Les marchés ignorent Powell

Axel Botte, Ostrum AM

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La hausse limitée à 50pb en décembre fait payer les actions même si l’emploi ne milite pas pour un allègement.

La communication de Jerome Powell a déclenché une hausse réflexe impressionnante sur les indices boursiers américains. La Fed n’a fait que confirmer la hausse de 50pb en décembre, déjà visible dans les projections du FOMC en septembre. Le Nasdaq s’adjuge en effet 4,4% mercredi. Après une année de forte baisse, l’espoir d’un rebond des marchés semble autoriser tous les fantasmes. La publication de l’emploi, encore «trop» fort en novembre, viendra, en fin de semaine, doucher ce fragile optimisme issu d’anticipations d’assouplissement monétaire  sans réels fondements. Le net mouvement de pentification et de baisse des taux s’est renversé après la publication de l’emploi.

En zone euro, la baisse de l’inflation attise les achats d’obligations longues. Les rendements allemands sont sous 2% au-delà de 2 ans. La baisse de la volatilité rend les positions de portage plus attrayantes sur le crédit, la dette souveraine périphérique ou encore le high yield. Le dollar évolue au gré des anticipations sur la trajectoire des Fed funds. Le yen largement sous-évalué en profite d’autant qu’une revue de la politique monétaire nippone est prévue en décembre ou en janvier. Le plafonnement du 10 ans japonais à 0,25% devrait être modifié.

Le rapport sur l’emploi complique la tâche

L’économie américaine semble ralentir à la lecture de l’ISM manufacturier pointant une baisse des nouvelles commandes. Le marché du travail reste en revanche très solide. Les créations d’emplois privés se situent à 221’000 le mois dernier. Les embauches publiques se maintiennent autour de 40’000 comme en octobre. La baisse de la participation malgré quelque 10 millions d’emplois disponibles traduit les contraintes durables sur la croissance potentielle. La révision haussière sur les salaires horaires moyens constitue une surprise susceptible de retenir l’attention du FOMC. Les rémunérations progressent de 5,1% sur un an. Cela conforte l’idée de résilience du consommateur après la publication, la veille, du revenu des ménages en octobre (+0,7%m). En outre, les signaux de durcissement des conditions de crédit ne concernent pas encore les prêts à la consommation. La pandémie a engendré une phase de désendettement involontaire du consommateur qui offre encore des marges de manœuvre pour prolonger la hausse de dépenses.

L’assouplissement des conditions financières depuis un mois semble prématuré voire contreproductif dans la lutte contre l’inflation.

Le rapport sur l’emploi complique la tâche de la Fed, étant donné la persistance des tensions salariales et l’atonie de l’offre de travail. Une hausse des Fed funds de 50pb semble acquise mais l’institution peine à convaincre les marchés de la nécessité de relever davantage les taux. L’assouplissement des conditions financières depuis un mois semble prématuré voire contreproductif dans la lutte contre l’inflation. Les conditions de prêts se durcissent néanmoins sur certains marchés. La limitation des retraits sur un fonds d’immobilier commercial de Blackstone est un premier signe tangible de doute sur les valorisations de l’actif d’une part et de la nécessité de rééquilibrer les portefeuilles vers la trésorerie mieux rémunérée. Les rachats semblent provenir d’Asie, où les pertes sur l’immobilier chinois sont sans doute conséquentes.

Une tendance surprenante

On peut s’étonner de la violence des réactions du marché aux déclarations parfois anodines des banquiers centraux.  La réduction de la taille des hausses, attendue depuis plusieurs mois, est interprétée comme un premier pas vers l’allègement monétaire. Le Nasdaq s’est envolé, les rendements à 2 ans ont surperformé sur la courbe américaine et le dollar s’est ajusté à la baisse. Il est clair que les comptes spéculatifs ont continué de réduire leurs sous- expositions aux actions.

Sur les marchés de taux, les gérants d’actifs institutionnels continuent d’accumuler les positions acheteuses de contrats T-notes. Cette tendance peut paraitre surprenante compte tenu du portage négatif du 10 ans américain (3,60%) passé sous les Fed funds. Les emprunts indexés se revalorisent avec des points morts bien orientés en fin de semaine (+8pb). La détente des taux réels est impressionnante.

Sur le Bund (1,87%), la pression baissière perdure sur les rendements à long terme. Les adjudications du trésor français ont rencontré une forte demande pour des échéances allant de 2031 à 2052. De même, la dette italienne demeure bien soutenue. L’annonce probable d’un prochain resserrement quantitatif pour 2023 est néanmoins susceptible de freiner à la fois la baisse des taux et des spreads. Les projections de besoin de financement l’an prochain combiné au retrait, partiel probablement, de la BCE devrait finir par peser. Les points morts d’inflation montent à l’instar des Etats-Unis.

L’embellie perdure sur le marché du crédit avec un resserrement des spreads de 7pb, voire 9pb en incluant les dettes subordonnées financières. Le high yield s’est légèrement écarté de façon homogène sur les différents segments de la cote. Le resserrement des spreads du crossover se poursuit en revanche sous les 450pb. La balance des flux légèrement positive suffit à améliorer les spreads en l’absence de marché primaire et avec un positionnement encore défensif de la plupart des intervenants.

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