aux Etats-Unis, c'est la stratégie consistant à rester investi qui a eu tendance à surperformer, notamment ces dernières années. La composition du marché américain, qui fait la part belle aux valeurs de croissance, explique en partie cette surperformance. Le poids du secteur technologique dans l'indice S&P 500 atteint désormais 27%, contre seulement 8% pour l'indice MSCI Europe. Un investisseur qui aurait tenté de profiter de fluctuations saisonnières sur le marché américain serait passé à côté de la surperformance des valeurs de croissance lors du marché haussier amorcé au lendemain de la crise financière de 2008/2009. 

Les actions chinoises ont rebondi de plus de 20%
entre mai et octobre en 2017 et en 2020.

La performance des actions entre mai et octobre varie considérablement selon les marchés mais on observe aussi, quel que soit le marché, une volatilité considérable d'une année sur l'autre. Par exemple, les actions chinoises ont rebondi de plus de 20% entre mai et octobre en 2017 et en 2020 et les actions de la zone euro ont grimpé de plus de 10% sur la même période en 2013.

2. Il pourrait en aller différemment cette année

La performance des actions pendant les mois d'été varie donc considérablement d'une année sur l'autre. Dans le contexte actuel, il pourrait être prématuré de tabler, à brève échéance, sur un point culminant pour les actions. La relance budgétaire et le rebond de la demande des ménages et des entreprises après la crise du COVID-19 se traduisent par des taux de croissance extraordinaires, notamment aux Etats-Unis, qui devraient perdurer pendant quelques mois encore. 

Cet environnement macroéconomique porteur se reflète dans le rebond plus vigoureux que prévu des bénéfices des entreprises (supérieur à 45% aux Etats-Unis au premier trimestre). La Recherche d’UBS estime dès lors que les actions ont encore une marge de progression. 

L'an dernier, un investisseur qui aurait vendu en mai serait passé à côté d'une bonne partie du rebond des actions amorcé vers la fin mars. Au bout d'un mois environ, les actions mondiales (indice MSCI AC World) avaient déjà regagné 25% du terrain perdu, puis 12% de plus entre mai et octobre. 

3. Trouver le bon timing pour investir en bourse est difficile et cette approche peut coûter cher

L'an dernier, les actions américaines ont enregistré la correction la plus sévère, mais aussi le rebond le plus rapide de leur histoire. Cela témoigne de la difficulté à anticiper l'évolution des marchés pour trouver le bon point d'entrée, une stratégie qui peut avoir un coût d'opportunité significatif. Pour les investisseurs qui vendent en mai, racheter plus tard peut s'avérer difficile psychologiquement, notamment si les marchés ont rebondi dans l'intervalle. Cela risque de retarder encore plus la décision de réinvestir et d'en aggraver ainsi les effets.

Il faut se souvenir que les allers-retours impliquent des frais
de transaction, voire des impôts sur les plus-values.

De plus, dans l'environnement actuel, détenir des liquidités pendant trop longtemps revient cher. Comme les taux d'intérêts nominaux sont inférieurs à l'inflation, les taux réels sont négatifs, ce qui veut dire que les liquidités entraînent une érosion significative de la valeur d'un portefeuille. Il convient également de se souvenir que les allers-retours impliquent des frais de transaction, voire des impôts sur les plus-values. Lorsqu'un investisseur reste exposé, il jouit d'un effet de capitalisation sur l'ensemble de son portefeuille avant impôts.

En ce mois de mai, on peut suggérer aux investisseurs de se préparer à un regain de volatilité. Néanmoins, plutôt que de «vendre en mai et faire ce qui leur plaît», ils feraient bien de rester exposés et de prendre les trois mesures suivantes: 1) réexaminer leur plan financier à long terme; 2) diversifier leur portefeuille entre différentes thématiques, zones géographiques et classes d'actifs (y compris les actifs alternatifs) et parier sur la reflation et la croissance pour éviter d'être pris à contre-pied par les rotations sectorielles; 3) envisager de profiter de la volatilité pour investir, se diversifier et se protéger.

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